L’agence de notation Moody’s a maintenu la note de la France à Aa1 avec des perspectives négatives. Que faut-il en penser? (le rapport est ici)
Les agences de notations, quand elles observent l’économie française, s’interrogent toutes sur la croissance.
Depuis le printemps 2011 le PIB est quasiment au même niveau (voir le graphe). Cela n’est pas satisfaisant et les agences s’interrogent sur la façon dont la France pourrait s’échapper de cette stagnation. Elles prônent la flexibilité.
Cette question de la croissance est aussi celle que se pose le gouvernement et qui sous-tend les mesures de politique économiques annoncées lors de la conférence de presse du 14 janvier.
Cependant, ces agences notent que la France est résiliente et diversifiée. La baisse de l’activité a de ce fait été moins prononcée que dans la plupart des pays. Cela en fait un atout de robustesse les empêchant de spontanément dégrader davantage la note.
Les agences se penchent alors sur la perspective. Elles constatent que l’économie française si résiliente, si diversifiée a néanmoins des difficultés à se remettre en question et à s’ajuster à une économie globale plus flexible. Le constat est la rigidité d’une économie française qui ne s’inscrit pas ou mal dans ce monde qui change. Cela l’empêche de s’adapter et donc à disposer des moyens de repartir de l’avant. C’est le manque de compétitivité qu’évoque Moody’s dans son rapport. Au-delà des questions liées à l’ajustement conjoncturel, ce manque d’adaptabilité pèse sur la profitabilité des entreprises et ne les incite pas à développer des dépenses de recherche.
Voilà c’est cette problématique qui est au cœur des analyses des agences de notation: la France n’a pas une capacité d’adaptation suffisamment forte pour profiter de l’environnement globale et retrouver une croissance plus robuste dans la durée. La France n’arrive pas à converger vers cette trajectoire vertueuse mais le risque de rupture à la baisse est limité en raison de la résilience de l’économie française. Cela justifie en tant que telle l’absence de dégradation.
Après il y a un couplet sur les finances publiques avec l’accent mis sur le niveau de la fiscalité et le niveau de la dette publique. Il y a une interrogation sur l’effet désincitatif du niveau de la fiscalité et sur la capacité de l’économie française à stabiliser puis à réduire la dette publique. Moody’s n’envisage pas de repli de la dette française avant 2016, dans le meilleur des cas.
Concernant les mesures annoncées par François Hollande lors de sa conférence de presse, Moody’s s’interroge. L’agence ne semble pas opposée à l’orientation prise mais s’interroge sur la mise en œuvre des mesures et sur la capacité du gouvernement à aller au bout. Les interrogations portent notamment sur la baisse des dépenses évoquée pour financer la mesure de réduction des prélèvements sociaux. La façon dont ses réductions seront mises en œuvre, le détail et les affectations des réductions de dépenses ne sont pas suffisamment affirmées et précisées. L’agence craint, en outre, que de telles mesures génèrent des tensions sociales.
S’il y a un risque de rupture par rapport à la dynamique commune des pays de la zone Euro, parce que la France n’est pas capable de suivre, alors il y aura dégradation, sinon il n’y a pas de raisons.
Généralement, les dégradations fortes mettant en doute la solvabilité de l’économie constatent toujours les ruptures dans la trajectoire de l’économie. Cela avait été le cas de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal ou encore de l’Italie. Ce n’est pas le cas de la France. Il n’y a pas de rupture par rapport à l’Europe, il y a d’abord une incapacité à jouer le rôle que l’on attend de la 5ème économie mondiale. Elle devrait être capable de réagir et de tirer la reprise et de contribuer à celle ci. Ce n’est pas le cas.. Si cette incapacité, perçue comme temporaire du fait des mesures annoncées, s’accentuait et devenait permanent alors la France incapable de suivre ses principaux partenaires commerciaux serait dégradée. On n’y est pas encore.
Par ailleurs, le rapport ne faisant pas état d’une rupture de l’économie française, l’impact sur les marchés financiers devrait être réduit.
Mon point de vue
L’interrogation est la même pour tous ceux qui se penchent sur l’économie française: comment lui faire reprendre le chemin de la croissance de façon plus autonome. Comment faire de telle sorte que l’économie française reparte de l’avant. La réponse de Moody’s est très classique: il faut réformer l’économie française, notamment sur le marché du travail, notamment sur la fiscalité. Il n’y a rien d’original dans ce constat. Les orientations souhaitées par l’agence ne sont pas non plus suffisamment développées pour que l’on puisse en tirer une idée de réforme qui aille au-delà des incantations habituelles.
Dans les propositions du gouvernement pour améliorer la réactivité de l’économie française, il reste encore de nombreux points à préciser. Cela devrait se faire dans les semaines à venir. Moody’s ne critique pas la mesure mais la mise en œuvre. C’est à mon sens la raison du maintien de la perspective négative.
Depuis 2012 et la dernière notation de l’agence Moody’s les améliorations ont été limitées puisque l’économie française ne retrouve pas spontanément le chemin de la croissance. Les mesures annoncées par François Hollande pourraient finalement aller dans le sens d’une amélioration de la croissance. Puisque la probabilité de réussite n’est pas nulle, l’agence ne veut pas prendre position de façon trop marquée. La meilleure façon de le faire est alors de maintenir le diagnostic.