La production de pétrole était très dépendante des trois grands pays producteurs que sont les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et la Russie.
Après l’invasion de l’Ukraine, les pays occidentaux ont fait voter, à l’ONU, des motions condamnant la Russie. Ce vote n’a jamais été unanime et de grands pays comme la Chine ou l’Inde ne les ont pas voté.
Dans le même temps, l’Europe, les US et d’autres ont fait voter des sanctions interdisant l’utilisation et l’importation de pétrole russe. L’objectif était de réduire très fortement les recettes de la Russie et de l’affaiblir dans la durée. On se souvient qu’à l’automne 1998 lorsque le prix du baril de pétrole était tombé à moins de 10 dollars la Russie avait fait défaut. L’histoire autour des sanctions est similaire.
Une fois ce cadre posé, on doit s’attendre à une forte réduction de la production russe puisqu’elle n’est plus achetée par l’Occident. Ce déséquilibre sur le marché du pétrole doit forcément provoqué des tensions sur le prix de l’or noir notamment en Europe où les importations de pétrole russe représentaient en 2021 30% des importations totales de pétrole.
Ce n’est pas ce qui est observé. Les prix sont peu élevés. Ils sont nettement moins élevés qu’au printemps 2022 alors que la Russie subit fortement les mesures restrictives imposées par les pays occidentaux. Pour faire face à cette chute des prix, l’OPEP est même obligé d’indiquer qu’elle réduira sa production pour pousser les prix à la hausse. Pour fixer les idées, le prix du pétrole en euros est 25% moins cher en moyenne en mars/avril 2023 qu’un an auparavant. Les tensions auraient dû se prolonger en raison de la réduction de l’offre russe.
Il y a une partie du modèle qui ne boucle pas.
Un rapport du Center for Research on Energy and Clean Air (CREA) publié le 19 avril 2023 nous éclaire.
Les pays qui n’ont pas voté contre la Russie à l’ONU achètent le pétrole russe à bas prix et le revendent aux pays ayant voté les sanctions. Cette situation était connue mais le rapport la systématise et la documente.
Je ne détaillerai pas l’ensemble des données mais depuis un an les importations de pétrole russe par l’Inde, la Chine, la Turquie, les Émirats Arabes Unis et Singapour ont bondi. Dans le même temps leurs exportations vers les pays signataires des sanctions ont vivement augmenté alors que celles vers les pays non signataires progressaient marginalement.
Ce qui est intéressant dans ce schéma est que finalement, tout le monde profite de la situation. Le prix du pétrole n’a pas atteint des sommets. Les pays occidentaux ont pris des sanctions mais ne sont pas pénalisés par les conséquences de celles ci sur le prix du pétrole et la Russie ne se porte pas si mal. Les projections faites par le FMI, pour la Russie dans son dernier rapport sur les perspectives, sont une faible récession en 2022 (-2.1%) suivie d’une reprise en 2023 et 2024 (+0.7% et 1.3% respectivement). De même l’inflation élevée en 2022 (13.8%) se réduirait nettement en 2023 et 2024 (7% et 4.6% respectivement).
La solution coopérative, qui aurait pu apparaitre souhaitable, c’est à dire tout le monde contre la Russie aurait été la moins bonne puisque le prix du pétrole aurait vivement augmenté par réduction rapide de l’offre russe. Le risque de récession se serait alors franchement accru. Les européens auraient payer le prix fort.
La solution non coopérative au sein de laquelle la Russie est pénalisée puisqu’elle vend son pétrole moins cher (60$ max) que sur le marché libre. Elle dispose cependant de revenus suffisants pour continuer la guerre.
Les pays occidentaux ne sont pas pénalisés par un prix du pétrole exorbitant. Certes les tensions sur le prix de l’or noir, en 2022, ont provoqué une poussée inflationniste sans précédent depuis le choc pétrolier des années 1970. Mais cette hausse des prix est en train de se résorber. Les contributions de l’énergie à l’inflation sont désormais négatives.
Les européens peuvent avoir intérêt à fermer les yeux sur les échanges entre la Russie, la Chine, l’Inde et quelques autres pour sauver sa conjoncture. Ce sont finalement les Ukrainiens qui sont pénalisés car la guerre dure.