La population qui a atteint 8 milliards d’individus en 2023 est un défi pour la terre. La densité dans l’occupation des lieux, l’urbanisation et la concentration des modes de production agricoles et industrielles sont des éléments qui nuisent à la biodiversité et qui alimentent la pollution de l’eau et de l’air.
Mais, la taille de la population et l’attente de 10 milliards d’habitants au-delà de 2060 est-elle un facteur explicatif de l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et du changement climatique ? La réponse est forcément nuancée. Parce que le carbone accumulé provient essentiellement des pays industrialisés qui ne sont qu’une petite partie de la population mondiale.
Et, puisque les populations qui vont continuer de s’accroître sont celles qui émettent le moins de carbone, la hausse du carbone dans l’atmosphère sera limitée. Dès lors, argumenter sur la taille excessive de la population mondiale pour expliquer le changement climatique est excessif et traduit généralement le point de vue des pays développés dont la population n’augmente plus.
La population mondiale est désormais de 8 milliards d’individus et les projections qui sont faites suggèrent qu’il y aura un milliard de personnes en plus en 2040 et un milliard supplémentaire après 2060.
Dans l’utilisation des chiffres de la démographie, la projection jusqu’en 2050 est fiable car la plupart des personnes qui vivront dans 30 ans sont déjà nées. Elle reflète la croissance soutenue de la démographie dans les décennies passées et l’importance de la population “jeune” dans la population mondiale. Dès lors le taux de fécondité qui évoluera au cours des prochaines décennies n’est pas immédiatement déterminant.
Le deuxième aspect de la population est sa structure par âge.
Il y a deux changements radicaux quand on regarde la structure par âge de la population mondiale.
La population active, mesurée ici comme celle allant de 20 à 60 ans, va rapidement stagner. Cependant, les évolutions géographiques ne seront pas homogènes.
Les pays pour lesquels la population va augmenter dans les 50 prochaines années ont une part de cette population active qui passera de 51% actuellement à 73% en 2100 dans la population active mondiale. Cela se traduira par une hausse de l’activité économique avec un risque d’émissions supplémentaires de carbone. Mais le point de départ est très bas limitant son impact.
Pour les pays développés, la population active va diminuer, pesant alors sur la capacité à faire de la croissance tout en limitant son empreinte carbone en flux.
La deuxième remarque est que la population des plus de 60 ans progresse très vite, au détriment de la population des jeunes, ceux de moins de 20 ans.
L’âge moyen va tendre vers 45 ans et la contribution des plus de 60 ans va rapidement s’accroître au cours des prochaines années.
La troisième dimension dans l’allure de la population mondiale est sa distribution géographique.
L’élément le plus marquant est à la fois la progression spectaculaire de l’Afrique, le recul de l’Europe et surtout celui de la Chine.
Cette distribution est majeure pour comprendre les enjeux entre cette population et la question des émissions de gaz à effet de serre.
En effet, les régions connaissant la plus forte hausse de leur population sont celles qui émettent très peu.
La démographie est majeure pour comprendre la problématique du changement climatique mais attention c’est un peu un faux-ami.
Il faut pouvoir distinguer les stocks de carbone émis par le passé et les flux actuels. Les stocks expliquent le changement climatique, les flux montrent les sources d’ajustement sachant que le carbone émis à une durée de vie très longue.
Sur le graphe figurent les chiffres des émissions carbonées cumulées jusqu’en 2022.
Les pays ayant un revenu élevé (plus de 13206 dollars par tête en 2021) ont émis 56% des émissions carbonées. Le carbone dans l’atmosphère provient à hauteur de 56% des pays développés.
En revanche, les pays à revenus bas n’ont émis que 0.6% des émissions cumulées.
Pour faire le total à 100, figurent aussi les émissions cumulées associées au trafic international des avions et des bateaux.
Pour être plus spécifique, la décomposition par région ou par grands pays est pertinente.
On constate que le poids de chaque région n’est pas cohérent avec le poids de sa population.
L’Inde et l’Afrique ont un cumul des émissions carbonées très réduit alors que ce sont des régions à population très élevée.
L’analyse des flux montre que les émissions courantes sont très dépendantes du revenu par habitant. C’est ce que suggère le graphe ci-dessous.
Les pays à haut revenus sont ceux qui, chaque année, émettent le plus alors que les émissions pour les pays les plus pauvres sont très faibles.
Ici aussi, il est pertinent de regarder les évolutions par grands pays ou par grandes régions.
Deux remarques:
- Les écarts sont considérables.
- Les pays dont la population croit le plus vite sont généralement ceux pour lesquels le niveau des émissions carbonées est très faible. C’est le cas de l’Inde et de l’Afrique notamment.
Autrement dit, la relation entre la démographie et les émissions carbonées et donc le changement climatique n’est pas immédiate.
Prendre comme argument la taille de la population mondiale pour explique le changement climatique n’est pas pertinent. C’est une idée souvent évoquée dans les régions où la population n’augmente plus.
Réduire la progression de la population africaine, au regard de ses émissions carbonées, n’aurait qu’un impact limité et pénaliserait son développement économique. Cela ne résoudrait en rien la question de l’impact de l’accumulation des émissions carbonées, depuis la révolution industrielle, faite par les pays occidentaux depuis la révolution industrielle.
Deux conséquences:
La première est que la rupture des comportements doit d’abord être le fait des pays développés même si ces derniers voient leurs émissions reculer depuis quelques années. Il faut aller plus loin et ne pas laisser la charge de l’ajustement aux pays émergents. Ils doivent eux aussi pouvoir se développer.
De ce point de vue, je trouve les objectifs présentées par la Commission Européenne à l’horizon 2040 très pertinents. Il y a nécessité d’une rupture pour se caler sur la trajectoire de la neutralité carbone. Il n’y aura pas de continuité avec le passé récent. Il faut que l’on se prépare à des ruptures car la situation va changer de façon spectaculaire.
La deuxième remarque que les population qui progressent très vite seront aussi celles qui seront les plus pénalisées par le changement climatique au risque d’en pénaliser le développement et d’accentuer les flux migratoires.
Le monde ne fera pas l’économie d’un comportement nouveau pour être plus coopératif.
La population n’est qu’un paramètre dans l’analyse du changement climatique. Deux autres paramètres sont essentiels pour comprendre la dynamique du changement climatique: l’activité et la technologie associée à celle ci. L’impact des activités humaines est le produit de ces trois facteurs: population, activité et technologie selon l’équation I=PAT. On en reparlera.