La dette publique permet de mutualiser un choc dans la durée. C’est le justificatif des interventions massives des Etats lors de la pandémie. Face à un choc inédit, il faut en reporter le coût sur plusieurs années plutôt que de payer le prix cash au risque de déstabiliser fortement et durablement l’économie.
Depuis l’année 2000, les économies ont été soumises à deux chocs de grande ampleur, celui de la grande récession de 2008/2009 et celui de la pandémie.
A chacun de ces épisodes, les pouvoirs publics ont été très actifs et la dette publique s’est envolée. La question est de déterminer si c’était la bonne réponse pour remettre l’économie sur de bons rails.
La comparaison de la France, de l’Allemagne et des Etats-Unis est éclairante. Les trois pays ont eu recours à des émissions de dette publique importantes lors des chocs. Néanmoins, l’Allemagne a eu un comportement différent entre les deux évènements en réduisant drastiquement son endettement.
Le point à retenir est que la hausse de la dette publique et la politique budgétaire accommodante associée ne sont pas suffisantes pour faire repartir l’économie sur sa tendance d’avant le choc.
Partons du cas de la France. Regardons l’allure du PIB depuis 2000 et observons ce qui s’est passé après chacun des deux chocs. J’ai calculé une tendance avant chaque choc pour mesurer la rupture potentielle associée au choc.
Il y a une cassure à chacun des deux chocs et le PIB ne revient jamais sur sa tendance antérieure. La politique budgétaire d’accompagnement n’a pas été suffisante pour recaler l’économie française sur sa trajectoire d’avant crise. En cela, la stratégie de Bercy a été de limiter le risque, une forme de filet de sécurité.
Prenons la même méthodologie pour l’Allemagne et les Etats-Unis et mesurons l’écart entre le PIB observé et sa tendance. J’ai mis cette mesure des trois pays sur un même graphe.
Les profils ne sont pas similaires.
En Allemagne, le retour à la tendance est rapide après la grande récession. Cela traduit l’impact de la reprise forte des échanges avec la Chine. Le choc extérieur avait alors gommé les difficultés internes et tiré l’économie allemande hors de la crise. L’effet inverse se lit dans la période suivant la pandémie. L’absence de reprise des échanges avec la Chine pénalise fortement l’économie d’outre-Rhin. Dans le même temps, la politique budgétaire peu expansionniste ne dope pas la demande interne et permet pas de compenser le manque de demande externe. L’écart à la tendance antérieure est désormais considérable.
Aux Etats-Unis, le choc est subi lors de la grande récession. Les mesures d’accompagnement sont nombreuses, mais l’économie s’écarte durablement de sa tendance antérieure. Cette situation pouvait aussi être lue dans l’allure de reprise très lente de l’emploi à cette période. Les émissions de dette publique n’ont pas suffi. En revanche, après la pandémie, la politique volontariste de la Maison-Blanche, l’Inflation Reduction Act, permet une fort soutien à l’activité et la convergence vers la tendance antérieure. La dette publique est alors le moyen de la stratégie de reprise.
La France est au milieu apparaissant comme disposant de moyens, mesurés par la forte progression de la dette publique, mais sans source d’impulsion. Après la grande récession et après la pandémie, sa trajectoire est modeste et sans véritable rebond. C’est une économie qui est très centrée sur elle-même sans pour autant avoir bénéficié d’une impulsion forte de la politique budgétaire. C’est toute la problématique de la hausse des dépenses de fonctionnement qui ont fortement progressé dans la hausse de l’ensemble des dépenses.
La dette publique n’est qu’un moyen pour limiter les risques mais elle doit relayer par des sources d’impulsion pour limiter l’écart avec la tendance antérieure. L’Allemagne avait résolu la question en bénéficiant de la croissance rapide de la Chine, les US plus récemment ont mis en place une politique volontariste de grande ampleur. La France met des moyens pour limiter le risque mais n’a pas de sources d’impulsion lui permettant de remonter la pente.