Les économistes évoquent depuis très longtemps l’importance de l’éducation et de la formation. Les emplois qualifiés qui en sont le prolongement donnent de l’ambition à la croissance puisque c’est une façon remarquable de faire des gains de productivité. On revient toujours à ce point, à l’importance d’améliorer la productivité pour bonifier la dynamique des revenus tout en donnant des marges de manœuvre au système économique pour s’adapter aux chocs qui perturbent l’économie.
Cette dimension est d’autant plus importante que l’économie change rapidement en raison d’innovations et de chocs. Il faut être capable de s’adapter aux évolutions nouvelles. C’est un critère majeur pour rester dans la course globale.
J’évoque cette question après la lecture d’un article passionnant de Denis Ferrand sur le coût du travail en France. Sa conclusion est terrible puisqu’il termine en indiquant que le coût très élevé du travail en France est une incitation à délocaliser l’activité lorsque celle-ci est sophistiquée. Et de citer une étude de l’Insee indiquant que les délocalisations sont associés à des emplois qualifiés alors que les relocalisations s’opèrent sur les emplois ne nécessitant pas une technicité trop importante.
Entre la formation qui est souhaitée efficace pour l’ensemble de l’économie et un résultat aussi décevant il y a un peu d’incompréhension.
Pour comprendre, il faut reprendre la stratégie des gouvernements successifs sur le coût du travail.
Depuis 1993, l’idée est de réduire le coût du travail en réduisant les charges sur les bas salaires correspondant généralement aux personnes les moins bien formées. Le taux de chômage très élevé a poussé les gouvernements successifs à subventionner les emplois peu qualifiés. Les réductions de coûts sont montrées jusqu’à 3,5 fois le SMIC.
Les montants sont spectaculaires puisqu’au maximum le coût était de 80 mds d’euros par an.
Cela a eu deux conséquences. La première est d’inciter les entreprises à embaucher des personnes plus qualifiées pour des postes qui ne nécessitaient pas ce niveau de formation. Les bac+3 ont remplacé les bacheliers et les bac+5 ont pris la place des bac+3. Une conséquence immédiate est que les peu qualifiés sont plutôt restés sur le carreau.
Le coût important de ces mesures a dû être financé par des charges plus importantes sur les salaires des personnes dont l’emploi était très qualifié renchérissant le coût de ces emplois.
Ainsi les prélèvements sur le travail représentent 6 points du salaire brut de plus en France que dans la moyenne européenne pour des salaires entre 1.4 et 2.5 SMIC. C’est 20 points en plus pour les salaires français lorsque le salaire est 6 fois le SMIC. L’incitation à créer des emplois très qualifiés est donc réduite, limitant ainsi les gains de productivité.
Un jour il faudra réfléchir à ce biais qui coûte très cher à la collectivité.
Source: Rexecode Denis Ferrand Lien https://bit.ly/4ipqY0x