Verbatim de ma chronique du jour
Les réformes structurelles sont souvent perçues comme l’élément clé pour converger vers une croissance plus élevé et une progression rapide de l’emploi.
De nombreux exemples sont associés à des réformes structurelles pour montrer combien elles sont utiles en provoquant des ruptures salvatrices. Souvent la Suède du début des années 90 est évoquée. Elle avait alors modifié en profondeur la dynamique de ses finances publiques pour infléchir dans la durée le profil de la dette publique. On évoque aussi souvent les pays d’Europe centrale, l’Irlande, l’Allemagne ou le Canada. Indéniablement ces pays ont connu une grande réussite après des réformes en profondeur de leur économie.
Cependant, ce terme de réforme structurelle est suffisamment large pour être flou. Il faut savoir le définir de façon plus précise.
Il y a deux dimensions dans ces réformes structurelles
La première est celle de l’allocation des ressources.
Dans la dynamique du cycle économique, il faut pouvoir réallouer des ressources de secteurs d’activité qui s’essoufflent vers d’autres susceptibles de générer davantage de valeur ajoutée. Les activités au sein d’une économie n’ont pas les mêmes profils ni les mêmes perspectives. Pour être efficace, il faut pouvoir transférer des ressources des secteurs sur lesquels les anticipations sont limitées vers ceux qui peuvent aujourd’hui et dans le futur être une source de valeur ajoutée supplémentaire. C’est cet arbitrage, cette capacité à réallouer des ressources qui doit sous-tendre les réformes structurelles. Elles sont d’autant plus importantes que l’économie a subi un choc négatif comme cela a été le cas en Europe récemment.
Quand l’économie est suffisamment flexible, cette réallocation se fait en continue. En revanche lorsqu’elle est marquée par des rigidités importantes, elle ne s’opère pas spontanément et les secteurs en développement ne trouvent pas les moyens de croitre pénalisant ainsi le profil de croissance à venir.
La réallocation de ressources que j’évoque porte à la fois sur des moyens financiers, comment trouver les financements, sur l’investissement, quel risque prendre, et sur l’emploi, comment faciliter l’emploi dans ces nouveaux secteurs.
Dans des économies rigides c’est un challenge et il faut généralement passer par la loi pour y arriver.
La deuxième dimension des réformes structurelles est celle relative aux contraintes qui pèsent sur le fonctionnement même de l’économie. Ce sont notamment les mesures à prendre pour inverser la dynamique des finances publiques et en accentuer l’efficacité. C’était un des objectifs des réformes en Suède.
La mise en œuvre de l’ensemble de ces éléments peut avoir un effet perturbant sur le profil de l’activité. Si pour rééquilibrer les finances publiques les dépenses sont fortement réduites, par exemple ou si le fonctionnement du marché du travail est profondément modifié on perçoit bien que cela puisse créer des turbulences et pénaliser la croissance et la dynamique de l’emploi.
De ce point de vue il faut faire deux remarques
La première est que généralement, les succès observés dans les réformes structurelles n’ont concerné qu’un pays à la fois ou qu’un petit groupe de pays. La Suède, le Canada ou l’Irlande ne sont pas, en outre, des pays de grande taille. Leurs réformes structurelles ont été mises en place à des moments où la croissance globale était robuste. C’était le cas aussi des pays d’Europe centrale au début des années 90. Ils avaient bénéficié notamment de la croissance de l’Union Européenne. L’Allemagne au début des années 2000 a bénéficié de la croissance rapide des autres pays de la zone Euro. Elle a pu faire ses réformes comme elle le souhaitait.
En d’autres termes, un pré-requis pour que les réformes structurelles soient efficaces est qu’elles s’inscrivent dans un environnement en croissance. Il faut que les risques sur l’activité, en interne, puissent être compensés par une impulsion forte provenant de l’extérieur afin de limiter l’impact global sur la croissance et l’emploi. Souvent d’ailleurs, les pays qui ont fait ces réformes ont déprécié leur monnaie de façon significative afin de profiter de cette impulsion extérieure.
En zone Euro, la situation est plus compliquée que celle évoquée pays par pays. Les échanges au sein de la zone sont très importants pour comprendre la dynamique de l’activité. Si chaque pays de la zone se met à faire des réformes structurelles alors chacun va perturber le fonctionnement de son économie. En raison de l’interdépendance des conjonctures, ce choc négatif dans chacun des pays ne pourra être compensé par une hausse rapide de ses exportations vers les pays de la zone. Et même au delà de la zone Euro, la croissance des échanges internationaux n’est pas suffisamment importante pour compenser ce choc interne.
Il faut faire des réformes structurelles parce que la progression de chacun des pays de la zone euro est trop réduite mais il faut avant tout retrouver un profil de croissance un peu plus rapide afin de les mettre en œuvre dans de meilleurs conditions. Retrouvons de la croissance sous l’impulsion de la BCE et de la baisse du prix de l’énergie puis attaquons nous aux dysfonctionnements
Un autre aspect à souligner est que généralement les réformes structurelles se traduisent par un nouvel équilibre au sein de l’économie et donc se traduisent par des transferts de revenus. Au delà des aspects économiques évoqués, il y a ici une dimension politique forte. La modification en profondeur dans la distribution des revenus est un sujet politique, forcément.
Sur ce point, par exemple, on peut s’interroger sur l’équilibre entre les générations. Est ce que l’équilibre sur l’emploi ou sur le logement est assuré entre les jeunes et les vieux ? Si l’on se satisfait de la situation actuelle on ne changera rien mais on voit bien que si la situation présente n’est pas satisfaisante, il faut modifier l’allocation de ressources entre jeunes et vieux. Et cette dimension, économique et politique, est complexe. Elle l’est d’autant plus que la croissance de l’économie, donc sa capacité à générer des revenus est faible.
Les réformes structurelles traduisent la nécessité de changer régulièrement les règles d’une économie qui n’arrive pas à s’adapter de façon endogène. On imagine que de façon éclairée on pourra écrire de nouvelles règles qui définiront un cadre plus efficace.
Cependant, on peut inverser la perspective et se dire que ces réformes structurelles montrent combien on ne croit pas à une économie susceptible de s’adapter en continu d’elle même. C’est peut être cela notre vrai problème structurel.