Verbatim de ma chronique du jour
La posture de la Fed est plus complexe qu’il n’y parait.
Lors de sa conférence de presse Janet Yellen a indiqué 4 points :
le premier est que la Fed souhaite retrouver des marges de manœuvre même si la croissance n’est pas excessive,
le deuxième est que les décisions de politique monétaire restent dépendantes des données économiques,
le troisième est qu’elle ne s’attend pas à une accélération de l’inflation mais simplement à une convergence vers la cible de 2% à moyen terme.
Le dernier point est que le profil de la hausse des taux attendue, restera très bas et ne traduira en aucun cas une urgence résultant d’une correction après une période prolongée de taux d’intérêt trop bas. Car la Fed ne renie pas la nécessité qu’il y a eu et qu’il y a encore d’avoir des taux d’intérêt proches de 0%.
L’exercice est plus compliqué qu’il n’y parait car la banque centrale américaine ne veut, en aucun cas, céder à l’idée qu’elle agit dans l’urgence et dans la nécessité d’un ajustement à mettre en œuvre très rapidement. De nombreuses voix et depuis longtemps expriment l’idée que l’inflation va progresser très vite. Il suffit pour cela de voir la façon dont certains analysent l’évolution de n’importe quel chiffre de salaire pour prédire une accélération de l’inflation et la nécessité absolue d’augmenter les taux d’intérêt. Ce discours tenu pour certains depuis le début des politiques monétaires non orthodoxes ne tient pas. Depuis 2009 le taux d’inflation n’a pas accéléré dans la durée et la demande interne, pas si robuste que cela, a validé la mise en place effective de ses politiques non orthodoxes.
La Fed ne veut pas tomber dans le piège d’une mise à niveau dans l’urgence car alors elle pourrait créer un effet de contagion sur l’ensemble de la structure des taux d’intérêt. Un mouvement haussier avec une pentification rapide de la courbe des taux ne serait pas une bonne stratégie compte tenu de la faiblesse de la croissance attendue en 2015 (1.9% selon la Fed dans ses nouvelles projections).
La banque centrale américaine, dans sa communication, a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre une stratégie de hausse très modérée et lissée dans le temps. Elle ne veut pas laissé croire que le mouvement de hausse puisse ressembler à ce qui s’était passé durant d’autres épisodes de resserrement de la politique monétaire. Janet Yellen l’a bien précisé dans une réponse à une question d’un journaliste. Le profil du taux de la Fed ne ressemblera pas aux marches d’escalier avec une hausse à quasiment chaque réunion, que l’on a pu voir par le passé notamment entre l’été 2004 et l’été 2006.
S’il n’y a pas de hausse systématique, la Fed va devoir modifier sa communication afin de ne pas alimenter les anticipations d’une hausse qui pourrait s’emballer. Elle ne veut pas engendrer une pentification trop rapide de la courbe. Pour cela elle devra probablement définir de façon plus précise le profil qu’elle attend sur l’évolution de son taux de référence. Elle ne pourra plus se contenter de communiquer sur les attentes annuelles de chacun de ses membres quant à la trajectoire qui pourrait être celle des fed funds. Cette communication manque de précisions et pourrait créer de la confusion du côté des investisseurs. La méthode de la Banque Centrale de Suède est de ce point de vue intéressante. Elle définit dans son communiqué le niveau actuel du taux de référence et le profil attendu pour les 3 années à venir. Cela permet de réduire l’incertitude sur le profil de la politique monétaire et le risque de surajustement des investisseurs face aux mouvements de la banque centrale. Cela n’empêche pas cette banque centrale de faire évoluer sa politique monétaire d’une réunion à l’autre en fonction de l’évolution macroéconomique.
La stratégie de la Fed est donc d’infléchir à la hausse le profil du taux des fed funds qui est inchangé depuis décembre 2008. L’inflexion ne se fera pas dans la rupture car les conditions macroéconomiques sur la croissance et l’inflation ne le commandent pas. Mais la Fed veut revenir à la manœuvre. En conséquence, et Yellen s’est efforcée de le communiquer, la date de départ n’est pas très importante s’il ne s’agit pas d’une rupture mais simplement d’une inflexion. Beaucoup ont voulu voir dans son propos la validation d’une remontée des taux dès le mois de septembre. Cela ne réussit à convaincre que ceux qui sont convaincus.
Un dernier point tout de même. La Fed indique qu’elle est très attentive aux déséquilibres sur le marché du travail. S’il y a résorption des déséquilibres, des tensions doivent apparaitre et cela doit se lire sur le profil des salaires. Or ceux ci ne progressent que de 2.3% par an ce qui ne traduit pas une pression et une tension forte sur le marché du travail.
C’est parce que ces tensions sont réduites que la Fed ne peut pas agir fortement et brutalement. Le mouvement annoncé traduit donc bien la volonté de la banque centrale de reprendre les choses en main.