L’enjeu de 2014 sera la politique monétaire parce que les économies entrent dans des cycles économiques distincts. Lors de la phase de crise, les politiques mises en œuvre suivent toutes la même orientation et l’on perçoit même des comportements coopératifs entre les autorités monétaires. L’objectif alors est de ne pas sombrer. Puisque tous les pays sont soumis aux mêmes risques il est pertinent de tous aller dans le même sens. C’est une des leçons des crises précédentes et cela est très rationnel.
Cependant, la situation change et même si l’on constate que l’économie mondiale est en phase de reprise il ne peut être fait état d’un cycle économique uniforme. L’économie américaine progresse très rapidement depuis l’été et sa croissance sera voisine de 3% en 2014. C’est un chiffre un peu plus élevé que celui qui était observé dans la période d’avant-crise. La Fed devra prendre cela en compte très rapidement même après avoir réduit ses achats d’actifs. On ne peut pas en dire autant de la zone Euro puisque le 1% de croissance attendu pour 2014 est à la moitié de celui constaté avant la crise et ne règlera en aucun cas la question de l’emploi. Peut-on imaginer des politiques monétaires proches entre les deux zones alors que certains pays de la zone Euro sont en déflation ou proches de l’être. La BCE se lancera-t-elle dans l’achat de crédits comme l’a évoqué Mario Draghi à Davos pour réduire le risque de déflation?
Au Japon, la situation est différente aussi puisque dès le 1er avril le gouvernement va mettre en œuvre une politique budgétaire plus restrictive. Rappelons que l’objectif de Shinzo Abe est de caler l’économie sur un taux de croissance de 2% et de rééquilibrer à terme les finances publiques. L’utilisation de la politique monétaire pour sortir de la déflation et converger vers la trajectoire souhaitée était nécessaire. Mais que deviendra cette stratégie monétaire lorsque la politique du gouvernement sera plus restrictive. Devra-t-elle être encore plus accommodante? Au Royaume Uni la reprise se fait sans gains de productivité alors que la Banque d’Angleterre dans son dernier rapport évoque une hausse de ses taux d’intérêt même si elle n’en précise pas la date. La remontée des taux d’intérêt aura lieu dans un temps fini. C’est une vraie différence par rapport aux principes précédents prônant des taux bas pour une longue période.
Dans les pays émergents aussi la politique monétaire est très différenciée. Le Brésil monte ses taux d’intérêt, la Turquie refuse de le faire, l’Argentine vide ses réserves de changes pour tenir sa monnaie, l’Inde redéfinit sa stratégie monétaire de fond en comble et la Chine souhaite maîtriser davantage son système bancaire afin à terme de rendre le yuan convertible.
Les trajectoires des économies et leurs contraintes sont très différenciées désormais. C’est une différence profonde avec la situation d’il y a encore quelques mois. Cela implique que les stratégies des banques centrales ne pourront plus être similaires. Le risque de déflation est plus fort dans une économie de la zone Euro ou chaque pays essaie d’être le plus compétitif possible que dans une économie américaine où la demande interne est plus homogène par construction.
La gestion de la politique monétaire sera la clé de 2014 avec probablement des mouvements forts sur les parités, on a commencé à le voir sur le peso argentin ou la livre turque, avec peut être un euro un peu plus faible à terme. Les politiques monétaires devront en effet répondre aux contraintes spécifiques de chaque pays ou de chaque région, la dynamique commune ne sera plus identique. Les banquiers centraux qui, par le jeu des “forward guidance” souhaitent infléchir les anticipations des investisseurs, devront être convaincants pour qu’effectivement les économies retrouvent une allure plus robuste et plus cohérente dans le temps. Après une longue période de convergence, il faudra, pour les autorités monétaires, apprendre désormais à gérer la divergence des trajectoires