Les perspectives économiques de la zone Euro sont plus optimistes. C’est le message des enquêtes menées auprès des chefs d’entreprise. Depuis l’automne l’amélioration est significative et laisse imaginer que l’économie est enfin sortie de cette période longue et douloureuse de récession.
La semaine dernière Mario Draghi, le patron de la Banque Centrale Européenne, s’est engouffré dans ce schéma d’une conjoncture plus solide qui finalement lui permettait de maintenir le statu quo.
On perçoit bien l’interprétation que l’on peut faire en zone Euro de la conjoncture actuelle et des espoirs qu’elle peut faire naître.
Si la croissance se cale sur une trajectoire plus solide alors les déséquilibres, qui sont encore présents, s’estomperont progressivement. C’est pour cela aussi qu’il faut faciliter le mouvement d’accélération du cycle économique et non plus le parer de tout un tas de contraintes risquant de le brider. En France, l’idée de renforcer les marges des entreprises, présentée lors de la conférence de presse de François Hollande le 14 janvier dernier, est intéressante car son objet est de donner aux entreprises la capacité de capter puis d’amplifier le mouvement d’amélioration de l’activité.
Le graphe montre bien le changement qui s’opère dans la perception de leur environnement par les chefs d’entreprise. L’indice du secteur manufacturier est d’autant plus important que le commerce mondial reprend de la vigueur après 2 longues années de très faible progression. L’amélioration des échanges, notamment de biens manufacturiers, et cette perception plus positive de la conjoncture peuvent effectivement être un cocktail très favorable à la zone Euro.
Il y a nécessité à rentrer dans ce schéma plus vertueux car c’est la seule façon de réduire les risques associés aux déséquilibres qui persistent.
Le premier point à souligner est que pour la grande majorité des pays de la zone Euro, le revenu par tête est encore inférieur à son niveau de 2007. L’Allemagne l’a déjà dépassé mais pour la zone Euro, la France, l’Espagne et l’Italie c’est loin d’être le cas. Cette configuration, 6 ans après, est une nouveauté. Elle montre la persistance de la crise et la difficulté de l’économie européenne à s’adapter à une nouvelle donne.
Si l’on prend le cas de la France, l’impact du premier choc pétrolier ou celui de la crise du Système Monétaire Européen n’avaient pas eu autant de persistance. Très vite après une année de repli, l’activité était repartie de l’avant. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Le retour de la croissance et la convergence vers un taux de croissance soutenu ne se fera pas automatiquement contrairement aux deux épisodes passés. L’économie a changé et l’Europe, la France doivent s’adapter et modifier leurs comportements.
Cette situation a une incidence fiscale immédiate. Si l’activité ne progresse pas, les recettes fiscales stagnent et les déficits publics accumulés pendant la période de crise ne se résorbent pas. Dans une telle situation, la dette publique suit une trajectoire qui peut être insoutenable.
Pour les pays dits périphériques que sont l’Espagne, l’Italie ou encore le Portugal ces questions ne sont pas réglées. La France est en bordure de cette situation fragile. Si la croissance n’accélère pas dans la durée, ces pays n’auront pas la capacité de stabiliser leur dette publique. En effet, pour les pays du sud de l’Europe, les taux d’intérêt sont encore trop élevés par rapport à la croissance. Les premiers nourrissent la dette et le second alimente le PIB. Si la dette publique par ce biais progresse plus vite que la croissance du PIB alors il sera impossible de stabiliser le rapport dette publique sur PIB qui est la première étape du processus. La deuxième étape passe par la mise en place d’un solde budgétaire primaire (solde budgétaire hors paiement des intérêts sur la dette publique) excédentaire afin de ne pas alimenter encore cette dette. Ce processus ne sera possible que s’il y a de la croissance. Vouloir l’obtenir trop rapidement cependant conduirait à une récession similaire à celle connue en 2011/2012.
Là aussi le retour de la croissance est nécessaire
Le troisième point à souligner est que la BCE apparait démunie aujourd’hui. Ses taux d’intérêt sont proches de 0% et elle ne semble plus capable d’apporter les liquidités souhaitées pour faciliter les ajustements macroéconomiques. Elle ne peut toujours pas acheter de dette publique contrairement à ces consœurs américain, anglaise ou japonaise. Elle ne peut plus faire d’opérations avec les banques directement car lorsque la BCE avait mis en œuvre des mesures de ce type (LTRO), les banques avaient acheté des obligations d’Etat. Or en 2014 la mise en place de l’Union Bancaire sera un obstacle car une des raisons de sa mise en place est la séparation du risque bancaire et du risque souverain. Mario Draghi avait évoqué la possibilité d’acheter des crédits titrisés mais le marché est encore trop étroit. Bref, la BCE est aujourd’hui coincée car elle n’a pas la possibilité de jouer le rôle du prêteur en dernier ressort, celui qui prend à sa charge le risque que les autres ne veulent pas porter. Une telle situation ne sera tenable que si effectivement la croissance redémarre de façon soutenue pour que la BCE n’ait pas à intervenir davantage en soutien.
Les différents éléments présentés suggèrent que l’accent soit mis sur la croissance. Les modes de régulation habituels ne fonctionnent plus. Une relance par le budget n’est pas possible et la banque centrale n’a plus la même capacité à intervenir que dans un passé récent. Il faut donc passer par des solutions différentes. On ne peut plus être simplement dans la régulation conjoncturelle avec un peu plus de ceci et un peu moins de cela.
Il faut que les économies de la zone Euro soient capables de capter et d’amplifier la dynamique conjoncturelle récente. Il faut surement davantage d’autonomie aux acteurs de l’économie pour qu’ils s’accommodent de cette situation nouvelle. A chaque gouvernement de faciliter l’adaptation de l’économie de son pays à un environnement qui a changé de façon spectaculaire. La concurrence, les produits, la technologie, les acteurs de l’économie, tout cela a changé et l’économie européenne doit s’adapter à cet environnement nouveau. Elle dispose de forces importantes mais doit recalibrer son mode de fonctionnement pour peser à nouveau sur l’économie mondiale car, elle, ne nous attend pas.