Ci dessous un article paru sur le site d’Atlantico.fr
Vous pouvez le retrouver ici dans sa version originale
http://bit.ly/OvUrb6
L’économie chinoise est en pleine mutation tant sur le plan interne que dans ses rapports avec le reste du monde. La forme de sa croissance devient davantage dépendante de la demande interne et moins de ses exportations.
Depuis l’adhésion de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce, sa croissance a été dépendante de sa capacité à exporter et de l’investissement nécessaire pour répondre à cette demande externe tant en quantité qu’en qualité. Cela s’était alors traduit par une allocation des ressources orientée vers ces deux secteurs. Très vite la Chine avait pris une place considérable dans les échanges de ses partenaires commerciaux les plus proches. La Corée, Taiwan et d’autres encore sont entrées en dépendance de la Chine. Leur commerce extérieur très dépendant des Etats-Unis à la fin des années 90 est devenu progressivement conditionné par l’expansion de l’Empire du Milieu. Dans la phase de progression rapide des échanges, les exportations chinoises augmentaient de 20 à 40% l’an et les importations de 15 à 40%. Cela créait une impulsion forte sur l’activité pour les pays commerçant avec la Chine. La dynamique des pays émergents jusqu’en 2011 a été très dépendante de ce phénomène. La croissance plus limitée de la Chine aujourd’hui est problématique pour eux.
Pour la Chine la période a été bénéfique. D’importants transferts de technologie ont permis d’améliorer la qualité des produits. Des progrès de productivité ont été faits, provoquant une hausse des revenus distribués. Ce développement rapide a vu apparaitre une classe moyenne avec un pouvoir d’achat important et des goûts qui ont changé. Ce changement dans les goûts peut être perçu de façon simple en observant la hausse de consommation de la viande rouge. Pour prendre en compte ces changements il était nécessaire de faire évoluer le modèle de croissance afin que celui ci devienne plus autocentré, davantage conditionné par la demande interne. Ce changement récent modifie en profondeur la logique qui prévalait. Il doit aussi prendre en compte les déséquilibres engendrés par la croissance débridée qui prévalait auparavant mais aussi par les effets de la relance de 2009/2010 qui ont bouleversé notamment les finances des gouvernements locaux.
L’ambition de ce nouveau plan est forte. Celui-ci vise à rééquilibrer le mode de croissance mais aussi à développer le système financier pour qu’il s’imbrique dans la dynamique de l’économie globale. Les objectifs sont ambitieux car la Banque Centrale de Chine souhaite que les taux d’intérêt ne dépendant pas directement de la politique monétaire soient fixés librement dès 2016. Une composante de cette libéralisation de l’économie sera la convertibilité du yuan. La monnaie chinoise dont la valeur est fixée par les autorités monétaires devra pouvoir être convertie librement en n’importe quelle autre monnaie. L’économie chinoise est dans cette phase de transition entre deux modèles. Le premier, très ouvert sur le commerce mondial, prévalait dans la première décennie des années 2000, le second, qui est en train de se construire, donnera une assise plus solide à l’économie chinoise tout en lui garantissant une stature internationale forte.
Les courbes qui suivent reflètent cette transition
Prévisions de croissance depuis 2010
On observe bien sur le graphe le changement du profil de croissance de l’économie chinoise. De 9 à 10 % en 2010 et 2011, les perspectives sont désormais voisines de 7.5%. Cela reflète deux phénomènes. Le premier est l’orientation de l’économie chinoise vers les services. Ceux ci engendrent une productivité plus réduite que le secteur manufacturier. Le profil de la population active s’est infléchi. Les besoins de créer davantage d’emplois sont plus faibles de ce fait. La croissance est la somme de la croissance de productivité et de la croissance de l’emploi. Ces deux composantes sont orientés à la baisse, pas étonnant que la croissance soit plus faible
Indices d’enquête dans le secteur manufacturier
A court terme, pour bien appréhender les évolutions du cycle chinois, les économistes sont très attentifs aux enquêtes menées auprès des entreprises. En Chine il y en a deux qui sont représentées sur le graphe.L’indice officiel représente les grandes entreprises publiques, l’indice HSBC est celui des entreprises privées de plus petite taille.
La lecture de ces indicateurs est simple : au dessus de 50, l’indice reflète une amélioration de l’activité dans le secteur manufacturier. En dessous de 50, c’est l’inverse. Au regard de ces deux indices, l’un, l’officiel, juste au dessus de 50, l’autre, privé, est en dessous de ce seuil. Cela indique une économie dont le secteur manufacturier progresse lentement et qui ne peut pas provoquer d’impulsions sur les pays voisins. Cette progression limitée de l’activité a aussi une incidence forte sur le marché des matières premières industrielles, pénalisant ainsi les pays producteurs.
Sur le troisième graphe, on relève le changement de tendance du commerce extérieur chinois.
Exportations depuis 2006
Avant la crise les chiffres de progression des échanges étaient compris entre 20 et 40%. Ils sont désormais inférieurs à 10%. Le chiffre de février est particulièrement bas pour les exportations mais on sait que les deux premiers mois de l’année sont toujours compliqués à interpréter car c’est la période du nouvel an chinois. Sa date n’étant pas fixe, cela engendre des irrégularités fortes. Il n’empêche qu’en lissant les chiffres des exportations sur 3 mois, la progression sur un an n’est que de 0.6%. C’est faible. Cela peut refléter une évolution limitée du commerce mondial, cela peut aussi traduire un changement dans l’allocation des ressources. Celles ci seraient davantage tournées vers la demande interne
Le changement d’allure de l’investissement traduit les modifications profondes dans l’allocation des ressources. Fer de lance de la croissance pendant de nombreuses années, l’investissement a un rôle plus réduit désormais. D’abord parce que les investissements massifs qui ont été faits se sont traduits par des capacités excédentaires de production.
L’autre composante majeure de l’investissement est lié à l’immobilier. Sur ce point, il y a les folies que l’on voit régulièrement dans les reportages et qui montrent des excès. Mais il y a aussi les investissements immobiliers reflétant la nécessité de construire des immeubles pour le logement et le développement de l’activité. Cela crée des situations parfois difficiles à gérer en provoquant des pressions fortes sur les prix. L’urbanisation rapide de la Chine qui a été rappelée récemment est un challenge majeur. Tout excès dans la durée peut avoir une contrepartie de crise. Les Etats-Unis et de nombreux pays européens peuvent témoigner des conséquences des excès immobiliers.
Pour financer l’ensemble de ces développements, les autorités chinoises n’ont pas hésité à favoriser le développement du crédit. On voit bien sur le graphe la vitesse de progression constatée de 2009 à 2011.
Croissance du crédit bancaire depuis 2005
Même encore aujourd’hui les indicateurs monétaires progressent très rapidement.Les autorités souhaitent maitriser l’évolution des indicateurs monétaires afin de pouvoir développer un système financier plus vaste et plus complet. Cela passe par l’assainissement du secteur bancaire public mais aussi par la maitrise du Shadow Banking Sector. Ce secteur traduit l’évolution des crédits qui sont faits en dehors des banques. C’est le secteur le plus dynamique dans la distribution des crédits mais il n’est pas sous la supervision de la banque centrale, ce qui pose des problèmes.
L’économie chinoise est en transition mais la convergence vers la trajectoire d’une économie plus équilibrée sera longue. Il faut changer les comportements et réduire les déséquilibres monétaires mais aussi régionaux car toutes les régions ne se développent pas au même rythme. Il faut aussi mettre en place un système financier plus complet et ouvert sur le monde. La Chine va concentrer beaucoup de ressources sur ces objectifs. A court terme sa contribution à la croissance mondiale risque d’être plus réduite que dans un passé récent. L’équilibre du monde va changer à nouveau en profondeur.