Les attentes relatives à un repli de l’euro se sont accrues ce week-end après les propos de Mario Draghi et Benoit Coeuré à Washington lors de la réunion du FMI (voir ici).
La possibilité d’une politique monétaire encore plus accommodante de la part des autorités monétaires européennes pourrait effectivement aller dans ce sens.
Cela satisferait les exportateurs qui gagneraient en compétitivité. L’effet d’impulsion sur l’économie de la zone ne serait pas nul. C’est d’ailleurs ce que chacun a à l’esprit. En raison d”une demande interne peu dynamique, un coup de fouet par les exportations serait bénéfique à l’activité.
Une baisse de la monnaie européenne permettrait en outre d’arrêter d’importer de la désinflation. Dans cette période incertaine avec un risque de déflation un tel mouvement serait bienvenu.
Néanmoins, deux arguments s’opposent.
Le premier est financier. Il compare les anticipations de politique économique entre la BCE et la Fed. Il suggère que l’euro devrait être plus faible. Pour cela j’utilise le taux implicite du 2 ans dans un an (*).
Le second est réel avec la hausse spectaculaire de surplus du compte courant de la zone Euro.
L’argument financier compare la parité euro contre dollar et l’écart de taux d’intérêt implicite du deux ans dans un an entre la zone Euro et le dollar.
Le graphe est implacable. Les deux indicateurs ont des allures cohérentes depuis 2007. Si la causalité va des anticipations de politique monétaire vers la parité alors celle ci devrait être voisine de 1.25.
Cependant, le mode d’ajustement de la zone Euro durant la crise s”est traduit par une contraction rapide des importations et l’apparition d’un surplus extérieur considérable. C’est l’argument réel. Cela clairement ne plaide pas pour une dépréciation de la monnaie. D’autant que cet excédent risque de durer. Faire l’hypothèse qu’il disparaitra dès que la croissance de la demande interne reviendra, c’est supposer que le niveau de celle ci puisse se recaler rapidement sur sa tendance antérieure à la crise. C’est certainement illusoire pour les quelques années qui viennent. La zone Euro est entrée de plein-pied dans une période de modération salariale. Cela s’observe dans les pays périphériques mais aussi en France par exemple.
Ainsi, l’euro peut se caler un peu plus bas si l’on suit les anticipations de taux d’intérêt. Mais n’attendons pas le grand soir qui reposerait sur une rupture forte et durable de la l’euro vis à vis du dollar mais aussi des autres monnaies.
Cela veut dire, que comme du temps du franc fort, il faudra ajuster l’économie et la politique économique à une contrainte extérieure nouvelle. Il faudra avoir des comportements qui prennent, dans la durée, l’euro fort comme une contrainte. Cela doit être une incitation à engendrer davantage de productivité parce que l’on ne pourra pas dans la durée imaginer à a fin que pour solder les déséquilibres, la monnaie pourra s’ajuster.
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(*) Le taux de l’obligation à 2 ans est une bonne mesure de la perception par les investisseurs de la politique monétaire. Regarder la valeur de ce taux dans un an peut donc être pertinent.