Un problème majeur de la politique économique en France vient d’un constat très simple : le revenu par tête n’augmente pas. C’est ce que montre le graphique ci dessous. Lors des récessions de 1975 et de 1993 l’activité avait retrouvé très vite une allure haussière, ce n’est pas le cas depuis 2007. C’est la caractéristique majeure de la situation conjoncturelle actuelle.
Un changement de politique économique se traduit par une réallocation de ressources. La situation du moment n’étant pas satisfaisante, il faut en modifier l’allure. C’est le rôle de la politique économique.
Quand il y a spontanément de la croissance comme lors des deux autres cas présentés sur le graphe ce n’est pas trop compliqué : un acteur de l’économie peut être pénalisé. Cependant en raison de la croissance, cette contrainte ne sera généralement que temporaire et donc acceptable. En revanche, lorsque la croissance du revenu par tête est nulle, une réallocation se traduit immédiatement par des gagnants et des perdants. Cette situation devint alors plus difficilement acceptable car rien ne garantit que cette situation sera temporaire.
Par le pacte de responsabilité, des ressources sont attribués aux entreprises. On avait compris que l’Etat était la contrepartie. Jusque là tout était clair. Dans le modèle de jeu à somme nulle le gagnant était l’entreprise et l’Etat le perdant. La réallocation vers l’entreprise permettant de relancer l’investissement et la croissance. La situation actuelle pouvait n’apparaître finalement que comme temporaire.
Mais cela aurait été trop simple car l’Etat ne réduira ses dépenses que sur les 20 milliards annuels de hausse mécanique de celles-ci. Si la réduction de dépenses est de 50 Mds sur 3 ans alors cela correspond malgré tout à une hausse de 10 Mds. L’équation ne s’équilibre plus dans une économie dont le PIB par tête n’augmente pas.
Mais si l’on rajoute le pacte de solidarité qui sera une baisse d’impôts à partir de 2015, l’équation devient bancale puisque la situation des ménages et des entreprises s’en trouvera améliorée. Si pour l’Etat la situation ne change pas et qu’il y a toujours 10 Mds de dépenses supplémentaires on ne voit pas très bien comment l’ensemble pourra s’équilibrer si l’on reste dans le cadre de la stabilité du PIB par tête. S’il n’y a pas de croissance alors le solde se retrouvera en déficit public.
En outre face à cette situation déséquilibrée quelles seront les incitations susceptible de pousser la croissance à la hausse? La lisibilité du cadre fiscal prônée par le président Hollande lors de sa conférence de presse du 14 janvier ne semble plus forcément garantie.
Mais tout cela c’était avant le retour de la croissance de 2.25% en 2016 et 2017.
On peut valider ce scénario mais il faut que la dynamique européenne soit robuste pour tirer l’économie française bien au delà de sa croissance potentielle et finalement faire que toute situation défavorable au départ ne soit que temporaire.
Si ce n’était pas le cas, si la croissance européenne n’arrivait pas à accélérer comme cela avait été le cas à la fin des années 80 ou des années 90(*) il faudrait sans doute accepter que la France ne satisfasse pas à ses engagements de convergence de déficit vers 3%.
Mais le plus compliqué et l’on voit bien que chacun traine des pieds aujourd’hui sera de faire accepter les arbitrages avec, au moins à court terme, de vrais gagnants et de vrais perdants. Le vrai changement sera là.
L’équation va être difficile à résoudre.
Lecture: Le graphique présente le PIB par tête lors des 3 récessions de l’économie française: lors du premier choc pétrolier, lors de la crise du Système Monétaire Européen et depuis 2007.
Le PIB par tête a été rebasé à 100 en 1974, 1992 et 2007.
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(*) Aux deux périodes de référence, l’Europe avait connu une phase de croissance très rapide qui s’expliquait notamment par des économies européennes dans la même phase cyclique. Cela créait des effets de contagions et d’entrainements très forts. La croissance française avait été alors largement au delà de 3%. Une situation du même type permettrait de converger vers les 2.25% évoqués par le gouvernement. Ce n’est pas plus inateignable que les chiffres vus alors. Il faudra juste que tous les pays de la zone Euro contribuent fortement et de façon cohérente.