En septembre 1992, au cours de la crise du Système Monétaire Européen, l’Espagne dévaluait la peseta de 32% par rapport au mark allemand alors que le taux de change du franc restait stable face à la monnaie allemande. Aussitôt les producteurs français se sont plaints d’une concurrence excessive venant de l’autre côté des Pyrénées.
Jeudi dernier, lors d’un dîner à Narbonne avec des chefs d’entreprise, la réflexion était la même. En raison d’un profil très différent des coûts salariaux, les producteurs espagnols disposaient d’un avantage comparatif fort par rapport à leurs homologues français.
On peut voir sur le graphique ci-dessous le profil des Coûts Salariaux Unitaires (CSU) corrigés de l’inflation en France et en Espagne.
La divergence est frappante et les conditions de la concurrence ont évolué en faveur de les producteurs espagnols.
Pour revenir à 1992, que s’était il passé après la dévaluation de la peseta?
L’Espagne depuis son entrée dans l’Union Européenne en 1986 avait un taux d’inflation plus fort que la moyenne européenne. Cet effet résulte d’un niveau de développement plus faible en Espagne que dans le reste de l’UE. L’adhésion a crée un phénomène de rattrapage et de transformations structurelles dont la résultante est généralement un peu plus d’inflation.
Lors de la dévaluation de la peseta ce phénomène a été accentué du fait de la revalorisation des importations.
L’Espagne a donc eu tout au long des années 90 un taux d’inflation nettement supérieur à celui de la France.
En conséquence, l’avantage nominal résultant de la dévaluation a été progressivement gommé et les distorsions de concurrence résultant du changement de valeur de la peseta n’auront été que temporaires.
Le graphique ci dessous compare depuis 1993 le taux d’inflation de l’Espagne et de la France.
En compensant les effets de la dévaluation, l’inflation plus élevée en Espagne qu’en France a corrigé les éventuelles distorsions de concurrence.
Aujourd’hui un tel ajustement est improbable. La dévaluation interne de l’Espagne via des coûts salariaux en repli n’est en aucun cas inflationniste. D’ailleurs on voit bien sur le graphe plus haut que l’Espagne est peut-être un bon candidat à la déflation.
Cela implique pour la France que la distorsion de concurrence constatée aujourd’hui ne pourra pas se résoudre par une inflation plus élevée en Espagne. La réplique de 1992 n’est pas possible.
Ce que l’on constate vis à vis de l’Espagne traduit un changement durable de la concurrence. C’est ici vis à vis de l’Espagne mais cela s’applique aussi à d’autres pays de la zone Euro. La concurrence vient de l’intérieur et l’économie française va devoir s’adapter à cette nouvelle configuration.
En outre, elle ne pourra pas espérer un salut par une monnaie moins chère car l’euro restera durablement fort (voir ici)
L’économie française est entrée dans une ère de concurrence forte au sein de la zone Euro. Contrairement au passé, ce changement de concurrence ne se résoudra pas par une hausse de l’inflation chez les partenaires commerciaux de la France. La concurrence sur le territoire français va s’accentuer encore davantage. Dans le même temps, l’euro restant fort, la compétitivité de l’économie française à l’extérieur de la zone Euro ne va pas s’améliorer spontanément.
L’ajustement devra venir de la France elle-même. Le monde change et la France doit repenser son modèle de croissance pour retrouver de la compétitivité, une croissance plus endogène et une capacité à créer des emplois. La France n’échappera pas aux réformes structurelles.