Publié sur le site www.figaro.fr
Il est disponible ici: http://bit.ly/Pol_Monet_pour_les_nuls
La politique monétaire est l’ensemble des moyens mis en œuvre par une banque centrale pour agir sur l’activité économique par la régulation de sa monnaie. Cela passe donc par la définition d’un ou plusieurs objectifs et par celle des instruments qui permettront de les atteindre.
Quels objectifs pour la BCE?
Dans le cas de la Banque Centrale Européenne (BCE), l’objectif est celui de la stabilité des prix à la consommation. Il a été considéré que cet objectif, s’il était réalisé, permettrait aussi de maitriser les anticipations d’évolution des prix. La BCE a défini cet objectif à 2% (plus précisément au-dessous mais proche de 2%). La stabilité des prix est définie non pas comme un taux d’inflation à 0% mais à 2% car il y a forcément des ajustements de prix au sein de l’économie. En outre le taux d’inflation va fluctuer autour de l’objectif et définir un objectif à 0% c’est prendre le risque d’avoir un taux d’inflation négatif ce qui est problématique. La BCE n’a pas d’objectif explicite sur la croissance ni sur la parité de l’euro. La BCE ne peut donc pas agir directement sur la valeur de la monnaie vis-à-vis du dollar ou d’autres monnaies.
Cet objectif unique pour la BCE part du constat que trop de volatilité dans l’évolution des prix à la consommation est pénalisant pour la croissance. C’est une des leçons des années 70. La politique budgétaire menée par les différents états constituants la zone Euro doit, elle, agir directement sur l’activité économique. Cette répartition des rôles entre la BCE et les gouvernements a été à l’œuvre depuis le début de l’Union Economique et Monétaire en 1999. Cela a plutôt bien fonctionné jusqu’en 2007. De 1999 à 2007 la croissance a été de 2.3% en moyenne et l’inflation de 2.05%.
La mise en œuvre de la politique monétaire
Jusqu’en 2007, la politique monétaire devenait plus restrictive lorsque l’activité progressait trop rapidement étant alors susceptible de créer des pressions sur l’appareil productif, notamment sur le marché du travail et les salaires. Pour limiter le risque de voir l’inflation s’accélérer, la banque centrale doit augmenter ses taux d’intérêt tant que cela est nécessaire afin de réduire le risque de surchauffe. Inversement lorsque l’activité s’étiole, ou en cas de récession, la politique devient beaucoup plus accommodante pour faciliter la reprise. Au regard des chiffres présentés plus haut cela a plutôt bien fonctionné.
Pourtant, cela ne fonctionne plus aussi bien
Aujourd’hui cependant, la situation apparait beaucoup plus complexe. La BCE a réduit ses taux d’intérêt et pourtant l’activité économique ne repart pas. Le choc subit par la zone Euro a été tel que l’effet de la politique monétaire telle qu’elle était définie avant la crise n’était plus suffisant pour retrouver le chemin de la croissance. Ce n’est pas spécifique à la zone Euro. Aux USA et au Royaume Uni, les banques centrales ont abaissé leurs taux d’intérêt très rapidement au début de la crise. Mais face au constat de l’inefficacité de cette stratégie, elles ont apporté des liquidités supplémentaires (ce qui a été appelé le Quantitative Easing). Cela correspondait à l’idée que les taux d’intérêt ne pouvant passer sous le seuil de 0%, il fallait un autre instrument pour contourner cette contrainte. La BCE n’a pas fait directement de Quantitative Easing car elle ne peut pas acheter de la même manière des obligations d’Etat. En outre l’économie de la zone Euro a un circuit de financement qui passe davantage par les banques que par les marchés. En conséquence, les opérations mises en œuvre, notamment depuis la fin de l’année 2011, passent par le biais des banques.
Des mesures nouvelles pour faciliter la reprise et réduire le risque de déflation
Les difficultés aujourd’hui sont, pour la BCE, l’absence de reprise franche de la croissance et la mise en œuvre d’une stratégie de recherche de compétitivité par la réduction des coûts dans de nombreux pays. Cela se traduit d’abord par l’absence de tensions sur l’appareil productif et le marché du travail puis par l’apparition d’un risque de déflation. Face à cela la BCE à adopter de nouvelles mesures le 5 juin en abaissant encore son taux d’intérêt de référence (à 0.15%) et en adoptant de nouvelles mesures d’apport de liquidités.
Son objectif est de faciliter la reprise de l’économie, mais elle n’est pas la seule responsable sur ce point. En redynamisant l’activité elle souhaite écarter le risque de déflation (le taux d’inflation n’est que de 0.4% en juillet) c’est-à-dire de baisse de l’indice des prix à la consommation. L’ensemble de ces mesures peut permettre une dépréciation de la monnaie européenne ce qui faciliterait les exportations et permettrait d’importer un peu d’inflation afin d’écarter le risque de déflation.
La question de la déflation est majeure car elle s’accompagne généralement d’une baisse des revenus (le maintien du pouvoir d’achat du salaire en période de déflation passe par une réduction du salaire en euro) et par une réduction de la demande. Sur cet aspect cela passe par l’impact de la baisse du salaire, même s’il y a conservation du pouvoir d’achat, mais aussi par le report des dépenses car les prix seront plus bas dans le futur.
Conclusion
La politique monétaire de la BCE va rester accommodante dans la durée. Les taux d’intérêt seront bas au moins jusqu’en décembre 2016 mais probablement encore plus longtemps. Cette stratégie s’inscrit dans la reconstruction du modèle de croissance de la zone Euro (celle-ci n’est que de 0.2% depuis 2011) qui permettra de réduire le risque de déflation. Cela ne peut pas se faire de façon spontanée. Il n’y a pas de recette miracle pour retrouver de la croissance et de l’emploi. L’économie de la zone Euro doit faire face à ces propres rigidités tout en prenant en compte un environnement changeant dans le reste du monde. La politique monétaire est alors une condition nécessaire mais pas suffisante pour converger vers une trajectoire plus robuste.