Les fluctuations constatées sur les marchés financiers se sont accentuées récemment. Cela s’observe sur les marchés d’actions mais aussi sur les marchés obligataires où le passage brutal mais temporaire sous le niveau de 2% du taux des obligations à 10 ans du trésor américain est un signal fort pour un possible changement de régime.
Ces mouvements sur les marchés financiers ont commencé au lendemain de la conférence de presse de Janet Yellen le 17 septembre. En restant vague sur le moment d’une éventuelle remontée des taux de la Fed elle a engendré un doute, une interrogation sur la détermination de la banque centrale américaine à changer rapidement de stratégie monétaire. Pour la présidente de la Federal Reserve, il n’est pas souhaitable d’agir trop vite tant qu’il y a des déséquilibres au sein de l’économie. D’une manière générale, la perception que l’on peut avoir de ses propos est qu’il est probablement préférable d’agir un petit peu trop tard qu’un peu trop vite. D’où son intérêt à ne pas fixer d’objectifs trop précis sur l’orientation effective de sa politique monétaire.
La semaine dernière, la réunion du FMI a validé l’idée que la croissance de l’économie mondiale ne serait pas aussi forte qu’attendue. Pour 2014, celle ci a été révisée de 3.7% en janvier à 3.3% en octobre. C’est un repli rapide qui s’explique par l’absence de ressort dans la plupart des grands pays à l’exception des pays anglo-saxons et par des pays émergents qui progressent moins vite que par le passé.
Ces deux problématiques ont été une source majeure des fluctuations constatées ces dernières semaines, ces derniers jours.
En effet si la Fed ne veut pas agir trop vite alors que sa croissance est robuste c’est qu’elle crédite d’une probabilité non nulle la possibilité d’une expansion plus modérée de l’économie globale et qu’une politique plus restrictive de la Fed accentuerait cette situation.
C’est cette situation qui crée le doute de la part des investisseurs. Ils avaient la perception d’une économie qui allait peu ou prou retrouvée sa dynamique d’avant crise avec un taux de croissance robuste, un taux d’inflation limité proche des cibles des banques centrales et finalement une régulation conjoncturelle mise en place par les banques centrales. Dans ce scénario, la remontée des taux d’intérêt de la Fed est logique. C’est le premier maillon d’une normalisation de l’économie globale.
Cependant, si l’économie mondiale n’a pas les propriétés attendues et qu’elle ne converge pas vers son profil d’avant crise alors la situation devient plus complexe. D’abord parce que la croissance n’aura pas la même allure que par le passé et surtout parce qu’elle pourrait être durablement plus lente que ce qui était imaginé.
Si l’on raisonne en profil de croissance attendu, il y a en effet plusieurs incertitudes dans un futur immédiat. Si les pays anglo-saxons restent sur un profil plutôt robuste, il y a des interrogations sur la dynamique des autres régions du monde.
La dynamique chinoise tend à ralentir car cette économie cherche à se doter d’un modèle de croissance davantage tourné vers son marché domestique, davantage dépendante des services mais avec aussi des déséquilibres passés à résorber, sur l’immobilier notamment. La Chine ne sera plus spontanément le leader qu’elle était avant la crise, elle n’aura pas la capacité de générer des impulsions soutenues sur le commerce mondial. Cela pénalisera les pays émergents mais aussi l’Europe, notamment l’Allemagne puisqu’une grande partie de la dynamisation de ses exportations vient de ses relations avec la Chine.
Le Japon est en récession après le choc négatif terrible consécutif à la hausse de la TVA du 1er avril. Les questions structurelles ne sont pas réglées au Japon et le vieillissement de la population ne va pas permettre un changement rapide de trajectoire.
En zone Euro, l’économie cherche à repartir sous l’impulsion notamment de la BCE qui se démène pour mettre en œuvre une stratégie qui pourrait déboucher sur une croissance plus robuste dans la durée. Mais il faut avant d’en voir les effets positifs que certains déséquilibres issus du passé soient résorbés. On observe aussi la nécessité d’une consolidation politique avec la nécessité d’un cadre politique plus intégré mais cela prendra du temps. A court terme, la situation reste brouillée et la zone Euro ne semble pas susceptible d’avoir une contribution forte, durable et robuste à la croissance mondiale.
Si la zone Euro, la Chine et le Japon ne sont pas susceptibles de converger vers une trajectoire de croissance plus élevée très rapidement alors on peut effectivement s’interroger sur le profil de la politique monétaire américaine. Est il nécessaire et souhaitable de remonter les taux d’intérêt de la Fed assez rapidement? Si cela peut éventuellement avoir une rationalité aux USA, est ce que ce n’est pas prendre un risque sur le reste de l’économie globale ? Une hausse des taux de la Fed se traduirait par d’importantes sorties de capitaux des pays émergents les affaiblissant alors très rapidement.
En d’autres termes, y a t il urgence à durcir la politique américaine? Probablement pas car le reste de l’économie mondiale tarde à suivre la dynamique américaine parce que chacune des régions est engluée dans des dynamiques lentes issues du passé.
Dans ce cas, si la Fed repousse la hausse de ses taux d’intérêt alors la valorisation de l’ensemble des actifs financiers est modifiée en profondeur.
On peut imaginer qu’au cours des prochaines semaines les anticipations des investisseurs vont osciller entre ces deux états de la nature: le premier est un retour vers une situation normalisée dont la traduction serait une remontée des taux d’intérêt de la banque centrale américaine; l’idée derrière est que l’économie américaine aurait la capacité d’infléchir durablement le profil de l’économie mondial à la hausse comme elle le faisait par le passé.Le second état de la nature est celui d’une croissance plus lente avec un taux d’inflation durablement réduit, y compris aux USA, et des politiques monétaires qui resteraient accommodantes y compris aux USA..
Les anticipations vont fluctuer entre ces deux situations et cela créera de la volatilité sur les marchés financiers. Le deuxième état de la nature a été souligné par les attentes déçues lors de la conférence de presse de Janet Yellen à la mi-septembre et par le scénario préoccupant dévoilé par le FMI lors de sa réunion d’automne. On ne peut cependant pas exclure que ce soit le bon scénario car les déséquilibres restent importants et parce que la convergence en Chine ou en zone Euro vers un nouveau modèle de croissance sera long à se mettre en place.