Verbatim de ma chronique du jour
La Banque Centrale Européenne joue la transparence avec la publication, pour la première fois aujourd’hui, des minutes de son comité de politique monétaire. On connaitra ainsi, avec plus de détails, la nature des arguments et la vivacité du débat lors de la décision sur la mise en œuvre du quantitative easing le 22 janvier dernier. Au regard de l’importance prise par la politique monétaire, cette décision était souhaitable et bienvenue.
Cela veut dire aussi que la Banque Centrale Européenne a changé profondément. La raison principale pour laquelle la BCE ne publiait pas les minutes de ses réunions était politique.
Le conseil des gouverneurs comprend en effet 6 membres de la BCE et les présidents ou gouverneurs de chacun des pays membres de la zone.
Lors de la création de la Banque chaque patron de banque centrale nationale arrivait avec ses méthodes et ses pratiques. La BCE ne souhaitait pas que les participants par leur prise de position puissent éventuellement être identifiés.
Cela aurait nui à la qualité du débat car il aurait toujours été possible de rapprocher une position prise d’un pays. Ce n’était pas souhaité dans le cadre d’une politique monétaire unique.
C’était un cadre très politique au sein duquel la BCE devait amalgamer et rendre cohérentes des réflexions théoriques et des pratiques sur la politique monétaire et la volonté de définir une stratégie monétaire unique. Il fallait avant tout trouver et définir un équilibre politique au sein même du conseil des gouverneurs.
La crise qui débute à l’été 2007 pour la BCE a bouleversé le rôle des banques centrales dans la gestion conjoncturelle. Elles ont pris une importance spectaculaire et conditionnent encore davantage l’environnement économique.
Pour la BCE outre les montants beaucoup plus élevés de ses interventions, la crise a progressivement bouleversé ses pratiques. Elle peut désormais s’engager dans la durée, ce qu’elle ne faisait pas avant la crise et qu’elle généralise aujourd’hui.
Les opérations de refinancements temporaires peuvent désormais se faire sur plusieurs années, comme les opérations de TLTRO mais ce n’est pas tout.
La BCE va acheter désormais des actifs qu’elle conservera et qui gonfleront durablement son bilan. Elle créera des euros en contrepartie. Surtout et c’est une pratique nouvelle, la BCE inscrit ses décisions sur ses taux d’intérêt dans la durée. Initialement la BCE ne s’engageait pas au-delà la réunion mensuelle suivante, Jean Claude Trichet l’a rappelé à de nombreuses reprises. Avec Mario Draghi, la BCE s’engage à maintenir ses taux d’intérêt très bas pendant très longtemps.
La BCE s’engage ainsi d’une manière plus profonde dans la gestion de la cité. Elle est passée d’un instrument de régulation à une institution plus politique avec une influence durable.
Ce changement du rôle de la BCE dans la cité date du 26 juillet 2012 lorsqu’à Londres, Mario Draghi avait indiqué que la banque centrale ferait le nécessaire pour assurer le fonctionnement de la zone Euro car l’euro n’était qu’un instrument au service de la construction politique qu’est l’Europe.
La BCE devenait alors une institution globale et non plus une mosaïque de banques centrales.
Pour cette importance nouvelle et ce rôle, il faut que la transparence de la BCE soit plus grande. Ce n’est pas une institution élue mais elle a des comptes à rendre à tous les citoyens de la zone. Les minutes des réunions du Conseil des gouverneurs centrés sur la politique monétaire vont largement participer à cette transparence et c’est tant mieux.