4 points à regarder cette semaine pour suivre la conjoncture
Point #1 – L’incertitude au cœur du Brexit
Les marchés financiers ont eu des attitudes très différentes dans la phase d’après Brexit. Les taux d’intérêt de long terme ont chuté fortement, reflet du risque perçu par la rupture provoquée par le référendum britannique. L’incertitude a fait préférer le support le moins risqué. On voit sur le graphe ci dessous que la changement est brutal, notamment au Royaume Uni où l’arbitrage s’est opéré des actifs risqués vers les actifs perçus comme plus sûr.
Le taux français est tombé à son plus bas historique.
Le spread entre le 10 ans allemand et le 10 ans britannique est intéressant à regarder car il traduit l’inquiétude des investisseurs britanniques et l’intérêt sur la dette britannique. Cette ruée ne prend pas en compte les possibles effets inflationnistes que pourrait avoir la baisse de la monnaie britannique. Cela s’observera dans un deuxième temps.
La livre sterling reste à un niveau très bas. Le prix du Royaume Uni reste durablement dégradé.
Sur les marchés boursiers, le rebond après le repli brutal des 24 et 27 juin s’essouffle nettement principalement en Europe (New York était fermé le 4 juillet) (voir aussi ici et ici)
Ces comportements de marché traduisent l’incertitude créée par le résultat du référendum. Il y a à mon sens deux types d’incertitudes.
La première est économique. Nous ne savons pas si le Brexit va créer une rupture dans la globalisation ou si c’est juste un choc temporaire sur l’économie mondiale même si ce choc est fort pour le Royaume Uni.
En d’autres termes, la crainte vient de ce que la dynamique du commerce mondial est faible, beaucoup plus faible que ce qui était observé avant la crise de 2008. Le monde a changé avec la crise et semble incapable désormais de suivre une trajectoire robuste.
Le Brexit peut être alors perçu comme un choc susceptible de dérégler l’économie mondiale en tirant vers le bas la dynamique des échanges internationaux. Associé à une perception plus nationaliste, de tentation de repli sur soi, dans chacun des pays, cela pourrait se traduire par une fracture comparable à celle de 2008 mais pour des raisons et des explications différentes. C’est pourquoi le rôle des banques centrales sera majeur afin de limiter et d’écarter ce type de risque.
Néanmoins nous ne savons ce qui arrivera si cette rupture aura lieu ou si le choc ne concernera principalement que le Royaume Uni.
Le deuxième type de risque est politique et résulte de la négociation entre le Royaume Uni et l’Union Européenne. Cela prendra du temps car il faudra que le futur premier ministre trouve une majorité au Parlement avant de commencer les négociations et de faire une notification sur l’article 50. Trouver une majorité sera probablement complexe car le Parlement britannique actuel n’est pas en faveur du Brexit. La mise en place d’élections générales pourrait être nécessaire.
La question ensuite relève de la stratégie à mener. Elle peut être d’abord de négocier puis de notifier. C’est l’attitude adoptée par Theresa May. Cela peut être le contraire, notification puis négociations. C’est l’option d’Andrea Leadsam.
Les conséquences pour le Royaume Uni pourraient être importantes selon le scénario adopté. Theresa May a indiqué qu’elle ne souhaitait pas d’élections générales avant 2020. Sa logique est que la discussion et la négociation entamée avec l’UE permettront la mise en place de conditions favorables au Royaume Uni. Cela convaincrait alors les parlementaires hostiles au Brexit, autorisant ainsi la notification de l’article 50. Mais l’UE laissera-t-elle le choix au Royaume Uni d’attendre si longtemps? Pas sûr.
Une notification rapide créerait le risque d’un choc sur le commerce mondial alors que les négociations du côté des supporters du Brexit ne sont pas préparées. Cela pourrait être un saut dans l’inconnu et créer le risque d’une rupture.
Les incertitudes sont majeures après le référendum sur le Brexit. C’est une des raisons pour lesquelles la banque d’Angleterre a décidé de relâcher sa politique monétaire en réduisant ses taux d’intérêt pendant l’été soit en juillet soit en aout. La réunion de juillet aura lieu le 14 et celle d’aout aura lieu le 4. Elle a déjà relâché les conditions de crédit pour faciliter le maintien d’une dynamique financière plus solide et limiter la fragilité résultant du Brexit.
Le taux d’intérêt de référence de la Banque d’Angleterre est fixé à 0.5% depuis 5 mars 2009.
Point #2 Le déficit extérieur britannique est béant
Le compte courant britannique est déficitaire de 6.9% du PIB au premier trimestre 2016 après 7.2% au dernier trimestre 2015. Ce déséquilibre est historiquement élevé pour le Royaume Uni et même au sein des pays développés.
Le problème immédiat est celui du financement de ce compte courant. La contrepartie de ce déficit est l’afflux de capitaux financiers ou d’investissements directs. L’incertitude qui pèse et pèsera sur l’économie britannique ne va pas spontanément inciter les investisseurs étrangers à investir, sous n’importe quelle forme, dans des actifs britanniques. Dès lors le solde de la balance courante ne sera pas soutenable créant ainsi des pressions fortes à la baisse de la monnaie à moins que le gouvernement ne mette en place une politique d’austérité drastique afin de réduire ce déséquilibre externe en infléchissant le profil des importations. En tout état de cause, ce solde extérieur va peser dans la durée sur l’économie du Royaume Uni et c’est un effet collatéral fort du Brexit. La contrainte extérieure qui ne jouait plus en raison de l’intégration à l’Europe va rejaillir très vite et vraiment peser sur le britannique qui a voté pour la sortie en pensant que cela irait mieux.
Point#3 – La conjoncture est plus solde dans le secteur manufacturier en juin
Les indications données par les différentes enquêtes du secteur manufacturier suggèrent qu’à l’exception de la Chine et du Japon, au sein des grands pays, il y ait eu une amélioration. C’est ce que l’on observe via le graphe ci-dessous.
L’indice mondial s’est inscrit à 50.4 (50 en mai) et l’indice de la zone Euro est en nette reprise notamment via l’Espagne et l’Italie (la France est en retrait, mois de juin agité oblige).
L’indice ISM américain est sur une allure plus robuste en repassant au-dessus de sa moyenne historique. Toutes les composantes de l’indice ont progressé mais le ratio Nouvelles Commandes sur Stocks s’est replié. La dynamique des commandes est solide mais la hausse de l’activité a alimenté les stocks. Ce n’est pas un signal de reprise durable.
Divers chiffres
- L’inflation en zone Euro a été estimée à 0.1% en juin après -0.1% en mai. C’est une contribution moins négative de l’énergie qui explique le changement.
- La consommation des ménages reste forte aux USA en mai. Sa progression mensuelle est de 0.3% après 0.8% en avril. L’acquis est de 4.2% au T2 à la fin mai. Ce chiffre est à comparer au maigre +1.5% constaté sur l’ensemble du premier trimestre. L’impact sera fort sur la croissance.
- Au 1 juillet, le modèle de la Fed d’Atlanta avait une prévision de croissance du PIB du T2 à 2.6% et la Fed de NY à la même date était à 2.1%. Le chiffre du premier trimestre était de 1.1% (Ces modèles sont mis à jour toutes les semaines en intégrant les données publiées pour alimenter la prévision du trimestre)
Pour cette semaine
L’élément clé sera l’emploi américain du mois de juin. Le rebond attendu, après le chiffre médiocre de mai, est juste au dessus de la moyenne observé depuis le début de l’année (moyenne à 150 000). Le chiffre à regarder sera celui des gens à temps partiel qui voudraient travailler davantage.
On aura aussi les minutes de la réunion de la Fed des 14 et 15 juin (mercredi) et celles de la réunion de la BCE du 2 juin (jeudi).
Tout au long de la semaine on aura les chiffres de production industrielle des pays européens et mardi les chiffres de vente de détail en zone Euro
Bonne semaine