La publication du chiffre de croissance pour 2016 en zone Euro incite à comparer la performance de la zone à celle de ses concurrents à l’échelle mondiale. Voici 4 graphes pour servir de repère sur la performance effective de la zone Euro par rapport à ses partenaires et concurrents. Dans l’absolu, la zone Euro n’a pas la meilleure performance mais en relatif, notamment au regard de son allure d’avant crise, la zone Euro s’en tire mieux que les USA ou le Royaume Uni. Ce n’est pas pour autant satisfaisant notamment quand on regarde dans le détail de la composition de la zone Euro. L’Italie, la Grèce et le Portugal sont toujours en difficulté alors que l’Espagne et l’Allemagne caracolent.
Le premier graphe montre la croissance annuelle des principaux pays industriels depuis 2011 (je démarre en 2011 car c’est la fin des effets directs des mesures de relance prises après la rupture de 2008). On y observe la relative stabilité de la croissance aux USA et au Royaume Uni. Le chiffre américain est néanmoins le plus faible de la série avec 2011. La croissance japonaise avait connu une envolée en 2013. Cela reflétait la politique budgétaire volontariste d’Abe et le comportement d’achat des consommateurs juste avant la hausse de la TVA du 1er avril 2014.
En zone Euro, la période 2011-2012-2013 est particulièrement difficile notamment pour l’Espagne et l’Italie. Par la suite l’Espagne retrouve une allure plus robuste mais l’Italie reste en retrait. A l’exception de 2013 la France est en retrait par rapport à l’Allemagne.
Pour la zone Euro il y a une rupture à partir de 2014. La croissance reprend même si c’est sur un rythme réduit. On notera qu’en 2016 la croissance de la zone Euro est supérieure à celle des Etats-Unis.
Les politiques économiques ont fini d’être difficilement lisibles; la politique budgétaire est enfin stable (et quasiment neutre) et la politique monétaire accommodante dans la durée. Les acteurs de l’économie peuvent enfin en profiter et ajuster leur comportement à leurs propres contraintes dans un contexte global qui est aussi moins pénalisant (euro plus faible, taux d’intérêt réduits, prix du pétrole en net repli)
Le deuxième graphe élargit le spectre des pays observés en y incluant la Corée du sud, Taiwan, le Brésil, l’Australie et la Suède. Pour la zone Euro j’ai rajouté l’Irlande au comportement très différent. La forme aussi n’est pas la même puisque chaque PIB en volume est en base 100 au premier semestre 2008 soit avant la crise Lehman. L’intérêt de ce graphe est de comparer les profils depuis la crise de 2008/2009.
De tous ces grands pays, seuls l’Espagne et l’Italie n’ont pas retrouvé leur niveau d’activité d’avant la crise de 2008.
L’Irlande, après une longue période d’austérité, a repris de façon très brutale, bénéficiant de l’amélioration des conditions en zone Euro, de la politique monétaire très accommodante et de la forme même, très ouverte, de la petite économie irlandaise.
La Corée, Taiwan et l’Australie ont une performance robuste reflétant la dynamique de l’Asie sur la période d’après crise (voir ici ). La Suède a une allure robuste liée notamment à la politique monétaire très accommodante.
En revanche l’effondrement du Brésil est spectaculaire. De meilleur performer jusqu’en 2014, il est probable que sa situation va continuer de chuter au regard des indicateurs disponibles. La chute n’est pas finie.
Les grands pays de la zone Euro sont tous en dessous des USA et de la Grande Bretagne. Les progressions restent modestes malgré tout.
Le troisième graphe montre l’écart du PIB par rapport à sa tendance d’avant crise (200 -2006). J’ai pris une période d’estimation de la tendance qui ne va pas jusqu’en 2007 afin d’éviter la possibilité d’une forte accélération de l’activité avant une crise (ce qui arrive souvent). J’ai réduit le nombre de pays afin de rendre le graphe plus lisible.
L’image que l’on peut avoir du cycle est très différente sous cet angle. L’Allemagne domine l’ensemble des pays industrialisés. Depuis 2011 l’écart de son activité à la tendance d’avant crise est positif. L’Allemagne fait nettement mieux qu’avant la crise de 2008. Le niveau de son PIB est presque 7% au-dessus de sa tendance à la fin 2016. Pas étonnant qu’elle ait des soucis dans la gestion de son marché du travail (le taux de chômage est, en janvier, au plus bas depuis la réunification (5.9%).
Toutes les autres économies ont un profil de croissance plus réduit que la tendance d’avant crise. Le cas le plus flagrant est celui de l’Espagne. L’écart est proche de 25%. Si la croissance avait continué au même rythme qu’avant la crise, le PIB espagnol serait 25% plus élevé.
On voit aussi que le Japon, la France et la zone Euro font mieux que le Royaume Uni et les USA. En d’autres termes, les USA et le Royaume Uni ont une performance, dans l’absolue, supérieure au Japon à la France et à la zone Euro (voir le graphe 2), mais le ralentissement, par rapport à la tendance d’avant crise, y est bien plus important qu’au Japon, en France et en Zone Euro. C’est aussi cela qui est important dans ce graphe. Les pays européens n’ont pas eu une performance si médiocre au regard de leurs performances d’avant crise. Le coût d’opportunité de la crise y a été moindre qu’aux USA et au Royaume Uni.
Le quatrième graphe reprend de nombreux pays de la zone Euro en partant de 1999, le moment de la création de la zone Euro.
Selon cette métrique, c’est l’Espagne qui a la meilleure performance sur l’ensemble de la période. Mais on observe bien le profil en 3 temps de l’Espagne avec une rupture longue et brutale. L’Espagne est dans un groupe de pays qui, après la rupture de 2008/2009, a repris le chemin de la croissance. Le rythme est moins fort qu’avant mais l’allure haussière est plutôt stable.
Trois pays posent un réel problème: l’Italie, la Grèce et le Portugal. Pour ces trois pays la crise de 2008/2009 a été génératrice d’une rupture profonde et d’une allure du PIB qui n’a plus rien à voir avec celle des autres pays . Le rattrapage est impossible à imaginer dans un temps fini. On notera que le profil de l’Allemagne avant la crise n’est pas très différent de celui de l’Italie. Le support de son commerce extérieur notamment avec l’Asie et la Chine a permis à l’Allemagne de changer d’allure.
C’est sur ce point que l’on doit imaginer des réformes de la zone Euro. Il faudrait pouvoir réallouer des ressources à l’Italie (qui représente près de 20% du PIB de la zone ) pour qu’elle retrouve une allure plus solide. La question est la même pour le Portugal. Quant à la Grèce elle avait la meilleure performance avant la crise et la pire depuis.