L’erreur de politique économique est d’être restrictif alors que la croissance potentielle est plus réduite que par le passé. La convergence vers celle-ci est accélérée parla politique budgétaire qui n’offre aucune souplesse dans l’ajustement macroéconomique. Ce phénomène est encore plus marqué en cas de choc externe comme c’est le cas actuellement.
Une économie très ouverte et avec un solde primaire positif, a la capacité d’amortir un choc si, lors de celui-ci, la politique budgétaire change de nature et alimente la demande interne pour maintenir le niveau de l’activité. Une telle stratégie n’est a priori envisageable dans la zone Euro actuellement au regard des engagements de la commission et des règles budgétaires. On imagine mal une politique d’accompagnement budgétaire alors que les élections européennes se profilent. Chaque parti, chaque gouvernement dans chaque pays va favoriser l’allure de sa propre économie plutôt que de mettre en avant une dynamique collective de la zone Euro.
Au-delà de la situation conjoncturelle on peut s’interroger sur la nécessité d’un surplus primaire alors que la croissance potentielle est plus réduite que par le passé. En réduisant la demande adressée aux entreprises, l’incitation à accroître l’activité et l’investissement est réduite et ne permet pas d’anticiper une hausse de la croissance potentielle.
En outre, comme je l’ai souligné récemment (“Gains de productivité réduits et Choc sur le commerce mondial” sur mon blog le 26 février 2019), les gains de productivité sont faibles désormais. La capacité de l’économie à rebondir est plus réduite en cas de choc négatif. Dans les conditions d’un choc, avoir un surplus budgétaire primaire est le meilleur moyen de contraindre l’activité. La volonté de disposer d’un surplus est indiscutable au regard du graphe précédent. Dès lors, en cas de choc, le maintien de cette discipline budgétaire pèse sur l’allocation des ressources et mine l’activité et l’emploi. C’est le risque pris aujourd’hui par la zone Euro si le choc externe persiste.
Le policy-mix est mal construit au sein de la zone puisque in fine l’ajustement se fait sur l’activité et l’emploi alors que son impact pourrait être dilué dans le temps. C’est me rôle de la politique économique que de lisser l’impact d’un choc. Si elle est tout le temps trop restrictive,l’ajustement est immédiat et pèse sur le secteur privé.
Ce n’est pas la première fois que le policy-mix de la zone Euro n’est pas adapté. Déjà en 2011 cette stratégie s’était traduite par une longue récession (de la mi 2011 à la fin de 2012). A l’époque la BCE s’était jointe à la Commission en relevant ses taux d’intérêt à deux reprises en avril et juillet 2011. Aujourd’hui la BCE, et depuis l’été 2012, a un comportement visant à ne pas contraindre l’économie lorsque la situation conjoncturelle est périlleuse.
Une conséquence de la politique budgétaire est que tant qu’elle est aussi restrictive, la BCE doit compenser avec des taux d’intérêt très bas. Elle ne pourra remonter ses taux qu’en cas de stratégie budgétaire plus accommodante dans la durée ou en cas de choc de productivité. Sur ce dernier aspect, et au regard de la bataille pour le leadership technologique entre les USA et la Chine et pour laquelle l’Europe est spectatrice, n’attendons pas de choc de productivité qui par miracle résoudrait l’ensemble des difficultés de la zone.
On doit donc anticiper des taux d’intérêt bas pendant encore très longtemps. Les élections au Parlement européen de mai pourrait néanmoins faire évoluer l’équilibre politique en Europe, affaiblir un peu l’Allemagne qui a imposé le fort degré d’ouverture et la politique budgétaire restrictive, et créer les conditions pour un embryon de politique coordonnée. Mais on ne peut pas rêver néanmoins.
En attendant, la BCE maintient une politique accommodante mais un peu moins qu’en 2018 car le QE est arrêté. Le TLTRO nouveau poursuivra ce qui existe déjà avec pour seul objectif de ne pas créer de choc sur l’activité.
L’OCDE se donne bonne conscience en faisant son énième exercice de simulation de l’impact d’une politique budgétaire plus coordonnée avec la recherche d’efficacité du système économique. Le résultat d’une politique budgétaire active serait efficace. Pas sûr néanmoins que cela aille au-delà du communiqué fort intéressant de l’OCDE.
La zone Euro n’a pas la dimension politique nécessaire dans sa construction car finalement vivre ensemble c’est un objectif louable mais vivre tous mieux est nettement plus ambitieux mais ne semble pas partagé par tous.
Ce post est disponible en version PDF Ma Chronique du 12 Mars 2019