Le troisième élément d’incertitude est à mettre au crédit des britanniques. La rupture avec l’Union Européenne s’éternise. Cette situation engendre de l’incertitude chez tous les chefs d’entreprise que je rencontre. Les options perçues vont du Brexit sans accord jusqu’à l’absence de Brexit. Dans ces conditions, quelles options prendre quand on est chef d’entreprise ? On peut avoir la tentation du statu quo en attendant d’y voir plus clair.
Le risque finalement est que ce choc d’incertitude gagne en persistance et pénalise durablement la conjoncture globale. Si les anticipations changent dans ce sens alors les investisseurs vont modifier leur comportement. Un horizon dégagé favorise la prise de risque et l’investissement mais dès que l’incertitude brouille les lignes, la capacité à se projeter dans le futur est plus réduites même si les conditions financières sont favorables. Dans ces conditions l’investissement s’infléchit.
Ce changement d’attitude est probablement ce que l’on est en train d’observer. Pour visualiser ces éléments, je regarde l’évolution des commandes de biens d’équipement en Allemagne que je compare à l’évolution de l’investissement dans les pays de l’OCDE.
On observe que depuis 1993, les deux indicateurs ont des allures cohérentes. Ce qui est logique compte tenu du rôle de l’Allemagne dans la fourniture de biens d’équipement. Le repli des commandes traduit cette crainte des investisseurs face à une situation d’incertitude qui pourrait se prolonger.
Ce que l’on voit en Allemagne est aussi observable en France où les commandes de biens d’équipement s’effondrent provoquant un risque d’inflexion très nette des investissements. C’est le cas aussi aux USA. Les commandes sont peu dynamiques et ne permettent pas d’anticiper un retournement rapide de l’investissement des entreprises. (Voir les graphes en annexe)
Une source supplémentaire de préoccupation est le détail géographique des commandes allemandes. Le repli des commandes est surtout marqué dans la zone Euro alors qu’il est plus limité en dehors. Cela traduit bien l’idée que l’ajustement global passe largement par la zone Euro. Sur un an, les commandes de biens d’équipement en provenance de la zone Euro chute de près de 15% en février contre 6% pour le reste du monde. Il faut donc s’attendre à une contraction des dépenses d’investissement dans la zone au cours des prochains mois.
Le choc macroéconomique est d’origine politique mais l’ajustement s’opère principalement en zone Euro qui cristallise à la fois une capacité de rebond limité en raison d’une productivité réduite et une politique économique inadéquate qui en aucun cas n’a la capacité d’amortir les chocs externes. Son policy-mix est toujours contraint par des engagements budgétaires trop rigoureux face au choc subi. La BCE ne dispose plus a priori de marges de manœuvre importantes pour compenser ce biais trop rigoureux.
L’incertitude dans laquelle se trouve l’économie globale pourrait provoquer un repli de l’investissement au cours de l’année 2019. Le ralentissement de l’activité serait accentué, pénalisant à la fois les perspectives de croissance mais aussi de l’emploi. Le choc subi par l’économie mondiale est probablement un choc persistant et la zone Euro est une source majeure de l’ajustement parce que la zone est très ouverte mais aussi parce qu’elle n’a pas de politique coordonnée susceptible d’alimenter la demande interne et compenser l’effet négatif observé dans le reste du monde. Pourtant une telle stratégie permettrait de retrouver plus vite des tendances plus robustes sur la croissance et l’emploi.
Ce post est disponible en format pdf Ma chronique Hebdo du 10 avril
Annexe