La Maison-Blanche, par l’intermédiaire du Council of Economic Advisers (CEA) et la Federal Reserve partagent la même analyse de la situation conjoncturelle américaine. L’économie est encore loin de faire face à des tensions. En conséquence, les politiques économiques peuvent être accommodantes pour encore un bon moment.
Cette coopération de fait, est heureuse au moment où le taux d’intérêt réel remonte aux USA. Depuis la mi-février, sur les titres de maturité 10 ans, ce taux réel a augmenté de 40 points de base.
Les perspectives économiques s’améliorent notamment sous l’impulsion à venir du plan de relance de Joe Biden, provoquant la hausse du taux d’intérêt réel américain. L’adoption du plan le week-end dernier va accentuer ce biais optimiste et renforcer le mouvement sur les taux.
Le plan Biden met l’accent sur les moyens nécessaires pour redonner une allure plus normale à l’économie. Des sommes considérables seront mises en œuvre pour la vaccination, la réouverture des écoles et la prise en charge des enfants.
Le premier objectif est de réduire rapidement les contraintes sanitaires mais aussi de soutenir les institutions locales (Etats et communautés) pour qu’il n’y ait pas de goulots d’étranglements dans la transmission de cette impulsion. C’est le deuxième volet du mécanisme de réduction des contraintes.
Le second objectif est de favoriser la demande en accentuant d’abord la réduction d’incertitude, résultant de la levée des contraintes sanitaires, et en améliorant ponctuellement les revenus avec un chèque de 1400 dollars à chaque américain gagnant jusqu’à 75 000 dollars (avec un caractère dégressif pour les célibataires jusqu’à 80 000 dollars). Ce chèque représente 25% du plan Biden, c’est considérable.
Il faut vite améliorer les conditions sanitaires pour réduire l’incertitude puis augmenter les revenus même ponctuellement afin de donner un coup de fouet à l’économie pour qu’elle se recale sur une trajectoire plus élevée et autonome à moyen terme.
L’administration ne craint pas une augmentation rapide de l’inflation car depuis des années, le cycle économique est incapable de provoquer la moindre risée d’inflation.
Le Council of Economic Advisers (CEA), qui conseille Joe Biden dans ses choix économiques au sein de la Maison Blanche, considère que les tensions sur l’économie sont encore très réduites. Lorsque vendredi dernier le taux de chômage officiel est sorti à 6.2%, le CEA indiquait qu’il considérait qu’il était plutôt à 9.5% car 4 millions de personnes sont sorties du marché du travail et dans les statistiques du Bureau of Labor Statistics il y a de mauvaises attributions de postes (reconnues par le BLS). Il n’y a pas de tensions particulières sur l’économie US. Et à 9.5%, le taux de chômage est très éloigné de celui qui pourrait provoquer un risque d’inflation.
Du côté de la Fed, les réflexions sont assez similaires. Jay Powell indiquait la semaine dernière, dans un webinar pour le WSJ, que, dans le détail, le marché du travail était loin d’être sous tensions. Le président de la Fed met en avant trois indicateurs pour justifier son propos. Le premier est le taux de chômage des afro-américains qui reste élevé par rapport au niveau d’avant crise sanitaire. Le deuxième est la rémunération du premier quartile (25% de ceux ayant les plus basses rémunérations) ralentit encore, ce n’est généralement pas un signe de tensions. Le troisième indicateur est le taux d’activité des personnes non qualifiées. Il a fortement reculé pendant la crise et n’a pas encore retrouvé une allure indiquant de possibles tensions sur ce segment du marché.
Dans une autre intervention, il y a peu, Powell indiquait aussi qu’outre cette hétérogénéité du marché du travail, la Fed considérait que le taux de chômage était certainement plus proche de 10% que du chiffre officiel.
Pour la Maison Blanche comme pour la banque centrale, l’économie américaine souffre encore de nombreux déséquilibres. Il y a de la place pour une politique accommodante afin de faciliter la convergence de l’économie vers sa trajectoire de long terme. L’économie n’a pas de biais inflationniste à court terme (voir mes deux derniers posts) mais en raison des déséquilibres, l’accélération de la croissance, de l’emploi et des revenus ne modifiera pas ce constat dans les prochains mois.
Pour la Fed, la hausse récente des taux d’intérêt traduit l’amélioration des perspectives mais les déséquilibres de l’économie l’incite à ne pas s’attendre à une hausse tendancielle des taux d’intérêt. C’est pour cela que Powell indiquait récemment ne pas vouloir changer la stratégie monétaire de la banque centrale. Il ne veut pas se fourvoyer en réagissant trop rapidement à la progression des taux d’intérêt puisque cette hausse ne sera ni monotone ni continue.
Définitivement, le point bas des taux américains est passé