L’optimisme revient avec la disponibilité de nombreux vaccins et l’espoir d’une fin de crise sanitaire mais aussi en raison du plan de relance américain.
Les changements politiques à la Maison Blanche se traduisent déjà par un prix du pétrole plus élevé et un taux d’inflation plus fort en 2021.
Cependant, les banques centrales continueront d’être accommodantes. D’abord parce qu’elles ne réagissent pas aux fluctuations du prix du pétrole et aussi parce que les économies occidentales seraient rapidement pénalisées par des stratégies plus restrictives.
Synthèse
- La croissance globale est désynchronisée. Les plans de relance en Chine et aux USA jouent à plein le renouvellement du marché intérieur dans un contexte où ces économies n’ont pas de biais inflationnistes (le taux de chômage US est passé de 10% à l’été 2009 à 3.5% en février 2020 sans que l’inflation évolue). En revanche, l’Europe est en retrait dans l’obsession de ne pas créer la possibilité de tensions sur les prix et les salaires.
- Les écarts sont accentués en raison de campagnes vaccinales beaucoup plus rapides dans les pays anglo-saxons et notamment aux USA alors qu’en Chine l’épidémie semble maitrisée. L’Europe est en retard ce qui ne permet pas de réduire l’incertitude et encore moins d’allonger l’horizon économique de chacun.
- Cette différence entre les Etats-Unis et la zone Euro se percevra par une divergence des taux d’intérêt de long terme. Pour autant, les banques centrales maintiendront des stratégies accommodantes. La BCE parce que la zone Euro ne pourrait supporter des conditions financières plus restrictives, la Fed parce qu’elle considère que le marché du travail n”est pas encore suffisamment robuste.
- Par ailleurs, la hausse du prix du pétrole va pousser l’inflation à la hausse sans pour autant créer de pressions sur les salaires et les taux d’inflation sous-jacents. C’est aussi pour cela que les banques centrales ne veulent pas intervenir et changer de stratégie.
- L’augmentation de l’écart de taux entre les US et la zone Euro devrait pousser le dollar à la hausse améliorant d’un coup la compétitivité européenne.
Situation sanitaire
- La dynamique de l’économie mondiale va dépendre de la capacité à vacciner sur une grande échelle.
L’objectif d’une vaccination à grande échelle est triple- Réduire le risque sanitaire et limiter l’incertitude macroéconomique. Les acteurs économiques sont plus prudents dans leurs comportements, ce qui se traduit par des ajustements plus lents.
- Limiter le risque sur les systèmes de santé afin de pouvoir soigner tous les malades, pas simplement ceux souffrant de l’épidémie
- Faciliter les échanges au sein de l’économie mondiale et retrouver une plus grande capacité à croître et à générer des emplois.
- Si dans les pays développés, notamment anglo-saxons, les vaccinations vont bon train, ce n’est pas encore le cas pour l’économie mondiale pour laquelle le taux de vaccination est encore très faible.
- La question sanitaire n’est donc pas encore passée.
Croissance et Rupture de l’économie globale
- Après la rupture de croissance en 2020, il est attendu un fort rebond pour 2021. Les prévisions du FMI et de l’OCDE pour 2021 et 2022 suggèrent le maintien d’une croissance robuste sur les deux années.
- Dans le détail, l’économie chinoise connaitra une progression marquée, réponse à une politique économique centrée sur le marché intérieur. Aux USA, la relance Trump puis celle de Biden vont représenter environ 13% du PIB américain et créer les conditions d’une allure soutenue tout au long de 2021 et en 2022.L’Europe est un peu en retrait car les plans de relance n’ont pas l’ampleur de ses concurrents chinois et américains. La crise y sera plus persistante avec des effets négatifs plus durables sur l’emploi.
- La situation nouvelle est la dynamique moins coopérative, déjà perceptible avant la crise sanitaire mais qui s’est accentuée depuis. Cela implique un équilibre qui sera probablement très différent de celui observé depuis les deux ou trois dernières décennies.
Dynamique macroéconomique
- Les chiffres de croissance pour 2020 ont été revus à la marge au cours du mois de mars. L’acquis de croissance est partout élevé puisque depuis le confinement du 2ème trimestre (1er trimestre en Chine), l’activité est plus solide. Dès lors, le niveau du PIB est à la fin de l’année bien supérieur au niveau moyen de 2020. Le point de départ pour 2021 est donc partout fort provoquant des taux de croissance pour 2021 bien au-delà des chiffres habituels.
- Le commerce mondial a nettement accéléré en début d’année 2021 (+5.8% par rapport à janvier 2020). La Chine et l’Asie ont une contribution majeure dans cette dynamique. . Cela se traduit par d’importantes tensions sur les prix du fret (Baltic Dry Index au plus haut depuis septembre 2019, et le prix des containers était en très forte hausse.) Les échanges Asie-Etats-Unis tirent cet indicateur à la hausse.
- Le prix du pétrole est désormais sur une tendance beaucoup plus élevée qu’en 2020. Cela se traduira mécaniquement par un taux d’inflation plus élevé. En 2020, c’est le contraire qui avait été constaté avec un prix de l’or noir bien plus faible qu’en 2019.
- La hausse des taux d’intérêt aux USA est nettement perceptible depuis le début de l’année. Cela traduit des anticipations de croissance plus fortes et un risque d’inflation plus marqué. En Europe, les taux d’intérêt ont un peu suivi avant d’avoir un comportement très différent de celui des taux américains. La BCE intervient massivement et compte continuer de le faire pour limiter les mauvaises surprises sur les taux. Seule le Royaume Uni suit l’allure des taux US. La BoE intervient moins.
La hausse des taux d’intérêt de long terme
- Le mouvement haussier des taux d’intérêt depuis le début de l’année est cohérent d’abord avec la hausse du prix du pétrole. Lorsque l’on observe l’évolution du point mort d’inflation à 5 ans dans 5 ans aux USA on constate qu’il est parfaitement corrélé avec les mouvements et la volatilité constatés sur le prix du pétrole.
Les anticipations d’inflation dans la zone Euro fluctuent également avec le prix de l’énergie.
- Ce rôle du pétrole dans la volatilité des anticipations est logique puisque depuis une vingtaine d’années, la volatilité des taux d’inflation est conditionnée par celle du prix de l’or noir. Les taux d’inflation sous-jacents sont stables et surveillés par les banques centrales. Il est donc normal d’avoir cette sur-réaction au prix du baril.
- Le changement d’allure du prix du pétrole reflète les anticipations résultant de la mise sur le marché de vaccin contre le Covid19. Le retour à une situation plus “normale” devrait se traduire par une hausse de la demande d’énergie.L’autre point est l’impact des décisions prises par Joe Biden. Il avait annoncé dès avant les élections le retour des USA dans l’accord de Paris sur le climat. Il l’a confirmé ensuite lors de sa prise de fonction le 20 janvier et une semaine après avec l’annulation d’autorisations d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles sur les terres fédérales. Le marché du pétrole changeait d’allure au pays du premier producteur mondial.
- La hausse des taux d’intérêt s’est d’abord reflété dans une vive progression des points mort d’inflation. Le prix du pétrole pourrait se stabiliser autour de 60 dollars et la hausse des taux d’intérêt US pourrait alors provenir du taux d’intérêt réel reflet des anticipations de croissance plus fortes après le plan Biden.
Une accélération de l’inflation en 2021
- L’accélération à la hausse du prix du pétrole se retrouve dans la perception des chefs d’entreprise à travers les enquêtes. Aux USA, l’enquête ISM indique une forte hausse de l’indice des prix payés, indice bien corrélé avec le profil du taux d’inflation.
- En zone Euro, le constat est le même à partir de l’enquête Markit.
Cela ne sera pas spécifique à ces deux régions. La hausse du prix de l’énergie poussera partout les taux d’inflation vers le haut. Dans les pays émergents, l’augmentation du prix des matières premières alimentaires va accentuer ce phénomène.
- En revanche, les indicateurs sur le marché du travail n’indiquent pas de pressions haussières sur l’inflation sous-jacente. La dynamique de l’emploi n’est pas suffisamment forte pour provoquer des tensions sur les salaires.
- En zone Euro, la décomposition du taux d’inflation suggère que la hausse du début d’année sur les biens ne sera que temporaire (décalage des soldes) et que sur les services, la situation va se normaliser après l’ajustement de la TVA.
- La hausse de l’inflation traduisant un mouvement sur le prix du pétrole, les banques centrales n’ont aucune raison de modifier leur politique monétaire puisque le phénomène est temporaire et la transmission sur le prix des biens et des services est faible.
La dynamique de court terme
- L’activité économique donne, au travers des enquêtes, des signaux plus positifs.
- Les enquêtes Markit suggèrent que dans le secteur manufacturier les perspectives sont robustes en phase avec la dynamique du commerce mondial (puisque l’on échange principalement des biens manufacturés). Elles suggèrent aussi que dans les services la situation s’améliore. Cela peut être en lien avec l’effet d’entrainement du secteur manufacturier et en dépit des secteurs qui sont encore sous contraintes sanitaires.
- Cette embellie se constate sur les indices synthétiques de l’activité dans ces enquêtes Markit.
- On constate également que ce mouvement haussier est perceptible dans les enquêtes nationales de l’Insee en France et de l’IFO en Allemagne. L’indicateur allemand est quasiment revenu sur sa moyenne de long terme.Une conséquence à venir est l’inflexion à la hausse sur l’emploi. Néanmoins, la dynamique de l’emploi sera complexe en 2021 puisque si l’activité s’améliore elle restera, en zone Euro, au-dessous de son niveau d’avant crise, et nécessitera un niveau d’emploi plus réduit qu’en 2019. En outre, les mesures de soutien à l’emploi vont s’estomper progressivement (avec les vaccinations) provoquant un ajustement rapide et à la baisse sur l’emploi.
- Aux USA, l’indice CFNAI qui synthétise l’activité économique au travers de 85 indicateurs “en dur” a été stable en février. Ce phénomène ne devrait être que passager en attendant l’effet positif et fort du plan Biden sur l’expansion.
La France
- Les effets du confinement décidé par le gouvernement, notamment sur l’Ile de France devrait avoir un effet de l’ordre de 0.2 à 0.3% sur l’activité économique en 2021. Le choc n’a pas la violence de celui du printemps dernier et son amplitude géographique est plus réduite que lors du confinement du mois de novembre.
- Ce mouvement de repli pourrait être moins important si nos principaux partenaires commerciaux connaissent une inflexion à la hausse de leur activité. En effet, l’activité de l’Ile de France est très dépendante de ses relations avec les autres régions de l’Europe. Il pourrait y avoir un effet de compensation partiel.
- Les incertitudes qui demeurent sur la crise sanitaire se traduisent par une inquiétude sur l’évolution du marché du travail. Les ménages ne sont pas persuadés que la dynamique de l’emploi s’inversera rapidement. Cela se traduit par le maintien à un niveau élevé des souhaits d’épargne dans l’enquête mensuelle de l’Insee et par une accumulation d’une épargne sans risque. Le mouvement observé en 2020 continue en 2021.
- L’incertitude est aussi perceptible à travers les données de consommation. De 1980 à février 2020, la variation mensuelle de la consommation de biens oscillait entre -5 et +5% dans les cas les plus marqués. Depuis le début de la crise sanitaire, c’est entre -20 et +40% que ce chiffre fluctue. Cet environnement ne reflète pas la perception d’un horizon lointain des ménages. Il milite pour une attitude prudente.
- Durant la crise sanitaire, la productivité a chuté alors que le pouvoir d’achat s’est maintenu. A moyen terme, les deux indicateurs doivent évoluer ensemble. Pour rétablir cet équilibre, des gains de productivité sont à trouver mais il y aura aussi un ajustement à la baisse du pouvoir d’achat.
La relance américaine, les taux d’intérêt et le dollar
- La spectaculaire relance américaine se traduit déjà par des tensions sur les taux d’intérêt américains. La Fed ne veut pas contrarier ce mouvement trop rapidement parce qu’elle trouve cela prématuré au regard du marché du travail.
- La BCE va continuer d’intervenir massivement sur le marché obligataire car la relance européenne est insuffisante et que les conditions ne sont pas remplies pour valider une hausse des taux d’intérêt.
- Porté par la relance aux USA et par retenus par l’intervention de la BCE, l”écart de taux d’intérêt entre les deux va s’accroître.
- Cela devrait se traduire par des pressions haussières sur le billet vert.
- L’Europe pourrait alors bénéficier de la relance US par deux canaux: la hausse des exportations induite par l’augmentation des importations US car la demande interne y sera forte et par un effet de compétitivité.
Prévisions macroéconomiques
- Pour l’année 2021, il est attendu un rattrapage de l’activité perdue en 2020. Compte tenu des acquis de croissance élevés à la fin 2020, les chiffres attendus sont très élevés.
- Ce mouvement se prolongera en 2022 en raison notamment du plan de relance américain qui va aussi bénéficier à l’Europe.
- Je ne crois pas néanmoins que l’on soit dans un changement de régime qui se traduirait par un taux de croissance durablement plus élevé que la moyenne constatée sur les 5 années précédents la crise sanitaire.
Le plan sur les infrastructures aux USA aura peut être ce rôle mais il est encore à venir. - Le taux d’inflation sera plus élevé en 2021 en raison de la hausse du prix du pétrole. Cet effet qui ne se propage pas aux salaires s’évanouira en 2022.
- Pas de changement attendu des politiques monétaires mais un élargissement des écarts de taux sur la partie longue. La BCE restera active en raison de la persistance plus marquée de la crise en zone Euro.