Le scénario global
- La croissance est robuste dans les pays développés portés par la reprise du commerce mondial, les politiques économiques de soutien, notamment aux US et par la réduction du risque sanitaire.
- Ce mouvement se prolonge car y est associé de nombreuses créations d’emplois qui solvabilisent la demande.
- La brutalité de la reprise est arrivée au moment où les stocks des entreprises étaient particulièrement bas.
- L’excès de demande s’est traduit par d’importantes tensions sur les prix;
- Cet excès de demande va progressivement se résorber et les tensions vont se réduire. Ce sera plus rapide en zone Euro qu’aux USA néanmoins.
- Les banques centrales n’ont dans ce cas aucune raison d’intervenir fortement ou rapidement
- Les marchés n’intègreront pas de prime d’inflation
Les risques
- La persistance de l’inflation et ses conséquences sur des agents économiques très endettés
- La Chine qui fait face à un ajustement à la baisse de son activité via l’immobilier et la fragilité des gouvernements locaux
- Les pays émergents qui ont à faire face à des prix alimentaires élevés
- Que se passera-t-il à la COP26 ? Quel accord ? Faut il s’attendre à des bouleversements dans les mois qui viennent ?
Une crise sanitaire absorbée rapidement dans les pays développés
- Le premier constat est qu’au sein des pays développés, la crise n’a généralement pas eu l’effet d’un choc divergent. Aux USA et en zone Euro, le retour sur le niveau de PIB de 2019 aura lieu avant la fin de 2021. L’Espagne est, parmi les grands pays, le plus touché en Europe.
- La Chine a également très vite retrouvé le chemin d’une croissance robuste.
- Pourtant le choc a été d’une ampleur jamais constatée par le passé en dehors des périodes de guerre. La baisse de l’emploi aux USA en avril 2020 (-20.7 millions d’emplois) a été bien supérieure à ce qui avait été constaté los de la crise de 1929.
- La raison principale est la prise en charge de la macroéconomie par la politique économique.
- Soit de façon très brutale comme en Chine avec des confinements très localisés et très contraignants mais avec dans le même temps un soutien à l’activité économique
- Soit de façon préventive comme en Europe où la politique économique a mutualisé le choc au moment où il s’est produit. Le risque a été pris en charge par les autorités publiques pour qu’il ne soit pas directement porté par les ménages et les entreprises.
- Soit de façon curative comme aux USA. Le choc a eu lieu au moment du confinement et les autorités ont ensuite corrigé l’impact et l’ampleur de celui-ci par des mesures de soutien à la demande.
La dynamique de l’emploi
- La dynamique de l’emploi, au cœur de la politique économique, n’a pas été la même selon les pays.
- Aux Etats-Unis, l’emploi est encore éloigné du niveau qui était observé à la fin de 2019 (la comparaison se fait sur le dernier trimestre 2019 car les données en Europe sont trimestrielles). A la fin du mois d’octobre 2021, l’emploi est encore 2.3% en dessous de la période de référence.
- En zone Euro, à la fin du mois de juin, l’emploi était encore 1.3% en dessous de la période de référence.
- En France, l’emploi salarié est 0.6% au-dessus du niveau constaté au dernier trimestre 2019. L’emploi salarié privé est 0.9% au dessus du dernier trimestre 2019 et 1.4% au-dessus de la moyenne 2019.
- Les politiques économiques ont été mises en œuvre conditionnellement au fonctionnement du marché du travail.
- Aux USA, le marché du travail est plus flexible. Un choc initial, même profond, peut rapidement être résorbé comme on le constate. La politique de soutien à la demande (allocation-chômage, primes,..) a permis de converger vers une trajectoire de croissance soutenue favorisant l’amélioration du marché du travail.
- En Europe, le marché du travail n’a pas la même dynamique et un choc qui l’affecte est beaucoup plus persistant. La politique économique ne peut, dès lors, se permettre de laisser un choc se produire. La prise en charge du marché du travail est la parade des gouvernements face à ce fonctionnement.
Commerce Mondial et dynamique de la reprise
- La dynamique de reprise constatée depuis le début du printemps a reflété plusieurs phénomènes:
- Le premier point est l’accélération des échanges internationaux, notamment depuis le début de l’année 2021. La mesure des échanges repasse très vite au-dessus de la tendance observée sur la période 2018-2019.
- La Chine et l’Asie ont joué un rôle considérable dans cette reprise. Sur le deuxième graphe, l’accélération chinoise, qui reflétait une vive progression des importations, a engendré une impulsion positive très marqué de l’activité dans le reste du monde, notamment en Allemagne. Cette impulsion est désormais moins vive.
- La zone Euro et les Etats-Unis ont eu une contribution beaucoup plus modeste.
- La seconde source du rebond de l’activité est la politique économique. Soit en alimentant la demande directement comme aux USA, soit en réduisant le risque et l’incertitude comme en zone Euro. Cela s’est traduit aux US, par le versements de primes considérables, notamment à la mi-mars, où près de 400 Mrds de dollars ont été distribués aux ménages américains. La demande supplémentaire qui en a résulté explique une grande partie de l’accélération de l’inflation et des pénuries constatées.
- La troisième source est la réduction du risque sanitaire avec un taux de vaccination très élevé.
- La combinaison de ces trois éléments expliquent la reprise rapide de l’activité dans les pays développés.
Dynamique de court terme
- Le premier graphe décrit bien la dynamique conjoncturelle constatée depuis le début de la crise sanitaire.
- On observe notamment le rebond rapide de l’expansion depuis le début de l’année 2021.
- On relève la forte accélération de l’indice américain après le versement de la prime Biden à la mi-mars.
- On constate aussi sur ce graphe que le point haut du cycle économique est probablement passé au sein des pays développés. L’accélération s’épuise progressivement. Le niveau des indicateurs reste néanmoins très élevé si on le compare aux observations de 2019. L’économie ne plonge pas dans la stagnation.
- Le deuxième graphique montre que la situation française est solide. Les indicateurs d’enquêtes auprès des entreprises sont bien au-dessus de la moyenne historique mesurée à 100 par construction.
- La politique économique a permis une certaine homogénéité dans le soutien à l’activité.
- La croissance sur l’ensemble de l’année sera un peu supérieure à 6% avec un acquis important en fin d’année 2021 pour 2022. Cet acquis explique la moitié de la croissance attendue à 4% pour l’année 2022.
Comment comprendre la situation complexe du moment ?
- La macroéconomie est actuellement caractérisée par des pénuries, des embouteillages dans les ports tant au départ qu’à l’arrivée et d’une manière générale par des entreprises qui n’arrivent pas à faire face.
- Le principal coupable est la demande depuis le printemps dernier. Elle est caractérisée par trois phénomènes déjà évoqués:
- Le regain du commerce international sous l’impulsion d’une hausse des importations chinoises
- La politique économique américaine qui s’est traduite par la distribution de primes importantes: d’abord par Trump en décembre puis par Biden dans la seconde partie du mois de mars.
- La levée des contraintes sanitaires dans de nombreux pays développés mais avec néanmoins toujours des limites pour les services.
- La conséquence est une demande de biens, beaucoup plus forte que les anticipations.On voit la traduction de la politique économique US dans le premier graphe avec une hausse spectaculaire de la consommation de biens durables alors que celle des services est en retrait significatif.
- La hausse de la demande s’est traduite par une augmentation des commandes pour des entreprises avec des stocks réduits. Le ratio commandes sur stock a explosé.
- Le choc de demande est persistant car il est global. Il n’y a pas de source d’amortissement contrairement à ce qui se serait produit en cas de demande supplémentaire dans un seul pays. Les entreprises n’étaient pas prêtes et le choc provoque des ajustements sur l’activité mais aussi sur les prix.
L’inflation accélère
- Le constat est sans appel, les taux d’inflation, ici en zone Euro et aux USA, sont nettement au-dessus des cibles définies par les banques centrales à 2%.
- En zone Euro, elle est au plus haut depuis que les indices existent, au même niveau qu’en juillet 2008. L’inflation sous jacente (hors prix du pétrole et des prix alimentaires) accélère aussi assez vivement se situant au-dessus de la cible de 2% pour la première fois depuis décembre 2002.
- Aux USA, la hausse du taux d’inflation se compare à celle de l’été 2008. Le prix du pétrole était alors de 145 dollars le baril. La grande différence avec l’Europe est la vive hausse du taux d’inflation sous-jacente. Elle était à 4.5% en juin 2021 et 4% en septembre..
- La question majeure est de savoir si cette hausse est permanente ou pas. Si elle l’est cela créera des distorsions durables et l’obligation de trouver un nouvel équilibre avec des taux d’intérêt nominaux plus élevés.
- Pour l’instant, elle reflète la sortie de la crise sanitaire et l’accélération de la demande. Le rattrapage a été très vif et tant les matières premières que les entreprises ont été prises de cours.
- L’épuisement de la demande, les primes Biden par exemple, vont limiter le risque de persistance.
- Pour qu’il y ait persistance, il faudrait, non pas une hausse salariales dans certains secteurs, mais une hausse généralisée des salaires avec des effets d’indexation que l’on ne connait plus depuis le début des années 1980.
D’où vient l’inflation ?
- La principale source de l’accélération de l’inflation est à trouver dans l’impact des prix de l’énergie.
- Plus de la moitié de la hausse de l’inflation en zone Euro trouve sa source dans l’impact du prix de l’énergie. La hausse de la demande a créé un déséquilibre fort sur ce marché, poussant les prix à la hausse.
Aux USA, la contribution de l’énergie est de l’ordre d’un tiers de l’inflation. - En zone Euro, on perçoit des phénomènes de rattrapage sur les prix dans les biens et les services. Cela peut refléter des prix plus élevés ou des pénuries dans le secteur industriels et des rattrapage de prix pour les services notamment dans les secteurs les plus pénalisés par la crise sanitaire en 2020.
- Aux USA, le profil n’est pas identique puisque les prix des services et des biens progressent vivement à partir du mois d’avril et de l’effet de l’excès de demande déjà mentionnée.
- Les primes versées vont s’épuiser aux US et réduire les pressions sur les entreprises
La persistance de l’inflation
- L’inflation est en grande partie un problème lié au prix de l’énergie. Cette situation va se résorber au cours des prochains mois sauf à voir bondir le prix du pétrole au-delà de 110 dollars en moyenne en 2022 (voir page suivante)
- En zone Euro, l’inflation est le reflet d’une dérive modérée dans les prix des biens et des services qui traduisent soit une hausse des coûts et des pénuries soit un rattrapage. Dans les biens, c’est plutôt la première explication qui prévaut alors que le rattrapage s’observe davantage dans les services après les contraintes observées en 2020. Si cela ne se traduit pas par une hausse généralisée des salaires, le risque d’un taux d’inflation élevé dans la durée est limité.
- Aux USA, le premier graphe montre les 3 grands contributeurs, hors énergie, au taux d’inflation en octobre.La question aux US est autour de l’automobile. Les pénuries vont se résoudre progressivement et la production automobile reprendra. C’est une question de temps. Le point le plus préoccupant est celui des loyers. On voit bien sa corrélation avec le prix de l’immobilier et la tendance à la hausse qui en résulte. Pour limiter ce phénomène, des règles prudentielles sur l’immobilier paraissent plus pertinente qu’une hausse des taux qui pénaliserait l’ensemble de l’économie.
- La question des salaires est plus prégnante qu’en zone Euro. Deux éléments, la hausse rapide associée aux nouveaux contrats de travail dans une économie où le taux de démission est historiquement élevé actuellement et aussi parce que les salaires n’ont pas chuté pendant la récession. La hausse pendant la reprise démarre d’un point plus haut qu’à l’habitude à ce stade du cycle. Cela crée une persistance un peu plus forte.
- Tant qu’il n’y a pas d’indexation des salaires sur les prix, l’inflation sera de courte durée.
Prix du pétrole et les matières premières
- On constate sur ces deux graphes, les éléments évoqués déjà sur l’impact de la hausse brutale de la demande.
- On l’observe sur le prix du pétrole mais aussi très fortement sur le prix des métaux industriels.
- Cela se répercute sur les prix de production mais l’impact sur les prix à la consommation est fortement amorti
- L’effet du prix du pétrole sur l’inflation est majeur.
En 2021, le prix du pétrole s’inscrit à 70 dollars en moyenne contre 43 en moyenne en 2020. Le prix de 2020 était exceptionnellement bas en raison de la pandémie. Pour avoir une contribution similaire à celle, très élevée de 2021, il faudrait que le prix de l’or noir s’inscrive à plus de 110 dollars en moyenne. L’hypothèse que je fais est que le prix plus élevé du pétrole aurait des effets récessifs, limitant par la même la hause. La contribution en 2022 sera plus réduite.
La politique monétaire et les Taux d’intérêt de court terme
- La question majeure est celle de la politique monétaire face à la hausse de l’inflation.
- Si l’inflation est purement un phénomène lié à l’énergie et au pétrole, la banque centrale ne peut pas grand-chose car la gestion de ce marché n’est pas de son ressort.
- Si elle intervient en remontant son taux d’intérêt de référence, elle va provoquer un ralentissement de l’économie. Il y aura donc un double effet négatif pour les entreprises et les ménages. D’abord une baisse du pouvoir d’achat puis un choc négatif lié au ralentissement de l’activité.
- Si la banque centrale pense que le choc est temporaire il ne faut pas qu’elle intervienne.
Le seul indicateur qui intéresse la banque centrale est le lien entre prix de l’énergie et salaires. - Si la propagation est réduite, la banque centrale ne voudra pas intervenir. On est encore dans ce cas là.
- Jusqu’à présent, les banques centrales ne veulent pas s’engager dans une dynamique de hausse des taux d’intérêt. Elles ne veulent pas prendre le risque de peser sur l’activité économique.
- Elles ajustent simplement le montant des achats d’actifs. C’est ce qu’a annoncé la Fed le 3 novembre en réduisant de 10 Mrds ses achats mensuels.
- La BCE réduit ses achats dans le cadre du PEPP avant probablement de lancer un autre programme de soutien après la fin de ce PEPP en mars.
Taux d’intérêt de long terme
- Depuis un an, les taux d’intérêt de long terme évoluent peu.
- Le rebond constaté depuis le début de la reprise de la croissance économique est modeste ramenant les taux au niveau d’avant crise.
- Si l’inflation est temporaire, le risque de les voir progresser vivement est réduit.
- Si l’inflation est perçue comme s’inscrivant dans la durée alors les taux d’intérêt intègreront une prime spécifique. Même si les taux d’intérêt réels restent bas, les taux nominaux pourraient alors augmenter.
- Les perspectives d’activité à partir de 2023 sont plus modestes, proches de celles constatées avant la crise sanitaire. C’est ce qui a généralement été constaté après les récessions depuis 1970 dans les pays développés.
- Cela veut dire qu’au-delà de la période de rattrapage, les tensions devraient se réduire.
- Néanmoins, on doit être interpellé par le deuxième graphique
- .Les véritables sources de rupture viendra des mesures qui seront prises pour faire face au dérèglement climatique. A ce moment là, le taux d’inflation pourrait être durablement plus élevé pour faciliter les ajustements macroéconomiques.
Et demain ?
- Chaque crise, chaque récession est particulière. Il n’empêche qu’il y a une grande régularité après chacune d’entre elle.
- La première particularité est que le choc d’une récession est permanent. Sur chacun des graphes, j’ai calculé une tendance sur la période d’un cycle mesuré du point bas du cycle précédent au point haut du cycle courant. J’ai prolongé ces tendances, ce sont les lignes bleu/gris. On constate que jamais le PIB ne revient sur sa tendance antérieure. C’est pour cela qu’une récession a toujours un coût permanent.
- Le deuxième constat est que le taux de croissance tendanciel après une récession est plus faible que celui constaté au cycle précédent.
- La période depuis la crise financière illustre bien ces deux aspects.
- Jamais le PIB ne revient sur la tendance du cycle précédent et il y a divergence entre l’allure du PIB courant et la tendance antérieure.
- Une récession a donc les deux implications sur le niveau du Pib et sur le taux de croissance.
- Cela implique que la croissance à venir devrait être, au mieux, comparable au taux de croissance du cycle précédent. Pour les US cela fait une progression moyenne de 2.3% par an au maximum et pour la France de 1.4% si l’on exclut la période autour de mi-2011-2012 durant laquelle la zone Euro était en récession pénalisant la croissance française.
Les questions restantes
A court terme, la question clé est celle de l’inflation et de sa liaison avec les taux d’intérêt de long terme
- La première hypothèse est que les taux réels longs resteront bas. J’aime bien l’explication selon laquelle l’excès d’épargne traduit davantage une question de distribution des revenus et des patrimoines qu’une explication liée aux baby-boomers. La seconde est dominée par la première car chez les baby-boomers, la distribution des revenus et des patrimoines n’est pas différente des autres générations.
- La problématique est donc celle de l’inflation dont le caractère permanent ou pas décidera de la hausse des taux d’intérêt nominaux. Cette problématique et son implication pour les marchés financiers sont à plusieurs niveaux.
- La remontée des taux nominaux pèserait sur tous les acteurs de l’économie puisque l’endettement n’a fait que croître et cela bien avant la crise sanitaire. La dette avec des taux d’intérêt toujours plus bas (voir le graphe page XX) était avantageuse et permettait d’alimenter la demande. Un taux d’intérêt nominal plus fort et cet équilibre changerait de nature. Les ménages, les entreprises et les Etats seraient tous pénalisés.
- La remontée des taux d’intérêt serait aussi une source de fragilité des marchés boursiers qui ont vécu depuis 40 ans sous l’hypothèse de taux d’intérêt plus bas d’abord puis qui resteraient bas ensuite. L’inversion de la tendance des taux d’actualisation serait dramatique. D’ailleurs, les investisseurs ne s’y trompent pas n’anticipant que des remontées limitées des taux longs en dépit de leur inquiétude sur l’inflation.
- Le secteur bancaire et financier a vu son poids augmenter avec la baisse des taux d’intérêt. Une remontée des taux d’intérêt fragiliserait le secteur.
- En conséquence les banques centrales ne peuvent pas agir trop rapidement ni trop fortement pour peser sur l’allure de l’inflation. Si elle est le reflet d’un excès de demande, elle se dissipera revenant sur des allures proches de celles constatées avant la crise sanitaire. Cela serait cohérent avec une croissance au mieux proche de celle constatée avant la crise sanitaire.
- En revanche, si des mécanismes de hausse des salaires et d’indexation se mettent en route alors l’inflation deviendrait plus persistante, provoquant une prime d’inflation beaucoup plus forte. Les banques centrales devraient alors intervenir de façon plus brutale pour juguler la hausse des prix. Il faudrait aussi revenir sur le mécanisme d’indexation qui est un poison car il est au cœur de la persistance.
La deuxième question porte sur la Chine.
- La Chine est ressortie très vite de la crise sanitaire retrouvant alors une croissance rapide et robuste. Cependant, la situation n’est plus celle qui prévalait dans un passé récent. Plusieurs raisons
- L’économie chinoise a deux niveaux. L’un qui est l’économie ordinaire et l’autre qui représente les secteurs permettant de satisfaire aux objectifs de croissance définis par le gouvernement central. Ces deux secteurs sont l’immobilier et les gouvernements locaux.
- Il y a eu pendant longtemps un jeu entre les gouvernements locaux qui attribuaient des terrains pour la construction d’immeuble. Les entreprises immobilières s’endettent mais bénéficient de conditions locales très favorables.
- Dans le même temps, les gouvernements locaux se finançaient par des impôts sur les sociétés immobilières.
- Tout cela était bien rodés sauf que le prix de l’immobilier est désormais très cher (selon une estimation d’économistes US, il serait deux fois plus cher que l’immobilier US toutes choses égales par ailleurs), les dettes sont colossales et l’économie tourne moins vite.
- Les entreprises immobilières ne peuvent plus écouler les stocks et font face à des remboursements élevés et les gouvernements locaux sont contraints par des impôts qui ne rentrent plus.
- Le risque à court terme est de ne plus recourir aux recettes habituelles pour satisfaire à l’objectif de croissance, faute de l’instrument immobilier et de l’instrument des gouvernements locaux. Attendons alors un ralentissement de la croissance chinoise.
- A moyen terme, l’effet de richesse associé à l’immobilier, le seul à avoir un impact macroéconomique jouera négativement et pèsera sur la dynamique de dépenses des ménages.
- La croissance pourrait être durablement faible en Chine, probablement entre 2 et 5 % pour être généreux.
- Cette situation se met en place alors que le gouvernement est moins attentif aux signaux de marchés (inversion des réformes de 1978 de Deng Xiaoping) et qu’il y a une reprise en main des techno chinoises. Ceci n’est pas bon pour la croissance.
- Cela deux types de conséquences
- Interne – La croissance plus réduite risque de se heurter à du désordre social. C’est un aspect que les gouvernements redoutent.
- Externe – La Chine ne pourra plus avoir la même capacité à façonner l’économie mondiale que durant les deux dernières décennies.
- Les pays développés ne bénéficieront plus de la même impulsion. On pense ici à l’Allemagne ou au Japon dont le commerce extérieur est devenu très conditionné par la Chine.
- Les structures du type “Road and Belt Initiative” vont être fragilisées
- Les pays émergents, l’Afrique et l’Amérique Latine, vont être pénalisés dans leur développement puisque la Chine était devenu souvent le principal partenaire commercial.
- L’équilibre interne de l’économie chinoise va changer mais l’équilibre global aussi changera de nature. Les tensions politiques internationales, notamment avec les US, vont se noyer dans une densité d’échanges et d’interdépendances importantes.
- Le risque est une absence de leadership mondial. La Chine ne semble plus en avoir les moyens et les US n’ont plus. La période va être fascinante. L’Europe peut elle tirer son épingle du jeu .
La troisième question porte sur les pays émergents
- Dans son dernier rapport, le FMI indique que les pays émergents n’ont pas bénéficié des mêmes conditions que les pays développés.
- Ils n’ont pas disposé d’institutions suffisamment robustes pour mettre en place une politique économique susceptible de prendre le risque à sa charge. Ils n’ont pas bénéficié du support sanitaire suffisant en dépit des engagements pris par les pays développés. Ces pays ont en outre subi des conditions financières plus dégradées. En outre, comme on vient de l’observer la Chine change de rôle.
- Ils connaissent désormais une situation plus complexe encore en raison de la hausse du prix des matières premières alimentaires. C’est un facteur qui va pénaliser la consommation puisque en moyenne les indices de prix sont associés à hauteur de 40% aux prix alimentaires.
- Autrement dit, à la croissance plus faible et à l’absence de véritable reprise va être associé la perte de pouvoir d’achat. Cela pourrait se traduire par des tensions plus marquées comme on les voit au Soudan, en Algérie, en Turquie ou dans quelques autres.
La quatrième question porte sur la question du changement climatique
- Le dernier rapport de l’ONU fait état d’une hausse des émissions de 13.7% entre 2010 et 2030 en prenant en compte les derniers engagements des pays participant à la COP 26 (données du 4 novembre). Il faudrait -45% sur la période pour être à 1.5°C et – 25% pour être à 2°C. La trajectoire actuelle est compatible avec +3°C par rapport à la période préindustrielle.
- La probabilité de réussite apparait réduite puisque les émissions déjà dans l’atmosphère nous font converger vers 1.5°C automatiquement (même si on arrêtait d’émettre on irait à 1.5°C).
- TOUS les engagements sur la neutralité carbone à 2050 risquent de se faire par une convergence rapide dans les dernières années. Autant dire que cela ne pourra pas fonctionner.
- Tous ces engagements reposent sur la capacité à capter et à séquestrer du carbone sur une très grande échelle avec une technologie qui n’existe pas pour l’instant.
- Le techno optimisme est de penser qu’avec une taxe carbone et des innovations financées sous l’impulsion du secteur public, la convergence vers le neutralité carbone aura lieu. Cela permet implicitement de continuer à émettre.
Les décroissants pessimistes pensent que la seule solution est la réduction rapide des émissions, tant pis si cela se traduit par une baisse du niveau de vie. - La convergence vers une solution soutenable passerait par un changement rapide de la structure productive afin d’adapter l’appareil productif à une utilisation moindre des énergies fossiles, tout en développant encore davantage les énergies alternatives (dont le nucléaire). Pour tendre vers cette solution il faut réduire la consommation d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) de façon considérable. Elle est actuellement un peu supérieure à 80% de la consommation totale d’énergie primaire. Il faudrait converger vers moins d’1/3 à l’horizon 2050. L’objectif ici est de limiter la hausse de la concentration de carbone dans l’atmosphère qui était à 414 ppm en octobre 2021 (250 avant l’ère industrielle)
- Cela peut il s’opérer sans une réduction de la consommation d’énergie ? Cette question est majeure car le développement de l’activité, à l’échelle globale, s’est toujours fait par augmentation de la consommation d’énergie.
- Un ajustement rapide vers une solution soutenable bouleverserait la structure de l’économie globale, dans des proportions supérieures à celles du premier choc pétrolier, et s’accompagnerait d’un taux d’inflation durablement élevé pour faciliter et lisser les ajustements.
Prévisions
- Sur la partie macroéconomique, l’hypothèse est un retour vers la tendance d’avant crise dès la deuxième partie de 2022/
- Cela ne s’accompagnera pas d’une inflation persistante.
- Les banques centrales restent modérées dans leurs interventions.
- En conséquence, les primes d’inflation sont réduites sur la partie longue des taux d’intérêt.