L’économie française est coincée entre un modèle social généreux et une trajectoire de croissance de ses revenus insuffisante.
La conséquence est une hausse des dépenses sociales et un creusement permanent du déficit public.
Standard and Poor’s ne dit pas autre chose et c’est pour cela qu’elle s’interroge sur le modèle français dans la durée.
La réponse grandiloquente de Bercy ne passe pas le cap de l’analyse. Les pays de la zone Euro ont tous subi les mêmes chocs mais la réaction de l’économie n’a pas été la même.
La France est loin d’avoir été le meilleur élève et l’avertissement de SnP aurait pu mériter une colle.
Lors de chaque publication d’une agence de notation, la France retient son souffle ! L’économie française sera-t-elle dégradée ou est-ce qu’une fois encore, elle échappera à la dégradation ? La montée des angoisses est renforcée à chaque fois. L’interrogation porte sur la compatibilité du modèle social avec la capacité de l’économie à croître rapidement.
Chaque Français souhaite un modèle social protecteur dans le prolongement de celui mis en place il y a plusieurs décennies. Un tel fonctionnement se traduit par un poids croissant des dépenses sociales. Depuis 1978, elles ont augmenté de 8 points de PIB. Dans le même temps, la croissance s’étiole. Depuis 2015, donc avant la pandémie, le taux de croissance tendanciel était voisin de 1 %, contre plus de 4 % à la fin des années 1970.
La conséquence de cette divergence des deux indicateurs est la hausse tendancielle du déficit public. Le modèle social et la dynamique de l’économie ne sont plus complètement en phase. Les besoins du modèle social sont excessifs au regard de la croissance que l’économie peut délivrer. Il faut des périodes de croissance forte pour que le déficit public se réduise. Si l’économie est calée sur sa tendance, alors le déficit s’accroît.
Dès lors, la notation par les agences revêt une importance cruciale. Elles portent un regard sur la capacité pour l’économie française à prolonger ce mode de fonctionnement.
La remarque de Standard and Poor’s
Dans son rapport, Standard and Poor’s pointe du doigt cette problématique. L’agence a une attente de croissance plus limitée que celle du gouvernement et en conclut que le déficit public sera un peu plus élevé à l’horizon de 2027 que ce que prévoit Bercy. La croissance plus réduite ne permettra pas de réduire autant que souhaité les besoins de financement du gouvernement. Cela se traduira alors par un ratio de dette publique sur PIB plus élevé à ce même horizon que ce qui est attendu par Bercy.
L’agence ne dit pas plus dans son rapport. C’est une alerte pour indiquer qu’il y a un déséquilibre durable au sein de l’économie française. Soit le modèle social est ajusté, soit la croissance doit repartir sur une allure plus élevée.
Quelle réaction de Bercy ?
La réaction de Bercy à la remarque de Standard and Poor’s a été un peu grandiloquente, mais pas franchement rassurante lorsque l’on regarde les données économiques.
Bercy évoque les efforts considérables faits pendant et après la pandémie pour amortir et mutualiser le choc subi. Ces efforts auraient mis l’économie sur de bons rails.
Pour mesurer l’ampleur et l’efficacité de la politique économique, il est important de comparer la performance de l’économie à celle de ses voisins car tous ont subi les mêmes chocs. Pour prendre une bonne mesure, on peut comparer 2023 à 2019.
C’est ce que j’ai fait dans le graphe ci-dessous. Sur l’axe horizontal, je regarde l’évolution du PIB par habitant pour chaque pays de la zone Euro entre les deux dates. Sur l’axe vertical, c’est l’évolution de la dette publique, mesurée en points de PIB, qui est observée.
La lecture est simple. Chaque point correspondant à un pays indiquant ainsi la croissance du PIB par habitant et la variation de la dette publique. La Grèce a eu une croissance de l’ordre de 8 %, alors que sa dette publique se réduisait de 17 points de PIB.
En Finlande et en Autriche, le PIB s’est légèrement contracté tandis que la dette augmentait rapidement.
En France, le PIB par tête est stable sur la période, alors que la dette publique a augmenté de 12 points de PIB. Sur la croissance, la France fait partie des mauvais élèves et sur la dette, elle a la plus piètre performance. De là à en conclure que la France a été sauvée est un peu rapide et suggère surtout qu’elle n’est pas guérie.
Pour rester à l’étiage, l’économie française a besoin d’un endettement supplémentaire. Autrement dit, lorsque la croissance internationale est peu porteuse et que le commerce mondial ne progresse pas, l’économie française doit être nourrie par un endettement supplémentaire. A-t-elle la capacité de croître de façon endogène ? La lecture de ce graphique suggère que non.
La réponse à faire après le rapport de Standard and Poor‘s est donc de deux ordres ; d’abord d’arbitrer dans les comptes de l’État et notamment sur le modèle social pour que celui-ci se cale davantage sur les capacités de l’économie à croître ensuite de créer les conditions d’une croissance plus autonome permettant de progresser de manière endogène sans impulsion externe. Quand l’économie française disposera de ces propriétés, alors elle sera sauvée et son risque permanent de dégradation s’estompera.