Et maintenant, que va-t-il se passer ? C’est la question à laquelle nous sommes tous suspendus en attendant l’arrivée effective de Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier prochain.
On peut avoir un avant-gout des orientations qui seront prises en observant les différentes nominations qui ont été faites. De Marco Rubio à la création de DOGE ( Department of Government Efficiency) pour Elon Musk, les options prises apparaissent peu orthodoxes. Elles devront être confirmées par le Congrès.
On notera néanmoins que s’il y a des nominations à la santé, à l’éducation, à l’ONU ou ailleurs, il n’y a pour l’instant personne comme secrétaire d’Etat au Trésor pour remplacer Janet Yellen.
Le programme économique de Trump peut être résumé en quelques points.
- L’élément clé est l’opposition au libre échange qui est associé au multilatéralisme, source historique de dégradation de l’économie US, selon les Républicains. Pour fonctionner, le multilatéralisme doit s’inscrire dans un cadre avec des règles établies et identiques pour tous.
- Donald Trump, déjà dans son premier mandat, souhaite orienter les échanges sur une échelle bilatérale. L’objectif est de permettre aux Etats-Unis d’avoir un pouvoir de négociation en rapport avec sa puissance économique.
- Les tarifs douaniers promis par le candidat Trump ne sont que le reflet de cette préférence quitte à négocier le niveau de la taxe aux importations par pays en fonction des négociations.
- Il faut que la puissance de l’économie US soit au service de l’emploi local notamment dans l’industrie manufacturière.
- En recentrant la production américaine sur le territoire américain, Donald Trump souhaite donner à l’économie les capacités d’innover et de ne pas être dépendant du reste du monde et notamment de la Chine.
Ce biais protectionniste avait déjà été observé pendant le premier mandat de Trump. Le résultat avait été médiocre.
Le solde extérieur était plus important quand Trump avait quitté la Maison Blanche que lorsqu’il était arrivé. L’impact sur l’emploi n’a pas été efficace. Chaque emploi conservé a coûté très cher.
Finalement, c’est le consommateur qui a payé la note, les hausses de prix en passant la frontière avaient été répercutées sur le prix de vente au consommateur.
Ce bilan est négatif mais les mesures aux frontières ne concernait qu’un montant limité d’importations.
Les mesures sur la taxe aux frontières proposées par le candidat Trump seraient de 10 à 20% pour tous les produits importés aux US et 60% sur les produits chinois. Le montant des produits soumis aux taxe est multiplié par 10.
Le consommateur américain sera le grand perdant de l’histoire.
Deux raisons à cela.
- L’Amérique ne fabrique pas tous les biens dont le consommateur a besoin. La part des US dans la production manufacturière mondiale est de 12% selon l’OCDE. C’est peu et cela veut dire que 88% sont fabriqués et destinés à d’autres pays. Pourquoi les entreprises feraient-elles une baisse de prix pour les américains spécifiquement tout en conservant le même prix pour les autres consommateurs des autres pays ?
- Imaginons un taux à 20%. Quelles sont les entreprises ayant les moyens de réduire leur marge d’une telle ampleur ?
En fait le consommateur paiera deux fois: pour le prix du bien importé acheté en magasin et pour le bien fabriqué aux US mais avec des consommations intermédiaires achetées à l’étranger par l’entreprise américaine. La chaine de valeur américaine va être affectée au risque de créer une inflation persistante.
Le Peterson Institute a fait un calcul sur le surcoût des mesures pour le consommateur, il serait de 2 600 dollars pour le consommateur typique américain.
En outre, les mesures prises par le gouvernement américain engendreront des représailles. Lors du premier mandat, l’Europe avait soumis à des menaces de taxes aux frontières mais l’ensemble des pays européens s’étaient montrés solidaires obligeant Washington à abandonner. Ce serait surement différent en 2025. En 2016, c’est la Chine qui était principalement visée. Elle a répliqué en exportant via le Vietnam et le Mexique rendant caduques les mesures américaines.
Inflation américaine, guerre commercial globale et impact négatif sur l’activité tel est le bilan que l’on peut imaginer a priori des mesures qui seraient prises par Donald Trump en arrivant à la Maison Blanche.
Cela devrait être suffisamment dissuasif pour en réduire la probabilité. Rationnellement, personne ne souhaite rentrer dans cette logique pénalisante pour l’économie américaine d’abord et pour l’économie globale ensuite.
Du point de vue de l’analyse, cela se heurte à deux obstacles.
- Le premier est notre incapacité à penser la rupture, notre incapacité à imaginer que les mesures excessives qui pourraient être prises le seront vraiment. Le cadre dans lequel nous avons tous grandi est celui de la grande modération avec peu de volatilité sur la croissance et l’inflation et une forme de régulation qui limite les excès.
- Le pire n’étant jamais certain, il est plus confortable d’imaginer que les résultats les plus désagréables ne se réaliseront pas. Et les exemples sont déroulés pour démontrer cette assertion.
En 2016 après le Brexit, la situation devait être dramatique aux Royaume Uni avec un manque à gagner considérable, conséquence de la sortie de l’Union Européenne. Un travail récent du Center of Policy Reform indique néanmoins que la perte de revenus pour le Royaume Uni a été de l’ordre de 5.5% par rapport à une situation de maintien dans l’UE.
Le choix des américains a été de ne pas maintenir les démocrates au pouvoir. Donald Trump a gagné 2.5 millions de voix par rapport à 2020 alors que Kamala Harris en a perdu 7 millions par rapport au vote pour Biden.
Je ne ferai pas l’analyse du vote mais la politique qui sera menée par Trump peut être perçue comme crédible.
Deux raisons
- A court terme, l’impact sera négatif pour les raisons évoqués. Mais, il y a dans le discours de Trump une volonté de rupture qui lui permettra d’indiquer que la convergence vers Make America Great Again (MAGA) sera un processus long avec un coût pour sortir du modèle actuel.
- L’option est crédible car une bonne partie des américains semblent prêt à l’accepter. Un peu comme pour le Brexit. Les britanniques en dehors de Londres et du Surrey avaient voté majoritairement pour la sortie en considérant que ce sera mieux après.
On ne sait pas forcément ce qui est attendu par les américains électeurs de Trump mais clairement ils souhaitent autre chose, lui donnant une crédibilité politique. Le modèle risque de ne plus être celui de la grande modération.
Les règles que veulent suivre les Républicains sont celles qui sont favorables à l’Amérique exclusivement. Il y aura des chocs, de la volatilité et il faut que l’on se prépare à cela.
Politiquement, l’option de la rupture peut être crédible auprès des américains. En revanche, sur le plan économique, les orientations sont d’autant moins crédibles que l’Amérique pèse désormais beaucoup moins dans le monde qu’en 2016.
Le choc n’en sera que plus violent. Et le monde va continuer à fonctionner même si les Etats-Unis souhaitent jouer un autre jeu.
Les mesures et leurs conséquences sont encore incertaines mais l’économie risque de perdre en prédictibilité si chacun mène la politique qui l’arrange sans tenir compte du reste du monde. La coopération s’étiole et le rapport de force revient.
C’est la leçon de l’élection de Trump pour l’économie globale.