Dans un éditorial du 23 avril, la rédaction du Wall Street Journal parle d’un moment Mitterrand à Washington. Cela peut paraître mystérieux de prime abord puisque Donald Trump est plutôt libertarien et François Mitterrand était socialiste. Tout les oppose. L’un veut réduire le poids de l’État fédéral alors que pour l’autre l’économie devait tourner autour des décisions de l’Etat est du pouvoir central.
Le parallèle du WSJ ne porte donc pas sur la proximité idéologique mais sur le virage de politique économique que le WSJ perçoit chez Donald Trump. La position brutale sur les tarifs a fait place à des aménagements pour le Canada, le Mexique, pour l’électronique et plus récemment sur l’automobile. La rupture initiale ne serait pas définitive surtout si la Maison Blanche prend contact avec Pékin pour un arrangement.
Au début 1983, le gouvernement de Pierre Mauroy avait pris, sous l’impulsion de Jacques Delors, le tournant de la rigueur. La politique aventureuse des premiers mois prenait fin précipitamment. Les choix d’avant étaient rejetés et il fallait se conformer aux souhaits du modèle dominant. Les éditorialistes du WSJ voient dans la position récente de Trump un tournant similaire à celui opéré par Mitterrand en 1983.
Je crains que ce ne soit pas aussi simple.
Presque deux années s’étaient écoulées avant que le gouvernement français d’alors ne prennent les décisions menant à la rupture. C’est long et il y avait eu trois dévaluations du franc; trois mesures de l’inadéquation de la politique menée. Même si le temps va plus vite aujourd’hui, aucun échec de ce type n’est observable aux USA. Les dynamiques de marchés n’ont pas été favorables mais pas de rupture similaire à 3 dévaluations. Il est trop court pour faire un bilan du nouveau président et montrer l’échec de la politique menée même si on ne la partage pas.
La deuxième différence majeure est la dynamique politique à l’œuvre. En 1983, après la troisième dévaluation, l’enjeu était l’Europe. Soit la France sortait du SME et fragilisait l’ensemble de la construction européenne, soit la France restait dans le SME mais en prenant les mesures nécessaires pour y arriver. C’est cette deuxième option qui a été choisie. La France devait rester dans l’Europe et la rigueur était l’instrument pour cela. La France était rentrée dans le rang mais avait sauvé l’Europe.
Donald Trump considère que le monde doit s’adapter à la stratégie américaine. Les choix qui sont faits maintenant n’apparaissent pas comme définitifs. Ils traduisent des positions d’attente qui maintiennent tous les acteurs de l’économie dans le flou sur ce qui sera mis en œuvre plus tard. En outre, les pays du monde entier ne souhaitent pas tous suivre les instructions de la Maison Blanche. La bataille n’est donc pas terminée et ne doutons pas que Donald Trump tente rapidement un retour.
Trump n’est pas Mitterrand et le choix brillant de 1983 n’illumine pas encore le Capitole