L’Histoire du monde se construit généralement autour d’un pays leader. On le voit depuis la seconde guerre mondiale avec les Etats-Unis et auparavant avec la Grande-Bretagne. Cet hégémon donne l’impulsion et définit les règles et les institutions.
Dans cet Histoire, il peut y avoir plusieurs hégémons car l’économie mondiale n’ayant pas toujours été globale, il y a plusieurs leaders qui s’ignorent. On pense à l’Europe et la Chine qui ont longtemps vécu dans des mondes séparés avec juste des liens commerciaux réduits.
Pourtant il y a des moments particuliers, des moments où l’hégémon, celui qui domine, est remis en cause parce qu’un pays concurrent surgit, Londres surclasse Amsterdam à la fin du 18eme siècle ou parce qu’il est incapable d’assumer son statut.
Ces basculements donnent souvent lieu à des crises économiques et financières, parfois à des conflits ou à des révolutions. La crise se définit alors comme la période entre le cadre ancien qui n’existe plus et le cadre nouveau sui n’existe pas encore.
Des questionnements de ce type avaient été posées, notamment par Joseph Nye lors du premier mandat de Donald Trump à propos des relations sino-américaines. Cette problématique est toujours d’actualité mais elle a pris une nouvelle tournure car le pays leader, les Etats-Unis, donne le sentiment de saborder son statut et de ne plus vouloir assumer les responsabilités qui sont associées à sa position.
Pour analyser ces situations de bascule, les historiens ont développé trois outils d’analyse.
Le premier outil d’analyse est le piège de Thucydide. Le concept est issu de la guerre du Péloponnèse durant laquelle les Athéniens, montant en puissance incite Sparte à entrer en conflit, car Sparte perçoit la volonté, veritable ou pas d’Athènes de le supplanter. C’est une façon de penser la dynamique des forces en présence et les anticipations des belligérants.
Le deuxième cadre d’analyse est celui développé par Fernand Braudel sur la notion d’économie monde. La dynamique de l’économie mondiale est faite d’économies monde, portées par une ville de réfèrence, qui se succèdent, qui co-existent et des risques de crise lorsque ce cadre change. Le passage d’une ville de référence à une autre ville est une source de redéfinition des puissances et s’accompagne généralement de crises importantes.
Le troisième concept est le piège de Kindleberger du nom de l’économiste et historien américain. Dans son analyse de la crise des années 1930, il considère que la stabilité économique est un bien public dont la gestion est assurée par l’hégémon. Cela fonctionne tant que celui-ci à la volonté d’intervenir. Lorsque sa stratégie diverge alors le risque est une grande instabilité. Kindleberger pointe l’absence de volonté et de capacité du Royaume Uni, en 1931, de conserver ce rôle qu’elle tient de longue date alors que son successeur potentiel, les Etats-Unis, n’a pas encore la volonté et/ou les moyens de le faire.
À suivre