4 éléments à retenir de la conjoncture
Point #1 – La Fed est prête à remonter son taux de référence en décembre
Lors de sa réunion du 20/21 septembre la banque centrale américaine a indiqué 3 points
1 – Le maintien des taux d’intérêt dans l’intervalle [0.25; 0.50%] car il n’y avait pas d’urgence au regard des données macroéconomiques
2 – La Fed est néanmoins préoccupée par l’évolution à long terme de l’économie américaine. Elle a de nouveau abaissé la valeur d’équilibre de long terme de son taux d’intérêt de référence (taux des fed funds) à 2.9%. Cela traduit l’idée d’une dynamique de l’économie américaine qui se rapproche d’une forme de stagnation séculaire dont la caractéristique est un taux de croissance limitée de l’activité et un taux d’inflation réduit. Ceci se traduit par un taux d’intérêt d’équilibre plus faible que par le passé.
3 – La banque centrale est prête à remonter son taux de référence lors de sa réunion de décembre (13 et 14). L’objectif n’est pas de bousculer l’économie mais de trouver des marges de manœuvre pour l’avenir. Le taux actuel des fed funds est trop faible pour donner à la Fed un levier en cas de récession. Elle veut donc profiter d’une situation économique qu’elle juge robuste pour regagner 25 bp à la fin de l’année 2016. Le but sera néanmoins d’indiquer que cela n’entre pas dans une séquence de relèvement fort et rapide comme celle qui avait été anticipée l’an dernier et qui avait pénalisé l’ensemble des marchés financiers en raison des changements d’anticipations que cela avait provoqué.
Le graphe ci-dessous montre à la fois le déplacement vers la gauche de l’ensemble des médianes des distributions des anticipations de taux par les membres du comité de politique monétaire de la Fed (couleur claire vers couleur foncée). Il y a une forte concentration pour une remontée du taux de référence en décembre 2016
(ce graphe reprend celui dits des dots. Chaque membre du FOMC donne son attente de taux pour fin 2016, 2017, 2018 et 2019. Chaque ligne représente le cumul de ces points pour chaque échéance. Ainsi pour décembre 2016 il y avait 3 membres pensant que le taux serait à 0.5% lors de la réunion de septembre et 10 pensant que ce serait 0.625% (soit une hausse). Le cumul fait 13 membres attendant soit un taux à 0.5% soit un taux à 0.625%. Il y a 17 membres qui sont consultés)
Il n’y a pas de nécessité pour la Fed de remonter son taux de façon urgente. Le taux de chômage bas ne traduit cependant pas le plein emploi puisque le nombre de personnes travaillant à temps partiel et voulant travailler à temps plein est très élevé au regard des normes historiques. C’est ce qu’indique le graphe ci-dessous
Quant à l’inflation il y a deux choses à retenir
1 – Après 7 années de croissance (le point bas était au T2 2009) il n’y a toujours pas de tensions au sein de l’appareil productif américain (le taux de salaire n’augmente pas vite (2.4%) et le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie se replie depuis janvier 2015. C’est le point le plus troublant de l’économie américaine. Il montre la difficulté dans laquelle se trouve celle ci.
2 – J’avais indiqué ici que l’inflation n’était pas une menace
Il n’y a donc pas d’urgence à durcir le ton mais la Fed souhaite retrouver des marges de manœuvre et c’est pour cela qu’il faut s’attendre à une hausse du taux des fed funds en décembre prochain. J’attends une hausse en 2017.
Point #2 – La Banque du Japon change son arsenal
La Banque du Japon a décidé de cibler le taux d’intérêt à 10 ans afin de maintenir ce taux à 0%
Elle maintient néanmoins sa cible d’inflation et souhaite même se sur-ajuster par rapport à celle ci qui est de 2%.
Cela suggère que la BoJ n’était pas satisfaite de l’efficacité des mesures prises auparavant. Effectivement, même en achetant 80 trillions de yens par an, la BoJ n’a pas réussi dans la durée à parvenir à sortir définitivement du risque de récession. Dès lors plutôt que de pratiquer un QQE (Qualitative and Quantitative Easing) par les quantités la BoJ cible désormais un prix et l’ensemble de la courbe des taux de rendement. En effet en maitrisant le très court terme (taux d’intervention) et le très long terme (10 ans), l’ensemble de la courbe est maitrisée.
Trois remarques
1 – Il sera plus facile pour la BoJ de moduler la pente de la courbe. Kuroda, le gouverneur de la banque centrale japonaise, avait récemment évoqué les problèmes posés, aux banques notamment, par les taux négatif et la courbe des taux trop plate
2 – Le taux d’intérêt vers lequel le taux à 10 ans tend naturellement est proche de 0%. Cela pourrait permettre à la BoJ de ne pas dépenser trop si elle est perçue comme crédible. En revanche si elle n’est pas perçue comme telle alors il y a un risque sur la taille de son bilan puisque le point d’ancrage (0%) ne sera pas appréhendé comme un point d’équilibre.
3 – En ciblant la courbe des taux d’intérêt la BoJ limite la flexibilité du prix inter-temporel qu’est le taux d’intérêt. Celui ci en effet lie le présent et le futur et les arbitrages entre les deux périodes peuvent se traduire par des prix plus haut ou plus bas. C’est un des rôles important des taux d’intérêt, c’est un des rares prix flexibles. La BoJ supprime cette qualité au taux d’intérêt au bénéfice du présent. C’est un argument fort pour soutenir la demande interne maintenant.
La Banque du Japon peut elle réussir? Elle semble surtout ne pas avoir le choix car l’économie est sur une trajectoire fragile et qu’elle retombe spontanément en déflation. Il est probable qu’en maintenant le taux long à 0% elle sera capable de manipuler le taux court pour redonner de la pente à la courbe des taux et ne pas anéantir le système bancaire. On ne peut donc pas exclure qu’elle abaisse le taux de court terme.
Point #3 – La dynamique macroéconomique s’étiole, en septembre, en zone Euro et aux USA
Les enquêtes Markit pour la zone Euro et les USA (estimation avancée) suggèrent une légère inflexion de l’activité.
Le sentiment sur la zone Euro est que l’activité plafonne, ne donnant pas le sentiment d’une accélération soutenue de celle ci au cours des prochains mois. L’indice synthétique est un peu en dessous de la valeur, relativement stable, observée depuis le printemps 2015. C’est cette incapacité à accélérer qui est le plus problématique au sein de la zone alors que la politique monétaire est déjà très accommodante. L’impulsion pour changer de trajectoire ne viendra que de la politique budgétaire.
Aux USA, l’indice Markit du secteur manufacturier continue de décliner. Ce n’est pas un signal fort pour la dynamique du secteur comme le montre le parallèle entre l’indice Markit et la variation sur 3 mois de l’indice de la production industrielle
Au Japon l’indice repasse au-dessus du seuil de 50 pour la première fois depuis février avec une nette amélioration des commandes
Point #4 – Note mitigée sur la France
Le PIB français du deuxième trimestre a été légèrement révisé à la baisse passant de -0.04% à -0.09% (-0.16% à -0.36% en taux annualisé). De la sorte, l’acquis pour 2016 à la fin du deuxième trimestre passe de 1.11% à 1.06%. Pour atteindre 1.5% sur l’ensemble de l’année il faudrait 0.6% à chacun des deux trimestres restants (soit 2.4% en taux annualisé).
Cela n’est pas gagné.
Deux indicateurs à retenir dans cette version plus étayée des comptes nationaux
Le taux de marge des entreprises s’infléchit avec le ralentissement de l’activité. Il reste néanmoins sur une tendance haussière (grâce au CICE et au pacte de responsabilité), . La situation des entreprises reste précaire avec un taux de marge toujours inférieur à celui de 2008. L’ajustement macroéconomique est passé largement via les entreprises.
Le taux d’épargne des ménages reste réduit, très en dessous de sa moyenne des 20 dernières années. La progression limitée de la consommation dans le cycle ne vient pas d’une épargne excessive mais d’un pouvoir d’achat insuffisant.
La conjoncture française vue au travers de l’indice du cycle des affaires de l’INSEE (indice synthétique reprenant l’activité dans l’industrie, les services, la distribution et la construction). C’est plat comme le dos de la main depuis un an. Le “ça va mieux” était le passage de septembre 2014 à septembre 2015.
Pour la semaine qui s’ouvre
Indice IFO en Allemagne pour le mois de septembre (lundi)
Inscriptions à Pôle Emploi en Aout en France (lundi)
La confiance des consommateurs et des industriels italiens pour septembre (mercredi)
Confiance des consommateurs français en septembre (mercredi)
Chiffre définitif pour le PIB du deuxième trimestre aux USA (jeudi) et aux RU (vendredi)
Indice des prix à la consommation vendredi en zone Euro et en France pour le mois de septembre.
Indice des prix japonais pour le mois d’aout (jeudi soir)
Indice des commandes de biens durables aux USA pour aout (jeudi)
Bonne semaine