Voici les différents points à suivre cette semaine dans la conjoncture économique
Point #1 – Le protectionnisme au coeur du discours d’investiture de Donald Trump
Lors de son discours d’investiture, Donald Trump a mis l’accent sur des objectifs purement politiques. L’économie apparaît comme un moyen des options politiques prises même si cela oblige à réécrire l’histoire américaine. (Le discours est disponible ici en français texte-integral-du-discours-dinvestiture-de-donald-trump-shareamerica )
L’ensemble de son discours d’investiture est marqué par l’opposition à ce qui pourrait faire dépendre les Etats-Unis du reste du monde. Les options protectionnistes de ce discours résultent de cette hypothèse. Ce qu’il en ressort est l’idée selon laquelle le commerce mondial serait un jeu à somme nulle. Ce qui n’est pas fait aux Etats-Unis est fait au détriment des Etats-Unis. “Ce que tu gagnes, je le perds”
Le discours protectionniste est donc de faire de telle sorte que les Etats-Unis prennent la part du gâteau la plus importante qui soit. Pour cela la thématique “acheter américain et embaucher américain” fonctionne bien.
Sauf que cela est faux. Le commerce mondial n’est pas un jeu à somme nulle. Les échanges ont permis une plus grande spécialisation de la production et donc une amélioration du niveau de vie. Un pays, aussi grand soit il, ne peut produire tous les biens et services de façon efficace. D’autres pays font mieux que les USA sur des biens et des services. Et même si les USA faisaient mieux sur tous les biens et tous les services il serait plus efficace pour eux de se spécialiser sur certains biens et services, laissant d’autres biens et services à d’autres pays. Si chacun est efficace dans sa production alors celle ci s’opère dans de meilleurs conditions et à des coûts plus bas. Cela facilite les échanges et permet l’amélioration du niveau de vie.
La vision portée par Trump est très réductrice et erronée. C’est ici que l’on voit que la position prise par le nouveau président américain est purement politique et n’est fondée sur aucun ressort économique crédible.
En outre, l’idée de l’emploi mise en avant est principalement celle de l’emploi industriel. Or la baisse de l’emploi industriel n’a pas empêché la hausse spectaculaire de la production industrielle. C’est parce que l’industrie est plus efficace, du fait de l’innovation dans les process de production, que moins d’emplois lui est associée. La globalisation n’a qu’une responsabilité limitée dans cette réduction de l’emploi (voir ici). En outre, les entreprises américaines se développent dans d’autres régions du monde et pour cela elles doivent y créer des emplois. Ce n’est pas au détriment des américains mais au bénéfice des entreprises américaines et finalement à celui des américains.
Il est intéressant sur ce point de noter que rien n’est jamais dit sur l’emploi dans les services car ceux ci sont peu délocalisables. Ils génèrent peu de bénéfices politiques donc ils sont peu pertinents.
Deux remarques encore: la première est de percevoir dans ce discours une situation américaine totalement dégradée. Ce n’est pas le cas tant sur le plan économique que sur la situation relative à la sécurité des personnes. L’autre remarque sera d’anticiper la réaction du nouveau locataire de la Maison Blanche en cas de détérioration des données économiques?
Dans une interview au Times, le nouveau président américain acclame le Brexit et nie toute pertinence à l’Europe construite au bénéfice de l’Allemagne (voir donald-trump-interview-brexit-will-be-a-greatthing-news-the-times-the-sunday-times). A nouveau, dans son discours d’investiture il dénonce les milliers de milliards dépensés militairement pour défendre d’autres frontières que celles des USA. L’environnement politique de l’Europe est en train de changer de façon radicale. L’Europe doit se construire de façon plus autonome par rapport aux USA pour survivre. Il y a une opportunité pour l’Europe. Le couple franco/allemand doit reconstruire une Europe plus politique. Donald Trump nous en donne l’opportunité.
Les premières mesures concernent la remise en cause du système de sécurité sociale mis en place par l’administration Obama (obamacare), des autorisations pour davantage d’explorations sur le pétrole de schiste et l’ouverture de discussions sur l’accord de libre échange avec le Canada et le Mexique. Les signaux sont clairs.
Les Etats-Unis entrent dans une ère nouvelle où les décisions économiques seront conditionnées à un bénéfice politique. Cela pourrait manquer de cohérence dans la durée.
Point #2 – Le Brexit est en marche.
Le discours très attendu de Theresa May le 17 janvier a été à la hauteur des attentes. Les britanniques ne veulent pas avoir un pied dans l’UE et un pied hors de l’UE. Ils auront donc les deux pieds hors de l’UE. Ils ne veulent en aucun cas dépendre des orientations décidées par Bruxelles.
Le premier ministre britannique indique sa volonté de mettre en place de nouveaux traités commerciaux avec l’UE mais aussi avec tous les pays du monde. Le discours a été d’enflammer le discours pour que les britanniques puissent retrouver le “Global Britain”, ce lustre perdu avec l’adhésion à l’Union Européenne. Ce discours était en parfaite opposition avec celui de Margaret Thatcher pour laquelle l’arrivée dans l’Union Européenne était une opportunité à saisir pour le Royaume Uni.
Plusieurs remarques
Le Global Britain s’opère en contrôlant les flux migratoires. La raison principale de la forme du Brexit est de ne pas devoir transiger sur la question migratoire. C’est le sujet de longue date de Theresa May.
Comment imaginer un grand et noble pays, faisant du commerce avec le monde entier, être fermé aux flux migratoires? Seuls les flux choisis seront autorisés. C’est un peu réducteur et peu efficace.
La deuxième remarque est que les négociations pour un accord de libre échange avec l’Union Européenne prendront du temps, beaucoup plus que les deux années appréhendées dans la traité et issu de l’article 50. Les négociations commerciales que le Royaume Uni souhaite mener avec les autres pays du monde seront longues aussi à se mettre en place.
Or les règles de l’économie vont changer au Royaume Uni après la notification de l’article 50 sur la sortie de l’UE. Cela peut être appréhendé comme un choc négatif (ne serait ce que vis à vis de l’UE en raison de la sortie du marché unique (les conditions sur les échanges et le commerce deviendront moins favorables)). La dynamique et la trajectoire de l’activité seront durablement affectées. Rien dans les discours de Theresa May ne permet de savoir comme ce choc sera amorti en interne. En outre le référendum a fait apparaître des tensions au sein de la société britannique mais rien n’est dit quant à la gestion de ces points majeurs, notamment la divergence d’opinion entre les jeunes et les vieux. Voir ici
Point #3 – La BCE maintient le statu quo
La BCE n’a pas montré beaucoup d’incertitude quant à la gestion de sa politique monétaire. Elle ne s’affole pas de la hausse de l’inflation qu’elle considère comme temporaire et essentiellement liée au prix du pétrole. Elle n’est pas rentrée dans une discussion relative à un possible arrêt des achats d’actifs (tapering).
Par ces options, elle ne veut pas modifier les anticipations des investisseurs et laisser un doute quant à la volonté qui est la sienne sur la gestion de sa politique monétaire.
Comme le rappelait Benoît Coeuré, ce matin sur France Info, l’important pour la BCE et d’éviter une éventuelle contagion des taux d’intérêt américains, plus élevés, vers la zone Euro. Pour l’instant cela fonctionne plutôt bien. Le spread sur le taux 10 ans reste fort et les anticipations de politiques monétaires sont bien différenciées surtout depuis l’élection de Donald Trump.
Point #4 – La Fed est d’accord pour remonter son taux de référence à plusieurs reprises en 2017.
L’argument d’une hausse de taux d’intérêt peut être celui de l’atteinte des objectifs (Janet Yellen) ou celui d’un meilleur équilibre des politiques économiques (Lael Brainard). Mais dans les deux cas, cela aboutit à un mouvement haussier.
Deux remarques
La première est que contrairement à ce qui avait été observé l’an dernier, la Fed ne contredit pas en janvier ses annonces de décembre. En décembre 2015 la banque centrale avait relevé son taux de référence et annoncé 4 hausses de taux en 2016. Cependant, dès le début du mois de février 2016, Janet Yellen intervenait pour indiquer qu’il n’y aurait pas de hausse de taux supplémentaire.
La seconde est le propos de Lael Brainard qui indique que le réinvestissement des revenus tirés de l’arrivée à échéance des obligations du portefeuille de la Fed pourrait s’arrêter si les objectifs étaient effectivement durablement atteints. C’est une annonce intéressante car la Fed réduirait alors beaucoup plus rapidement la taille de son bilan. Il faudra que la conjoncture soit perçue comme vraiment solide pour aller dans ce sens.
Point #5 – L’inflation remonte en raison du prix du pétrole
Selon une thématique que j’ai souvent développée, l’effet de la stabilisation du prix du pétrole se traduit par une hausse des taux d’inflation. Néanmoins, les taux d’inflation ne sont pas franchement au-dessus de l’objectif des banques centrales fixé à 2%. Pour les deux prochains mois, le taux d’inflation va continuer d’augmenter en raison de la comparaison toujours défavorable du prix du pétrole. C’est ce que montre le deuxième graphe ci-dessous. Le prix en 2017 est bien supérieur à celui qui était constaté en 2016 à la même période. La contribution du prix du pétrole va donc rester forte et va s’accentuer tirant le taux d’inflation vers le haut. Comme la BCE je pense que c’est une phénomène temporaire.