Le taux d’inflation à 1.1% en février ne ravive pas les anticipations d’un changement rapide et brutal de la politique monétaire de la BCE. Mario Draghi et Peter Praet dans des interventions en fin de semaine dernière ne montraient d’ailleurs aucun empressement à mettre en œuvre un tel bouleversement.
La BCE a calé sa stratégie monétaire sur l’atteinte d’un profil d’inflation compatible avec ce qu’elle souhaite à moyen terme. Le chiffre de 1.1% ne va pas dans ce sens.
Le graphe ci-dessous montre la contribution de chacun des trois grands secteurs à la hausse de l’inflation. On ne perçoit dans aucun d’entre eux une tendance haussière marquée.
Au regard de l’allure et des anticipations sur le prix du pétrole nous n’imaginons pas de hausse brutale et durable du prix de l’or noir. L’absence de pressions salariales suggère que le taux de chômage de plein emploi est probablement plus réduit que ce qui est généralement anticipé.
La zone Euro a encore la capacité de créer des emplois avant de caler sur des contraintes physiques. Cela permettrait ainsi de nourrir encore davantage la demande domestique privée et de rendre la croissance plus autonome. Si l’on regarde les évolutions passées, cette demande privée n’a retrouvé son niveau d’avant crise qu’au début de l’année 2017. Il aura fallu presque 10 ans pour que le niveau de la consommation des ménages et celui de l’investissement des entreprises et des ménages retrouvent le point haut du cycle précédent. C’est très long et représente un coût très élevé pour tous.
C’est pour cela que la politique monétaire doit rester encore accommodante. Il faut renforcer cette dynamique interne et créer des emplois pour enfin voir apparaître des tensions nominales fortes au sein de la zone Euro.
On doit ici avoir le même raisonnement que celui qui était tenu par la Fed il y a quelques temps : tant que les tensions nominales resteront réduites, il n’y a aucune raison de devenir trop rigoureux car c’est alors la croissance qui risque d’être pénalisée alors que l’inflation ne sera pas repartie.
Ce point est compatible avec les propos des responsables de la BCE qui ne marquent aucune hâte à changer la politique monétaire de la BCE. En d’autres termes, je n’attends pas de hausse de taux d’intérêt de la BCE tant que Mario Draghi sera aux commandes de l’institut monétaire de Francfort.
Sur un autre plan, Eurostat a publié l’emploi du 4ème trimestre pour la zone Euro. Sa progression a été plus lente durant les trois derniers mois de l’année 2017 à 1.1% en taux annualisé (par rapport au 3ème trimestre) contre 1.55% trois mois plus tôt. C’est la progression la plus lente depuis le premier trimestre 2015. Cela n’est pas préoccupant si la dynamique interne reste robuste comme je l’expliquais dans le paragraphe précédent.
Sur l’ensemble de l’année, la croissance de l’emploi a été de 1.6%, c’est un peu plus fort que ce que suggère la relation entre évolution du PIB et évolution de l’emploi (visualisé sur le graphe par la tendance en rouge). Les anticipations de croissance en 2018 suggèrent qu’il n’y a pas d’inquiétude immédiate à avoir. En moyenne la croissance de l’emploi est moitié moindre que celle du PIB. Mais l’on observe que la zone Euro est capable de créer très rapidement des emplois quand l’activité redémarre. C’est plutôt un bon signal. Au regard des anticipations de croissance de l’activité pour 2018, l’emploi devrait augmenter, toutes choses égales par ailleurs de 1.3%.
Cette semaine, la réunion de la Fed sera le point marquant. Au regard des différentes analyses (ici, ici et ici ) que j’ai pu publier, je m’attends à ce que la Fed hausse son niveau de taux d’intérêt. Le corridor des fed funds passerait ainsi de [1.25 – 1.50] à [1.50 – 1.75%].
Ce mouvement ne reflète pas la nécessité de lutter rapidement contre l’inflation mais c’est le premier signal nécessaire de la banque centrale américaine face à la politique budgétaire trop expansionniste alors que l’économie est déjà au plein emploi. L’ajustement se fera via la Fed s’il est souhaité que cette stratégie aventureuse de la Maison Blanche ne se traduise par d’importants déséquilibres. De ce point de vue, le déficit extérieur s’est déjà accru depuis l’été.
En France, la croissance de l’emploi salarié a été forte au dernier trimestre de 2017. L’INSEE a sensiblement révisé à la hausse sa première estimation. Le secteur privé a créé 82 300 emplois durant les 3 derniers mois de l’année alors que l’emploi salarié du secteur public se réduisait de -9 600.
Sur un an au 4ème trimestre 2017, l’emploi salarié est en hausse de 269 000 contre 260 000 en 2016. Cela reflète 280 000 emplois du secteur privé et une contraction de 9 000 du secteur public. Ce dernier aspect montre l’impact de la suppression des emplois aidés.
Plusieurs remarques
La première est que la décomposition sectorielle montre la belle allure de la construction et de l’industrie. Dans ces deux secteurs, les ajustements ont été par le passé très forts et très brutaux. L’amélioration du cycle conjoncturel permet la reprise dans la construction depuis le début de l’année et la stabilisation puis la hausse au dernier trimestre dans l’industrie. Le recul des emplois dans les services non marchands représente la réduction des emplois aidés.
L’emploi dans les services et l’intérim reste sur une tendance forte qui devrait se maintenir.
Là aussi, le maintien d’une politique monétaire accommodante, tant que des tensions nominales n’apparaissent pas, permet de retrouver des marges de manœuvre dans ces secteurs. C’est pour cela que la BCE ne doit pas être pressée.
La deuxième remarque est que l’emploi salarié est plus réactif à l’évolution de l’activité que l’emploi total. Ce n’est cependant pas une surprise. Le graphe montre l’évolution de l’emploi et celle du PIB. Une visualisation de la réactivité plus forte de l’emploi salarié est la courbe de tendance. La rouge représente celle de l’emploi salarié, sa pente est plus forte que celle de l’emploi total. Cela reste vraie même si les deux échantillons ont la même taille (2012-2017 car les chiffres de l’emploi salarié sont sur une période réduite).
La troisième remarque est que l’emploi français manque de réactivité par rapport à celui des partenaires de la France. La rupture de l’activité à la hausse est en zone Euro et en France au début de l’année 2013. On constate que l’emploi français progresse moins vite et plus tardivement que l’emploi de la zone Euro. C’est ce sujet qu’il faut continuer de travailler pour rendre la croissance française plus autonome dans la durée. C’est un des objectifs des ordonnances afin que la croissance soit plus rapidement encore riche en emplois.