Depuis plus d’un an déjà la crise menaçait. A la fin du printemps 2007 les signaux se multipliaient quant à un réajustement du système financier. Les engagements qui avaient été pris dans la sphère financière ne pouvaient être tenus. Les banques centrales déjà donnaient des liquidités aux banques car les portefeuilles des institutions financières et bancaires manquaient désormais terriblement de liquidité. Les banques centrales évitaient un blocage du système bancaire et une terrible défiance.
A l’automne 2007 la nationalisation de Northern Rock était une accélération de l’histoire. Les images vues à la télévision des clients de la banque faisant la queue pour récupérer leurs avoirs rappelaient dramatiquement les photos des années 30 aux USA.
L’action des autorités britanniques, outre l’ampleur des liquidités nécessaires à la survie de la banque de Newcastle, était nécessaire pour réduire le risque de panique bancaire à une échelle plus importante.
Par la suite, en mars, la banque d’affaire Bear Stearns est rachetée par JP Morgan pour là aussi des problèmes de liquidité et d’accès à la liquidité. D’un seul coup, un banque d’affaire US, le genre de banque un peu mythique, pouvait faire faillite. C’est un changement d’échelle. Le choc est terrible mais limité en raison du rachat immédiat par JP Morgan.
Désormais la crise prenait une autre dimension. De nombreuses entités, institutions du marché financiers américain s’étiolaient, s’effritaient avec des conséquences importantes. La fragilité ou la disparition d’une institutions de marché avait des effets de contagion dans d’autres secteurs et parfois dans d’autres régions du monde. D’un seul coup, le port de New York ne pouvait plus être financé.
De ce point de vue, la lecture quotidienne du Wall Street Journal attisait la curiosité quant aux évolutions de la nuit, car chaque jour avait son lot de changements ou de ruptures, mais nourrissait aussi l’inquiétude face à une telle fragilité. Ce qui nous paraissait comme une construction solide et robuste s’évanouissait sous nos yeux de façon inexorable. C’était le sentiment à la fin de l’été, l’ajustement était en marche et portait en lui les germes d’un bouleversement inconnu jusqu’alors.
Quand Lehman fait faillite il y a deux camps. Ceux qui pensent que ce sera une bonne leçon pour les investisseurs qui ne doivent plus être convaincus que chaque institution de grande taille sera sauvée systématiquement. Il y a ceux pour qui la faillite de Lehman est une porte ouverte sur l’inconnue.
Mon sentiment, le lundi 15 septembre 2008, était celui d’un choc paralysant qui coupe le souffle et qui vous entraîne dans les abîmes.
On ne réalise pas encore la récession, son ampleur et l’impact macroéconomique persistant de ce qui se passe à cet instant. Mais une page est définitivement tournée. Il y aura un avant et un après Lehman.
Le 15 septembre j’étais à mon bureau et lors de la réunion spéciale que nous avons eu ce jour là, il n’y eu que des questions os de réponses. Le monde venait de changer brutalement.