Au printemps 2022, l’alerte sur l’approvisionnement en gaz et sur le profil de son prix provoquaient des scenarii pessimistes sur la capacité de l’Europe à faire face à ce manque d’autonomie qui la condamnait.
Un an après, le prix du gaz s’est calé sur un niveau qui ne crée plus de scénarii à risque même s’il est plus du double de celui observé avant la crise pandémique.
Le prix élevé du gaz a incité à basculer les investissements énergétiques sur le renouvelable et encouragé les consommateurs à plus de sobriété. De la sorte, dans le monde et en Europe, la part du renouvelable dans la production d’électricité est au plus haut laissant penser que les énergies fossiles, pour cette production, a peut être passé son point haut.
L’aspect préoccupant vient de ce que ce prix bas en Europe n’est pas compatible avec la trajectoire de la neutralité carbone. Le prix doit rester désincitatif. C’est toute l’ambiguïté des boucliers énergétiques.
Néanmoins, une conséquence majeure pour le cycle de court terme est la réduction attendue de l’inflation pour les mois qui viennent.
Le prix du gaz a reflété, depuis la fin 2021, les différents états de la conjoncture européenne.
Le choc énergétique accentuait le risque d’une récession qui n’a pas eu lieu en raison de la politique contracyclique menée à grande échelle un peu partout sur le vieux continent. La réduction récente des tensions inverse la logique et laisse imaginer une sorte d’effet de contrechoc énergétique qui serait favorable à la conjoncture.
Pourquoi cette fluctuation du prix du gaz ?
Il y a trois phases sur le prix du gaz.
Avant 2021, le prix du gaz est faible et peu volatil. Ce n’est pas une source de préoccupation pour le cycle économique. La seule question, vaguement évoquée alors, était la dépendance à la Russie. Cette phase est représentée par la moyenne constatée entre 2015 et 2019. Elle était de 17.6€ le mégawattheure. En 2021, il y a déjà eu des tensions sur le prix du gaz. Les approvisionnements en provenance de Russie étaient alors la source de rupture temporaire. Ce nouveau cadre créait déjà des incertitudes avec des pointes sur le prix du gaz.
La deuxième phase traduit à la fois la réduction des approvisionnements en provenance de Russie et la nécessité pour l’Europe de trouver du gaz, y compris le gaz liquéfié pour lequel les infrastructures d’accueil étaient insuffisantes. Cette double tension explique la montée du prix. Ce mouvement a été exacerbé en raison de réserves insuffisantes qu’il fallait combler avant l’automne, expliquant le prix de 340€ à la fin de l’été 2022.
La troisième phase commence à l’automne 2022 et continue jusqu’à présent. Elle est caractérisée par des prix bas, bien inférieurs à ceux observés en moyenne l’an dernier. A titre de comparaison, le prix moyen en avril 2023, au 20, est de 43.3€ contre un prix moyen de 132€ en 2022.
Une conséquence est que lors du renouvellement des contrats d’énergie, majoritairement au dernier trimestre de cette année, les prix de référence sur le gaz et l’électricité vont s’effondrer. Ce sera le moyen de renouveler la concurrence et de stopper définitivement la hausse de l’inflation sous-jacente. La BCE en sera soulagée et les consommateurs percevront un effet très positif sur leur pouvoir d’achat.
Sobriété et météorologie
Partout en Europe, la hausse du prix de l’énergie a engendré un comportement plus attentif aux dépenses énergétiques.
RTE indique ainsi, pour la France, que la consommation d’électricité a reculé de 9.7% sur les 4 semaines précédents le 13 mars par rapport à la moyenne des 4 mêmes semaines observées de 2015 et 2019. Ces données sont corrigées des biais liés à la météorologie clémente. Il s’agirait donc d’un véritable changement de comportement.
Ce n’est pas une spécificité française. La demande d’énergie en Europe est plus faible depuis le début de l’année. Le graphe de Timera-Energy est explicite sur ce point, la demande d’énergie est plus réduite en 2023 et sur le dernier quadrimestre de 2022, la demande est au plus bas sur la période 2016-2022.
La météorologie a également joué un rôle. L’hiver 2022/2023 a été clément puisque les températures moyennes sont restées, en France, au-dessus des valeurs moyennes observées sur la période 1991-2020. Il y a même eu un record d’écart à cette moyenne le 31 décembre.
A l’automne dernier, la question majeure portait sur la façon dont l’Europe passerait l’hiver. C’était la source des scénarii les plus anxiogènes. Une température très froide aurait provoqué une baisse rapide des réserves avec d’éventuelles coupures d’électricité. Cela n’a pas été le cas.
Des réserves importantes au printemps 2023
L’hiver doux a permis de ne pas vider fortement les réserves. A la mi-avril, les réserves en Europe sont très élevées. Elles sont à un niveau correspondant généralement aux mois d’été. C’est ce que suggère la ligne pointillée rouge.
De façon plus précise, lorsque la Russie a réduit ses approvisionnements après le 24 février et l’invasion de l’Ukraine, l’Europe se met en chasse pour disposer de gaz liquéfié. C’est ce qui explique la hausse forte et rapide des prix. C’est donc le point faible de l’Europe d’autant que les infrastructures pour accueillir les méthaniers sont réduites. Les efforts ont été considérables pour réduire ce handicap sur les infrastructures. Ce n’est plus un souci majeur à court terme. On constate surtout que les réserves de gaz liquéfié sont très importantes.
La hausse rapide du prix du gaz a incité au développement rapide et fort des énergies renouvelables tant dans le monde qu’en Europe. La production d’électricité a vivement progressé à partir d’énergies renouvelables alors qu’elle a stagné pour la production à partir d’énergies fossiles avec un léger repli sur le gaz.
Dans le monde et en Europe, la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (solaire et éolien) a été au plus haut. Cette avance s’est faite au détriment du gaz donc la part à l’échelle mondiale à légèrement reculé. C’est ce qu’indique le graphe. La contribution de l’éolien et du solaire a augmenté vivement alors que celle du gaz, en 2022, se réduisait.
En 2022, la production électrique provenant du solaire et de l’éolien représentait 80% de la demande supplémentaire. Ne doutons pas qu’en 2023 le chiffre se rapproche de 100% et le gaz pour lequel les investissements se sont réduits va continuer de se réduire.
En guise de conclusion
Le marché du gaz a changé radicalement depuis un an. Le choc en Ukraine a incité au changement en faveur des énergies renouvelables. L’éolien et le solaire ont progressé rapidement. De la sorte, la demande de gaz a ralenti.
Cette situation cyclique et la prise de conscience de la nécessité de la transition énergétique se sont traduites par une franche rupture sur le prix du gaz depuis l’automne 2022.
Cela se traduit déjà par un ralentissement de l’inflation. Ce phénomène va s’accentuer en 2023 car les prix de l’énergie vont être plus bas à partir de septembre prochain lors du renouvellement des contrats d’énergie. Cela accentuera la concurrence car les marges seront alors potentiellement élevées. Le taux d’inflation sous-jacent ralentira vite et la BCE pourra souffler.