Dans les réflexions sur le changement climatique, le plus compliqué est d’imaginer que le monde de demain sera franchement différent de celui dans lequel on vit. L’énergie efficace du pétrole et du gaz a façonné notre façon de produire, notre capacité à croître et finalement notre bien-être. L’inconnu est le modèle à venir, totalement hypothétique. Définir l’économie dans 10 ans, compte tenu du changement climatique, est une réflexion qui manque encore largement de maturité, d’autant que le champ des possibles est immense. La transformation de la société est du même ordre que celui de la révolution industrielle. Pour la première fois il faut passer d’une énergie, fossile, très efficace à une énergie qui l’est moins. Par le passé, l’énergie d’après était plus efficace (plus de puissance dans un volume réduit). C’est cela qu’il faut repenser.
Se développe alors la perception que l’innovation sera le meilleur moyen de faire face à ce changement. Si l’on pouvait trouver une série d’innovations permettant finalement de ne pas s’écarter trop de notre façon d’être actuelle, ce serait parfait !!!!
Il y a trois grands types d’innovations.
1 – L’efficacité énergétique
L’économie sera différente car l’efficacité énergétique avec moins d’énergie fossile sera moindre. Rappelons que dans ses perspectives 2023, BP indique que la part des énergies fossiles dans la consommation primaire d’énergie doit passer de 80% à 20/30% en 2050. Dans le même temps, la part des énergies renouvelables devra augmenter de façon spectaculaire.
Il faut donc innover pour permettre d’améliorer les systèmes énergétiques qui n’utiliseront pas les énergies fossiles.
Il faut aussi réfléchir sur tous les sources de substitution aux énergies fossiles. De nombreux biens résultent de leur utilisation, du plastique aux transports, à la sidérurgie et à la construction. Sur ces points il faudra être imaginatif. Les récentes rencontres sur le plastique suggèrent que de larges améliorations doivent être faites pour ne plus autant dépendre du pétrole.
La première source d’innovation porte sur l’efficacité énergétique des énergies renouvelables et celles à venir (hydrogène).
2 – La captation du carbone
Elle revêt deux aspects : l’un capte le carbone de l’air (DAC ou Direct Air Capture), l’autre capte les émissions de carbone à la source, dans les usines notamment (CCS ou Carbon Capture and Storage).
Ces deux techniques sont encore au stade expérimental.
La captation du carbone dans l’air (DAC) ressemble à un gros aspirateur permettant de capter le carbone (le CO2 dans l’atmosphère est très diffus puisque c’est seulement 420 particules par million de particules d’air soit 0.04% de l’air).
Il y a actuellement 18 installations qui utilisent cette technologie. 10 000 tonnes de carbone par an sont captées actuellement (la grosse installation d’Islande dont on a beaucoup parlé capte les émissions annuelles de 700 voitures).
L’objectif est 60 millions de tonnes à la fin de la décennie (Agence Internationale de lEnergie). Le DAC peut s’opérer de deux façons soit en produisant des éléments solides soit des éléments liquides. Les US investissent beaucoup et les entreprises US aussi.
Une usine pouvant capter 1 million de tonnes devrait ouvrir à la fin de l’année aux US et une de 500 000 tonnes en Chine vient d’entrer en fonction.
Cette technologie est très chère puisque c’est entre 600 et 1000 dollars la tonne. L’objectif est de tendre vers 100 et 300 USD.
La captation du carbone sortie d’usine (CCS) est LE moyen pour récupérer le carbone émis de façon efficace. L’objectif est de capter et de stocker 1.3 milliards de tonnes de CO2 par an d’ici 2030. C’est 30 fois plus qu’en 2022. Mais c’est une technique essentielle car les cimenteries et les aciéries sont de gros producteurs de carbone et l’on ne se passera ni de l’un ni de l’autre rapidement. Il faut donc que ces activités continuent de fonctionner sans émettre. C’est l’objet de la récupération du carbone via le CCS.
Cette captation du carbone est un élément essentiel pour réduire les émissions de carbone dans l’atmosphère. Ce sera aussi une source majeure pour la fabrication de carburant synthétique. Le carbone serait ainsi recyclé presque éternellement (sic)
Une remarque complémentaire :
Cette captation du carbone vient en complément des puits de carbone naturels que sont les océans et les forêts. Mais avec le réchauffement climatique ces captations naturelles fonctionnent moins bien.
Le réchauffement des océans, conséquence du réchauffement climatique, réduit la capacité des océans à capturer du carbone. Les forêts sont moins efficaces. En Amazonie, des régions entières sont émettrices de carbone alors que la forêt est normalement une source majeure d’absorption. La forêt française est aussi en très mauvaise état. Dans un article des Echos, Christian de Perthuis indique que la forêt française absorbait, en net, 50 millions de tonnes de CO2 par an en 2000. Elle n’en absorbe plus que 17 millions. Les innovations doivent aussi se faire dans la gestion de l’existant et du quotidien.
Les DAC et CCS doivent donc aussi compenser la dégradation des puits de carbone naturels.
3 – La géo Ingénierie
Le dernier point est la géo-ingénierie. L’idée géniale est de détourner les rayons du soleil pour que ceux-ci ne réchauffent plus la planète.
L’objectif est d’envoyer dans l’atmosphère des particules pour changer la trajectoire des rayons et ne plus contribuer au réchauffement de la terre.
Des travaux sont en cours au MIT et les premières expérimentations ont commencé sur une échelle réduite. (Pour une étude récente sur ces points voir le rapport de l’UNEP (UN Environment Program)
Cela pourrait alors signifier que sur une base régulière, il faudrait envoyer des sels réfléchissants dans l’atmosphère pour maintenir la capacité et l’efficacité de cette carapace. Cela fait en outre l’hypothèse que tout le monde contribue et que tout le monde est d’accord. Le risque majeur est un raté, parce que la fusée n’est pas partie ou parce que deux grands pays ne s’entendent plus. Un raté se traduirait par une montée en flèche des températures.
Le choc pourrait alors être terrible car une telle solution de protection serait une incitation à ne pas faire grand-chose pour changer de comportement.
Le réchauffement climatique est là, la transition énergétique est nécessaire pour que l’environnement reste viable.
L’innovation est nécessaire pour améliorer l’efficacité des énergies existantes et à venir, elle est essentielle pour capter le carbone que ce soit via le DAC ou le CCS. Néanmoins, le réchauffement climatique ne permettra pas l’économie d’un changement de comportement. Car ces techniques innovantes sont à venir.
Il faudra éviter d’attendre les technologies qui suppose une action collective mondiale permanente. Elle parait peu viable.
Pour illustrer le défi, notons que la France a réduit ses émissions de GES de 1.8% par an depuis 1990. C’est remarquable. Mais pour se caler sur l’objectif fixé de -55% en 2030 par rapport à 1990 il faudrait faire -5% par an d’ici à 2030. Les innovations qui seront mises en œuvre à cette date ne sont pas suffisantes pour converger vers cette trajectoire. Il faut changer, changer nos comportements et continuer d’innover pour faciliter et accentuer la transition.