Je ne crois pas au parallèle entre la crise des années 30 et celle que nous observons depuis 2007/2008. Les réactions ont été différentes parce que les contraintes et les expériences l’étaient aussi.(voir les différences de comportements de l’économie US ici)
Lors de la crise de 1929, le système monétaire international se caractérisait par un système de change or au sein duquel chaque monnaie se définissait par son poids d’or. Ce cadre a limité la capacité d’adaptation de chacun des pays lorsqu’il a fallu réagir au choc, notamment sur le plan monétaire; chaque pays souhaitant maintenir sa parité. L’incapacité à intervenir rapidement et en profondeur a été la source majeure et essentielle de propagation internationale et de persistance du choc initial.
En Septembre 1931, le Royaume Uni est sorti de ce système de change. Les Etats-Unis ont suivi en avril 1933 et la France et le bloc or n’a retrouvé ses degrés de liberté qu’en 1936.
La reprise de l’activité s’était faite aussi suivant cet ordre. Ce signal de sortie de la contrainte monétaire a aussi été celui de la reprise de la croissance. L’Europe continentale avait été plus longue à rentrer dans la crise, elle a été aussi beaucoup plus longue à en sortir. En est elle vraiment sortie avant la guerre d’ailleurs? (Sur ces points voir “Elusive Stability” et “Golden Fetters” deux livres de Barry Eichengreen ou “Lessons from the Great Depression” de Peter Temin)
Durant la crise actuelle, les contraintes n’ont pas été pas du même type. Il n’y a avait pas de système de change-or contraignant les politiques monétaires. Cela a permis l’adoption presque immédiate de stratégies très accommodantes de la part des banques centrales occidentales.
Dès la 16 décembre 2008 le taux de référence de la Fed a chuté dans l’intervalle [0; 0.25%] et dès le 5 mars 2009 celui de la Banque d’Angleterre tombait à 0.5%. La BCE ne convergera vers le taux de 0.5% que lors de sa réunion du 8 mai 2013 et vers 0.25% que lors de la réunion du 13 novembre 2013.
Ce décalage spectaculaire est-il le signal d’une analyse erronée de la crise en Europe tout au long de ces années? On peut s’interroger au regard du différentiel de croissance et d’emploi entre les 3 pays ou zone géographique.
Le parallèle avec la crise des années 30 s’observe par la sortie de crise mesurée par le relâchement des contraintes monétaires. Elle se fera selon la même hiérarchie qu’à l’époque.
La Banque d’Angleterre a clairement indiqué que la hausse de son taux de référence se ferait dans un temps fini, indiquant ainsi qu’elle retrouvait une capacité à croitre bien supérieure à celle constatée durant la crise. Dans les minutes des dernières réunions de son comité de politique monétaire; il est question déjà de hausse des taux d’intérêt (voir ici page 11 Alinéa 36). Martin Weale, membre du comité de politique monétaire, allait même jusqu’à préciser la période du printemps 2015 (voir ici l’article du Guardian)
Les Etats-Unis suivront avec un décalage puisque dans un premier temps c’est la réduction des achats d’actifs qui est prioritaire. La Fed ne veut pas prendre le risque d’aller trop rapidement (voir ici les minutes de janvier 204 pages 14 et 15). Les minutes de la dernière réunion en témoignent.
La zone Euro ne remontera ses taux d’intérêt que beaucoup plus tard. Mario Draghi s’est engagé sur des taux taux d’intérêt qui resteraient bas ou plus bas encore pendant encore très longtemps (voir ici dans la deuxième partie du premier paragraphe “We firmly reiterate our forward guidance. We continue to expect the key ECB interest rates to remain at present or lower levels for an extended period of time”).
C’est ce retard systématique et le report de mesures fortes et profondes en Europe continentale qui posent problème. Est ce une analyse insuffisante de l’ampleur de la crise? ou est ce le sentiment que les pays anglo-saxons agissant plus vite et plus brutalement, par nature, permettront ainsi un rééquilibrage à moindre frais?
Cela fonctionne assez bien si la récession n’est qu’un choc temporaire et n’a pas de persistance.
En revanche, si elle a de la persistance, comme dans les années 30 et maintenant, alors l’Europe prend du retard et n’arrive pas à retrouver une croissance rapide. Je ne pense pas que ce comportement soit très différent depuis l’adoption de l’Euro. La reprise des années 80 en Europe, reflétait notamment, l’effet de contagion de la relance Reagan et l’impact du contre-choc pétrolier sur l’activité globale. L’Europe continentale en avait largement bénéficié.
On a souvent évoquer la question de l’autonomie de la croissance économique tout au long de cette crise, de sa nécessité pour conserver sa capacité de choisir mais aussi la difficulté à y parvenir. La dimension monétaire de ce retard que l’on notait dans les années 30 est toujours là. Les conditions monétaires ont été permissives bien après les américains et bien après les britanniques. La crise se prolongera dans le temps bien au delà de ce qui sera observé dans ces deux pays.
C’est peut être cela, cette incapacité à être autonome, qui est le vrai souci de l’Europe et de la zone Euro.