Synthèse d’un interview à Radio Télévision Suisse
Jusqu’à présent, les effets sont encore modérés. Plusieurs raisons à cela. Les annonces récentes de Donald Trump inscrivant les droits de douane à 18.3 % (Source Yale Lab) ne prendront effet que le 7 août. Les entreprises ont importé de nombreux produits avant que ces droits n’augmentent. Leur écoulement prendra du temps avant d’avoir un impact sur les prix. Les ménages aussi ont modifié leur dynamique d’achat, notamment sur l’automobile.
Les taxes douanières vont renchérir les produits entrants aux États-Unis. La répartition des charges associées va s’inscrire dans la durée. L’entreprise exportatrice aux USA, le grossiste et le détaillant peuvent vouloir absorber une partie des charges avant de les faire porter sur le consommateur qui sera in-fine le grand perdant. Cette distribution dans le temps et entre les différents acteurs n’est pas encore clairement perceptible. C’est une explication de l’absence d’accélération de l’inflation. Mais, on perçoit qu’un ajustement aura lieu. Ainsi, dans l’automobile, les taxes (50%) sur l’acier et l’aluminium supportées par les constructeurs s’inscriront à terme dans les prix pour maintenir la profitabilité des entreprises. Les hésitations de la Fed en découlent.
La demande va être pénalisée par ces ajustements haussiers et il peut être estimé qu’à la fin 2026, l’impact négatif sur l’activité serait de l’ordre de 1 % par rapport à un scénario sans droits de douane. Ce n’est pas négligeable. Les rentrées fiscales associées aux droits de douane ne bénéficieront pas à tous les ménages puisque à venir, la réduction des aides sociales n’apparait pas négociable alors que les impôts des plus fortunés seront réduits. Les droits de douane ne vont pas réduire les inégalités dans la société américaine.
Un autre aspect intéressant porte sur l’investissement des entreprises. Lors de la mise en œuvre de l’Inflation Reduction Act par Joe Biden, en aout 2022, une hausse significative des dépenses de construction d’usines avait été constatée. Depuis l’été 2024, la tendance haussière est brisée. L’incertitude sur la politique économique incite les entreprises à davantage de prudence.
Qui sont les gagnants ?
Les entreprises de réseaux ; dans la discussion sur le deal avec l’Union Européenne, il n’a pas été question de la taxe sur les GAFAM. Elles pourront continuer à fonctionner sans être pénalisées.
Vu avec les yeux d’un Européen, le secteur militaire sera gagnant. Les pays de l’UE se sont engagés à augmenter leurs dépenses militaires et donc, pour des raisons de capacité, à acheter du matériel américain.
Cela renforcera le complexe militaro-industriel qui avait déjà fait la force des Américains dans les années 1950/1960.
Les Etats-Unis ont cassé le système des échanges internationaux en modifiant profondément les règles. Il faudra le reconstruire autrement, peut être sans eux.