Le numéro 2 du FMI, Dan Katz, s’était fait remarquer en avril 2024 avec un discours très violent sur les institutions, telles que le FMI et la Banque Mondiale, qui devaient être réservées aux pays occidentaux. La Chine était explicitement nommée comme ne devant pas participer aux travaux de ces deux maisons. C’est une forme de casus belli qui accroît la volonté de l’Empire du milieu à développer sa propre structure institutionnelle. Les Brics, la réunion de Shanghai fin août dernier sont des ballons d’essai.
Cette question n’est pas anecdotique. Les institutions ont contribué à réduire les déséquilibres avec un rôle important notamment pendant la grande récession de 2008/2009. Le FMI et le G20 nouvellement créé avaient permis de discuter des solutions à mettre en œuvre pour faire face à la plus grande crise depuis celle des années 30. L’action concertée avait finalement bien fonctionné. On notera aussi que le G20 n’est plus considéré par Washington comme une institution importante en faisant l’impasse, pour l’ensemble des représentants américains, de la dernière réunion de Prétoria en Afrique du Sud des 22 et 23 novembre dernier.
Les institutions se définissent par un certain nombre de règles qui fixent les relations entre ses différents membres. En facilitant les échanges économiques mais aussi d’informations, elles aiguisent la dynamique de l’activité et la croissance. C’est pour cela que cette remise en cause par la Maison-Blanche est préoccupante.
Pourtant, ce mouvement de séparation va s’accentuer.
Le dernier rapport de l’Unctad (UN Conference on Trade and Development), publié début décembre, montre un rééquilibrage des échanges entre le Sud et le Nord pour reprendre la terminologie un peu vieillotte du rapport.
Rééquilibrage progressif dans les échanges de biens où les échanges Sud-Sud représentent 25.7% des transactions contre 10%, 10 ans plus tôt. Progression rapide des échanges de services avec un poids qui représente 30% des transactions sur les services.
Le point majeur est l’importance désormais des Investissements Directs Etrangers (FDI) dans la dynamique globale. Les FDI Sud-Sud (d’un pays du sud vers un autre pays du sud) étaient de 9% en moyenne sur 2000-2004. Ils représentent 32% des FDI mondiaux sur la période 2020-2023. A titre de comparaison, les FDI Nord-Nord sont à 36% (69% en 2000-2004) et ceux du Nord vers le Sud représentent 26% (14% en 2000-2004). Cela fait 58% des flux de FDI qui vont au Sud. Cela change forcément la façon de réfléchir sur l’évolution de la croissance et des marchés à venir.
La Chine surtout et l’Inde ont un rôle majeur dans l’ensemble de ces chiffres. Cependant, cela valide une architecture mondiale qui évolue rapidement et qui ne laisse plus le monopole aux pays du Nord.
Cela légitime l’idée d’institutions portées par le Sud mais au risque de pénaliser la croissance globale par confusion des règles. Le monde diverge.
