En abaissant le taux de refi à 0.05% Mario Draghi a clairement indiqué que les taux de la BCE avaient atteint leur limite basse. Le taux des facilités de dépôt a été abaissé à -0.2% et celui des facilités de prêts à 0.3%.
La première conséquence de cette mesure est l’aplatissement attendu de la courbe des taux Euribor. La courbe des taux monétaire qui était à un niveau très réduit va encore s’aplatir pour se caler sur le taux refi de 0.05% au moins pour les échéances les plus courtes (3 mois). L’effet attractivité sur l’euro va baisser radicalement.
Cette première mesure forte a pour objet d’ancrer encore davantage les anticipations de taux d’intérêt très bas très longtemps.
La deuxième mesure annoncé est l’achat d’ABS et de covered bonds à partir de modalités qui seront définies lors de la réunion du 2 octobre.
Il faut voir dans ces mesures deux éléments clés:
Les achats d’ABS et de covered bonds vont permettre de réduire les risques contenus dans les bilans bancaires. Le champ d’application sera plus large que celui des opérations de TLTRO annoncées le 5 juin (voir ici). En phase avec les orientations prises à Jackson Hole, la BCE réaffirme sa volonté de faciliter le redémarrage du crédit et donc de la demande interne. Cela se traduira par un transfert de risque du système bancaire vers la BCE. Comme le financement de l’économie dans la zone Euro passe par les banques alors la BCE joue le rôle de prêteur en dernier ressort en transférant le risque. (A Jackson Hole Draghi regrettait de ne pas pouvoir intervenir sur l’ensemble des actifs y compris les dettes d’Etat (voir ici)).
L’autre point est que la BCE cible ainsi une impulsion en provenance de l’extérieur. D’abord en pesant sur les anticipations de taux d’intérêt et sur la structure des taux d’intérêt monétaires, elle réduit l’attractivité de l’euro (c’est parce que la baisse du taux refi pèsera sur cet aspect d’attractivité via la courbe monétaire que la mesure a été prise). Ensuite, en achetant des titres, la banque centrale va gonfler durablement son bilan. Sur la période récente, elle avait plutôt mis en œuvre des opérations temporaires (les deux gros LTRO de fin 2011 et fin 2012 mais aussi le TLTRO ont des échéances), ce ne sera pas le cas avec les ABS et les covered bonds. Le bilan de la BCE sera durablement plus gros, Draghi indiquant même vouloir revenir sur le niveau de 2012 (voir graphe ci-dessous).
Le supplément d’euros disponibles après la création durable d’euros via ses opérations devrait faire baisser la monnaie européenne. Le moindre intérêt de la monnaie européenne affaiblira les flux vers la zone Euro et dégonflera le solde excédentaire du compte courant de la zone Euro.
En d’autres termes, Draghi table sur un changement de profil de l’euro contre les autres monnaies afin de créer un avantage comparatif qui sera favorable à l’activité. L’amélioration des conditions de financement interne permettra à la dynamique interne de profiter de cette impulsion et de prendre le relais. C’est comme cela que j’interprète la hausse de la croissance en 2016 à 1.9% au lieu de 1.8% en juin.
Si cela n’est pas suffisant, parce que la politique budgétaire ne prend pas le relais comme il l’avait souhaité à Jackson Hole alors on ne peut exclure un QE plus classique.
Mario Draghi et la BCE veulent prendre le taureau par les cornes car ils sont inquiets de l’absence de croissance, de l’absence d’inflation, de l’absence de créations d’emploi et d’un activisme réduit des gouvernements. La BCE doit prendre les choses en main par dépit.