Avec Aline Goupil Raguénès
La deuxième opération d’apport de liquidités par la Banque Centrale Européenne (BCE) a été d’un montant de 129.8Mds d’euros.
Ce sera très insuffisant pour ne pas imaginer la mise en place de nouvelles mesures dès le 22 janvier date de la prochaine réunion de la BCE.
Deux remarques avant d’analyser cette opération:
1 – La BCE a deux instruments d’intervention: ses taux d’intérêt et les apports de liquidités. Son taux de référence est aujourd’hui à 0.05%, il ne baissera plus. Pour que sa politique monétaire soit plus accommodante, la BCE doit apporter davantage de liquidités. Elle s’est engagée pour juin 2016 à faire converger vers le niveau de mars 2012 le montant de son bilan; soit environ 1 000 Mds d’euros. La raison de cet objectif est d’infléchir rapidement et dans la durée les anticipations d’inflation afin de réduire le risque d’entrer effectivement en déflation.
2 – Les mesures d’apport de liquidités de la BCE sont temporaires. Les banques apportent des actifs contre des liquidités pour une durée finie. Ces banques peuvent sur certaines opérations rembourser plus rapidement que ce qui était prévu initialement. C’est une différence majeure avec la Fed où les opérations d’apport de liquidités via les différents QE se sont faites par des achats d’actifs et non par des mesures temporaires.
Ces deux éléments fixés on peut revenir sur l’opération de politique monétaire.
Celle ci, le 11 décembre a permis un apport brut de 129.8 Mds. Avec l’opération du 18 septembre qui avait apporté 82.6 Mds, le montant des deux premières opérations de TLTRO ne se monte qu’à 212.4 Mds ce qui est loin de l’objectif de 400 Mds indiqué par les autorités monétaires européennes lors de l’annonce le 5 juin 2014 (voir ici 6ème paragraphe)
Cependant, la BCE avait mis en place des opérations d’apport de liquidités en décembre 2011 et février 2012 pour une durée de 3 ans. Elles arrivent à échéances le 29 janvier 2015 et le 26 février 2015 respectivement.
Pour l’échéance du 17 décembre, sur ces deux opérations les banques vont rembourser 39.8 Mds. Cela veut dire que l’apport net de liquidités au système bancaire n’est plus que de 129.8 – 39.8 soit 90 Mds d’euros.
Lors de l’opération du 18 septembre dernier l’apport brut de liquidités avait été de 82.6 Mds mais en net, après remboursement, le montant n’était plus que de 47.9 Mds.
Le montant de 39.8 Mds est élevé pour 2 raisons.
La première parce que les opérations de remboursement n’auront pas lieu du 23 décembre au 14 janvier en raison du passage de fin d’année.
La deuxième est que les deux opérations arrivant à échéances le 29 janvier et le 26 février ont encore des montants substantiels qui devront être remboursés. Pour la première les banques devront rembourser 91 Mds en 4 échéances compte tenu des congés soit 22.8 Mds par échéance. Pour la seconde opération, le montant est de 154.1 Mds en 8 échéances soit 19.3 Mds par échéance. En cumulant les deux le montant serait de 42 Mds pour chacune des 4 prochaines échéances soit 168 Mds, il restera encore près de 80 Mds à répartir sur les 4 échéances suivantes.
Le montant des apports de liquidités par l’opération du 11 décembre, les 90 Mds nets évoqués plus haut, seront absorbés par ces 168 Mds.
Si l’on calcule à partir du 11 décembre les apports et les remboursements de liquidités on arrive à un solde négatif de -155.1 Milliards d’euros.
Les autres opérations d’apport de liquidité mises en place par la BCE depuis le mois d’octobre via les achats d’obligations sécurisés et d’ABS ne sont pas pour l’instant à la hauteur. Le montant des obligations sécurisés acheté n’est que de 20.9 Mds au 5 décembre et pour les ABS le chiffre n’est que de 601 millions à la même date.
Cela veut dire que le bilan de la BCE va baisser fortement et revenir à un niveau inférieur à celui qui était observé lors des annonces non officielles de septembre et octobre (évoquées dans les Q&A) et officielle du 6 novembre (ici lignes 5 et 6).
Si l’objectif pour l’autorité monétaire est de revenir au niveau de mars 2012 ce sera après ces opérations un peu plus de 1 000 Mds. Il faudra aller très vite puisque l’échéance est à la fin du mois de juin 2016.
Que faire?
1 – Les nouvelles opérations trimestrielles de TLTRO à partir de mars 2015 et jusqu’en juin 2016 seront insuffisantes compte tenu de la faible progression du crédit (le net des crédits hors crédits résidentiels sera pris en compte dans le montant des liquidités dont pourront bénéficier les banques).
2 – La BCE peut accélérer ses opérations d’achats d’obligations sécurisées et d’ABS. Pour l’instant au rythme hebdomadaire observé depuis le début de l’opération, le montant acheté à fin juin 2016 ne serait que de 245 Mds soit 265 Mds en prenant en compte les achats déjà effectues.
Pour l’instant le montant des ABS (601 millions) n’est pas significatif.
3 – De nouveaux instruments devront être mis en œuvre pour satisfaire à l’objectif fixé d’augmentation du bilan pour lutter contre le risque de déflation. L’achat d’obligations corporate n’est probablement pas une bonne idée car le papier est insuffisant. Il restera les achats de dette souveraine.
Au regard de l’échec ou de l’insuffisance des instruments déjà utilisés, la BCE devra mettre en place un QE sur dette souveraine. Le mieux, toujours pour satisfaire à l’objectif de taille du bilan, est de commencer rapidement.
En prenant en compte les remboursements à venir sur les deux anciens LTRO et en intégrant les achats à venir d’obligations sécurisés (au rythme actuel) alors le programme d’achat serait de 11.6 Mds hebdomadaire en annonçant l’opération lors de la prochaine réunion de la BCE le 22 janvier et de 12.6 Mds par semaine si l’annonce est faite à la réunion suivante le 5 mars. Ces montants ne prennent pas en compte les achats d’ABS ni les 6 opérations de TLTRO qui auront lieu trimestriellement de mars 2015 à juin 2016.
La mise en place le plus rapidement possible de ces nouvelles opérations est nécessaire pour ne pas laisser s’instiller encore davantage de doute du côté des investisseurs quant à la détermination des autorités monétaires européennes de lutter contre le risque de déflation. La baisse très rapide des anticipations d’inflation contenues dans les taux d’intérêt allemands devrait permettre de convaincre très vite la Bundesbank.