Les disputes sur la politique économique à mener sont le quotidien des relations franco-allemandes. Les français souhaitent davantage de relance budgétaire pour favoriser l’expansion de l’activité alors que pour les allemands cette relance budgétaire ne favorisera ni l’innovation, ni le progrès technique qui sont les sources intrinsèques de la croissance.
Les horizons économiques ne sont pas similaires des deux côtés du Rhin.
Plutôt court en France où l’objectif est de recaler la trajectoire de l’économie sur un profil de croissance élevé. Plus long en Allemagne où l’élément clé est la détermination de la trajectoire de long terme avec l’hypothèse que l’économie convergera spontanément vers celle-ci.
Des modèles de croissance distincts
La dynamique de la croissance de chacun des deux pays est différente. La vision divergente de la politique économique en résulte.
Pour appréhender ces différences j’ai décomposé le PIB en une composante de dépenses privés (consommation des ménages plus investissement des entreprises et des ménages), une composantes dépenses gouvernementales et une composante demande externe.
J’ai calculé la contribution de chacune de ces composantes à la croissance trimestrielle du PIB. J’ai ensuite cumulé chacune de ces contributions en prenant comme point de départ le démarrage de l’euro au premier trimestre 1999.
Les deux graphes qui suivent montrent le profil français d’abord puis le profil allemand
En France, le profil du PIB est déterminé par la demande interne privé..
En Allemagne, le commerce extérieur est aussi important que la demande privée.
Le profil du PIB français est conditionné par la demande privée. C’est elle qui modèle le profil du PIB. Les dépenses du gouvernement ont un impact linéaire sur l’activité française. Le commerce extérieur a une contribution négative sur l’ensemble de la période même si plus récemment le la contribution s’est stabilisée..
Le profil du PIB allemand est lui conditionné par la contribution du commerce extérieur et à part égale par la demande privée. La demande publique est beaucoup plus réduite que ces deux premiers facteurs.
Divergence: La France s’appuie sur la demande interne et l’Allemagne sur la demande externe
En Allemagne la dynamique des exportations est la clé du modèle….
En allant chercher des marchés dynamiques (les émergents par exemple notamment l’Asie), l’Allemagne se garantit une impulsion forte sur son économie. Ce choc en provenance de l’extérieur se transforme en production et se diffuse ensuite en emplois et en revenus. La source d’impulsion provient de la capacité de l’Allemagne à capter des marchés dynamiques à l’exportation.
En France, le commerce extérieur n’est spontanément pas une source d’impulsion forte et persistante pour la croissance.. La demande privée est l’élément clé. C’est elle qui conditionne le profil du PIB.
…mais des difficultés lorsque le commerce mondial piétine
Pour l’Allemagne la difficulté surgit lorsque les échanges mondiaux progressent lentement. L’impulsion sur l’activité est alors plus réduite. Depuis 2011 le profil du commerce mondial est moins dynamique, cela ne favorise pas l’économie allemande et de façon plus récente le dynamisme moindre de l’Asie (via la Chine) est un handicap conjoncturel outre-Rhin.
Pour retrouver une activité plus robuste, il faut que l’Allemagne renforce son marché intérieur pour compenser la faiblesse du commerce extérieur. Une hausse des salaires ou une politique budgétaire plus volontariste (investissement en infrastructure) pourraient avoir cet impact positif. De telles mesures devront être prises si la croissance globale ne retrouve pas une allure plus robuste.
En France, l’activité est conditionnée par la demande interne privée. Or depuis 2011, celle ci se contracte. Les dépenses de l’Etat compensent et servent de soutien à la croissance. L’enjeu de la politique économique est de relancer la demande privée (c’est l’enjeu du pacte de responsabilité via l’investissement des entreprises) tout en maintenant une politique budgétaire accommodante afin de ne pas déprimer la croissance à court terme. Cependant on peut aussi imaginer que la dépense publique excessive puisse déprimer le dynamisme de la demande privée. Le jeu politique en France est ici sur la priorité qui est mise par les uns ou par les autres.
L’activité mondiale manquant de dynamisme, l’homogénéité limitée des modèles de croissance est pénalisant.
Les ressorts qui avaient porté l’Allemagne ne seront plus aussi robustes.
En France, le recours à la dépense publique touche ses limites.
Les deux modèles ne sont plus aussi opérationnels que par le passé. C’est pour garantir l’autonomie de croissance de la zone Euro qu’il faut mettre en place une dynamique commune et partager des objectifs. Cela passe notamment par une politique budgétaire intégrée et commune afin d’améliorer la coordination et la coopération. Cela permettra de lisser les particularisme dont on a vu qu’ils pouvaient être importants et fixer ainsi un objectif commun tant économique qu’institutionnel.
Ce qui est évoqué ici doit être étendu au-delà de l’Allemagne et de la France. L’Italie et l’Espagne ont un profil de croissance plus proche de celui de la France que de celui de l’Allemagne.
La leçon des années d’avant crise est que l’hétérogénéité des politiques budgétaires avec une monnaie commune n’est pas tenable. La dynamique budgétaire commune que j’évoquais doit être entendue à l’échelle de la zone Euro pour éviter les comportements divergents. L’environnement international peu porteur doit aider à la réalisation d’un tel objectif et finalement à consolider la construction de la zone Euro.
C’est dans la réalisation de cet objectif commun que la France, l’Allemagne et les autres pays membres pourront s’entendre dans la durée.