Verbatim de ma chronique du jour
La hausse des taux d’intérêt obligataires suggère que la situation de la zone Euro se normalise et que les zones d’ombre sur l’économie se sont estompées très rapidement. Cette remontée des taux d’intérêt suggère que 3 mois d’intervention massive de la BCE via son opération d’achat d’actifs auront suffi pour remettre en bon ordre de marche l’économie de la zone Euro.
N’est ce pas un peu rapide ?
En d’autres termes, l’économie de la zone Euro est elle sur la voie qui se traduirait rapidement par des tensions fortes sur son appareil productif incitant alors la BCE à durcir le ton rapidement ? Car elle est là la question.
Lorsque l’on regarde les taux implicites sur les contrats Euribor 3 mois pour les échéances 2017 ou 2018 on constate qu’il y a déjà des attentes de taux d’intérêt bien plus élevés que ceux que l’on relève aujourd’hui. Cela me parait largement excessif à ce stade du cycle.
A la fin de l’année 2014 l’économie de la zone Euro se caractérisait par une croissance nulle depuis le 1er trimestre 2011 et une reprise lente démarrant au début de l’année 2013. Elle se caractérisait aussi par une inflation très faible qui avait incité la BCE à s’interroger sur le risque de déflation, précipitant ainsi la mise en œuvre du programme d’achat d’actifs.
Est ce que 5 mois après et quelques chiffres rassurants sur l’activité économique il faut en conclure que l’économie est désormais suffisamment solide et qu’elle s’est calée sur une trajectoire robuste qui permettra de retrouver de la croissance et un rythme d’inflation plus élevé. On le souhaite tous mais il me semble que la vision que reflète les marchés de taux d’intérêt est un peu trop déterministe, comme si la convergence vers cette trajectoire se faisait sans risque aucun.
Ceci me parait excessif car il existe encore de nombreuses zones d’ombre. L’inflation reste faible et même si la BCE a révisé ses prévisions en territoire positif pour 2015 à 0.3% ce chiffre est encore très loin de l’objectif de 2%. L’inflation sous-jacente qui s’est accélérée en mai à 0.9% pour des raisons calendaires ne va pas rester à ce niveau car les pressions salariales sont encore réduites et les tensions sur l’appareil productif insuffisantes pour changer durablement de profil.
Il faudra, pour y voir plus clair sur la conjoncture, que l’investissement accélère durablement partout dans la zone Euro. Ce sera cela le catalyseur d’un changement d’état sur le profil et la trajectoire de la zone Euro.
En outre rappelons que la situation économique mondiale reste médiocre et que le commerce mondial ne progresse pas. Il est donc souhaitable que la zone Euro se donne les moyens de trouver une croissance plus autonome. Cela ne passe pas par la multiplication des contraintes notamment via la hausse des taux d’intérêt et l’idée d’une politique monétaire moins accommodante dans un futur proche.
N’ayons pas une vision déterministe de l’économie comme si tout était joué désormais. Rappelons sur ce point que ces mêmes marchés étaient persuadés que les politiques d’austérité étaient bonnes pour la croissance et que la réduction rapide des déficits publics était la clé pour retrouver de la prospérité. La longue récession de la zone Euro leur a donné tort. Ne retombons donc pas dans les mêmes travers en imaginant que la zone Euro est sortie d’affaire.
Il faudra encore du temps et la stratégie de la BCE s’inscrit dans la durée pour effectivement permettre à la croissance de revenir mais n’allons pas trop vite en besogne. Les choses devraient s’arranger dans les mois qui viennent car le programme d’achat d’actifs de la BCE va aller bien au-delà des émissions qui seront faites par les Etats de la zone Euro et cela devrait permettre de remettre les taux d’intérêt obligataires à un niveau plus cohérent avec la croissance, l’inflation et l’incertitude qui entoure encore la zone Euro.