Ce post est disponible en version pdf Hebdo – PW – 10 Septembre 2018
Qu’est ce qui a changé radicalement la semaine dernière ?
Le principal changement est en Italie avec une allure différente sur les taux d’intérêt et un resserrement de l’écart avec l’Allemagne.
Pourquoi?
Depuis la mise en place du gouvernement de coalition, les inquiétudes portaient sur la façon dont le programme de campagne serait traité dans le budget à venir. Une réponse est attendue le 27 septembre prochain.
Jusqu’à présent, le message du gouvernement était d’être peu contraignant notamment dans le respect du seuil de 3%. C’est pour cela que l’écart de taux d’intérêt avec l’Allemagne s’était élargi très nettement ces dernières semaines. Cela inquiétait car le financement de l’économie italienne aurait été rapidement mis à mal notamment en raison de la réticence des non-résidents, qui détiennent environ 35% de l’encours de la dette, à revenir sur le marché italien après en être sortis tout l’été. Comme les italiens ne peuvent pas, ne veulent pas sortir de la zone Euro, une pression supplémentaire sur la liquidité et les taux d’intérêt aurait pu fragiliser l’ensemble du financement européen.
Cependant, la situation économique change rapidement en Italie. L’activité a nettement ralenti durant les mois d’été et l’emploi aussi a changé d’allure. L’indice Markit traduisant l’activité pour l’ensemble de l’économie a nettement décroché durant les mois d’été par rapport au même indice pour le zone Euro.
L’emploi depuis deux mois se contracte, notamment lorsque l’on fait le solde des emplois créés et perdus. Depuis l’arrivée de la coalition la trajectoire qui était très positive depuis la reprise de 2013 s’est inversée. (le troisième graphe montre le solde net des créations d’emplois par jour selon chaque gouvernement)
Pour les dirigeants italiens, cela reflète une très faible capacité de l’économie italienne à disposer d’une dynamique autonome. La hausse des taux d’intérêt déjà constatée et celle qui pourrait se profiler, en cas d’incertitude supplémentaire pour les investisseurs, pourraient être encore plus pénalisantes.
Cette faiblesse rapide de l’économie italienne et son incapacité à montrer une quelconque autonomie de croissance ont incité le gouvernement à changer de position sur le budget. Un déficit budgétaire excessif aurait un effet pénalisant sur l’économie beaucoup plus rapidement que l’impact des mesures associées au budget.
Un ralentissement trop brutal et trop fort de la croissance et de l’emploi serait susceptible de créer des dissensions entre les électeurs et le gouvernement mais aussi au sein de l’improbable coalition entre le mouvement cinq étoiles et la ligue.
Cette inflexion montre à quel point l’économie italienne est fragile et que cette fragilité contraint le gouvernement dans sa volonté de la réformer alors que la coalition a créé une véritable rupture politique. Généralement il y a une courte période pour appliquer le programme qui a porté le parti ou la coalition au pouvoir. Ce n’est même pas le cas en Italie et cette fragilité de l’économie est finalement très inquiétante pour la zone Euro compte tenu de la taille de la péninsule.
Prenons date de ce changement mais restons prudents car ce gouvernement pourrait réserver d’autres surprises et pas forcément dans le bon sens.
Quel autre point doit retenir l’attention ?
La situation économique de la zone Euro, vue à travers l’enquête Markit se stabilise depuis le printemps. Après une forte accélération en 2017, l’économie se cale sur une trajectoire plus soutenable à moyen terme. La croissance est moins rapide qu’en 2017 mais elle ne créerait pas de tensions nécessitant une intervention rapide de la BCE. Ce n’est pas plus mal.
Qu’en est-il des commandes à l’industrie allemande ?
La situation est toujours préoccupante car la dynamique des commandes de biens d’investissement est cohérente avec celle de l’investissement des pays de l’OCDE. En juillet, ces commandes se contractent de -0.25% sur un an, suggérant un ralentissement à venir de l’investissement productif. Cette inflexion serait générale puisqu’au ralentissement des commandes de biens d’équipement observé dans la zone Euro s’ajoute celui du reste du monde. Les incertitudes récentes sur les pays émergents et sur la dynamique des échanges, après les mesures prises par le gouvernement US, n’y sont pas pour rien.
Le repli des exportations n’est pas spontanément la résultante des mesures prises par Trump sur les barrières tarifaires. Le chiffre mensuel est volatil. On notera surtout que depuis un an, les exportations en volume ne progressent plus. Cela reflète le ralentissement du commerce mondial. L’impact des mesures de Trump sont encore à venir.
L’économie américaine a créé 201 000 emplois en août. C’est dans la lignée des chiffres précédents avec un taux de chômage à 3.9% (207 000 en moyenne depuis janvier). Le souci n’est-il pas l’absence de tensions sur les salaires à ce stade du cycle ? N’y a-t-il pas non plus un optimisme excessif vu à travers l’indice ISM qui touche des niveaux historiquement élevés ?
Le taux de salaire de référence est à 2.8% ou 2.9% selon la mesure suivie. C’est peu au regard des cycles précédents et ce sont des chiffres finalement très proches de ceux de l’inflation. Cela veut dire que dans le deuxième plus long cycle des Etats-Unis, les salariés finalement ne font pas ou peu de gains de pouvoir d’achat en moyenne. Il n’y en a pas eu par absence de tensions et maintenant c’est parce que l’inflation accélère. Le cycle n’est pas très vertueux aux USA. Ce qui nous préoccupe est que le profil du salaire ne suit plus celui du taux de chômage. Normalement, au regard du taux de chômage, le taux de salaire aurait dû progresser beaucoup plus rapidement que cela n’est observé.
Les chefs d’entreprise sont effectivement très optimistes. Je me suis amusé à comparer l’ISM manufacturier et l’indice calculé par la Fed de Chicago à partir de 85 indicateurs (production industrielle, emploi, revenu personnel,…). Les deux mesures du cycle sont cohérentes en général. Mais depuis quelques mois maintenant il y a un véritable décalage. L’ISM traduit certainement un optimisme excessif des chefs d’entreprise par rapport à la réalité. (voir ici)
La dégradation du solde extérieur américain (hors pétrole et en volume) est un signal de déséquilibre résultant de la politique visant à doper la demande interne des USA. Cela est préoccupant un tel déséquilibre devra être compensé par des mesures plus restrictives du côté de la Fed.