Synthèse
Le scénario central
- La dynamique de croissance reste robuste en 2022 mais s’affaiblit en raison de la fin du rattrapage de 2021 et par un support moindre des politiques budgétaires. En janvier, Omicron est pénalisant.
- L’intervention des gouvernements sera au cœur des discussions car l’économie doit retrouver de l’autonomie face aux Etats.
- L’impact de la crise sanitaire est réduit et les mesures prises permettent de limiter les risques sur la croissance.
- Le mouvement d’accélération de l’inflation constaté en 2021 s’achèvera au cours du premier semestre.
- Les taux d’inflation convergeront ensuite vers les cibles des banques centrales mais à des rythmes différents car les sources d’inflation ne sont pas identiques partout.
- Les politiques monétaires seront moins accommodantes notamment sur les achats d’actifs. La hausse des taux d’intérêt par les banques centrales concernera principalement le monde anglo-saxon. La BCE ne touchera pas au taux refi.
- Le mouvement haussier sur les taux d’intérêt de long terme s’observe en raison du changement d’attitude des banques centrales.
- Une fois ces options exercées par les autorités monétaires, les taux longs se stabiliseront.
Les risques
La désynchronisation du cycle international.
1 – Les politiques monétaires vont aller en sens opposé aux US et en Chine. Cela créera des risques sur la liquidité et de la volatilité sur les changes et les matières premières.
2 – Cette divergence s’accompagnera de tensions politiques.
La hausse du prix des matières premières alimentaires
1 – Pas encore franchement prises en compte dans les pays développés
2 – Un risque d’instabilité dans les pays émergents.
La question de l’énergie
Le prix du gaz et le rôle de la Russie
La crise sanitaire qui reviendrait.
Discussions
Dynamique de court terme – Résilience de l’activité et de l’emploi
- Le niveau d’activité mesuré par le PIB est revenu à son niveau d’avant crise à la fin 2021 dans la plupart des pays développés.
- La Chine et les US sont un peu au-dessus. Les US ont effacé la crise sanitaire. La France et la zone Euro, au T4, sont au niveau moyen de 2019.
- L’Espagne et le Japon sont en retard, l’un pénalisé par le tourisme, l’autre par une demande interne limitée.
- Cette résilience illustre l’importance de la politique économique pendant la crise sanitaire.
- La dynamique de l’emploi a été forte. En France, l’emploi salarié est désormais au-delà de son niveau d’avant crise. En Zone Euro aussi l’emploi est comparable à celui de la fin 2019.
- Aux USA, l’ajustement a d’abord été brutal avant de progressivement converger vers son niveau d’avant crise.
- La différence de comportement vient de la politique économique et de la structure du marché du travail, préventive en Europe pour mutualiser le risque, curative aux US pour réparer.
Dynamique de court terme – Profil de l’activité pendant la crise sanitaire
Dynamique de court terme – Robustesse
- Les enquêtes menées auprès des chefs d’entreprise montrent que l’activité, solide en fin d’année s’est érodée en janvier. Le regain du risque sanitaire avec le variant Omicron pénalise l’activité des services.
- Les Le rythme est moins rapide qu’au printemps mais la dynamique d’expansion n’est pas remise en cause.
- Les ménages restent plutôt optimistes en Europe mais sont davantage affectés par la remontée des taux d’incidence aux USA et surtout par l’accélération de l’inflation. L’indice de l’Université du Michigan se replie vivement depuis avril 2021 et le passage de l’inflation à 5%.
- Au sein de la zone Euro, il y a une forte divergence entre la France et l’Allemagne. L’écart reste très fort en janvier.
- En France, l’indice du climat des affaires reste fort, porté par la demande interne.
- En Allemagne, l’IFO est passé sous sa moyenne historique en raison d’une moindre impulsion des échanges avec la Chine et par le rebond de la crise sanitaire à la fin de l’année.
- Cette situation montre l’importance renouvelée de l’Europe dans la dynamique de l’Allemagne, surtout dans un contexte de polarisation économique et politique.
Les risques sur la croissance en 2022
- Le risque sanitaire va encore conditionné la dynamique de l’économie. On relève cependant que l’accélération des taux d’incidence ne se sont pas accompagnés d’une pression excessive dans les hôpitaux et que les taux de décès restent réduits
- Par précaution, les règles sanitaires continueront de s’appliquer mais l’impact macroéconomique devrait être limité.
- Le passe sanitaire a limité le risque pour l’économie en Europe si l’on suit les conclusions d’un rapport récent du Conseil d’Analyse Economique français.
- La politique budgétaire a été l’instrument essentiel pour lutter contre les conséquences négatives de la crise sanitaire sur l’économie.
- En 2022, ces impulsions seront plus réduites.
- Aux USA, les plans plus limités qu’espérés vont se traduire par une réduction du déficit public et peser sur la dynamique de la croissance.
- En zone Euro, le risque est de fluctuer entre la rigueur budgétaire rappelée cette semaine par le ministre allemand des finances et un réaménagement des critères budgétaires (France, Italie). Il ne faut pas refaire l’épisode de 2011/2012 marqué par trop de rigueur budgétaire et associé à une très longue récession.
La reprise de l’inflation
- La reprise de l’activité a provoqué d’importantes tensions au sein de l’économie. Elles se sont traduites par davantage d’inflation.
- La demande plus importante a engendré une demande de matières premières plus forte. Cela s’est traduit par une hausse des prix. Il y a à la fois un retour à la normale et une tension spécifique compte tenu des mines qui avaient pu être fermées en 2020, créant ainsi un rationnement dans l’approvisionnement. Concrètement, la hausse de l’énergie explique la moitié de l’inflation en zone Euro et un tiers aux US.
- La demande a accéléré pour trois raisons
- L’économie chinoise a rebondi fortement en début 2021, redynamisant ainsi le commerce mondial
- La réduction du risque sanitaire a éliminé une partie de l’incertitude qui pesait sur les comportements. L’horizon plus dégagé a provoqué des comportements plus volontaristes.
- La relance américaine très marqué à la fin 2020 et avec le plan Biden de mars 2021. La demande de biens a augmenté de façon spectaculaire en ampleur et en montant.
- Les stocks étant alors réduits au sein des entreprises, cela s’est traduit par des tensions, des pénuries, des engorgements, un allongement des délais de livraison et des hausses de prix.
La dynamique de la demande
- L’Asie a joué un rôle majeur dans la reprise des échanges internationaux.
- La Chine a initié le mouvement au passage de l’année 2020/2021. En 2020, les importations chinoises évoluaient peu. Les chinois exportaient beaucoup, ce qui contraignait l’activité des pays développés, mais ils importaient peu (en variation), pénalisant la croissance des pays développés. L’échange était inégal.
- La situation change avec l’accélération des importations début 2021.
- L’Europe et les US ont une contribution modeste, trop centrés sur leur propre activité.
- Outre la réduction de l’incertitude sanitaire, la très forte impulsion résulte de la relance américaine.
- Les consommateurs ont privilégié largement la consommation de biens durables au détriment des services contraints par la pandémie.
- C’est cette accélération brutale de la demande de biens qui est à l’origine des difficultés à tous les échelons de la chaine de valeur.
- En décembre, la situation se rééquilibre sous l’impact d’une inflation que la demande a créé, du renouveau du risque sanitaire et de l’épuisement des ressources distribuées. Cela devrait faciliter le rééquilibrage des systèmes de production et ralentir la dynamique de l’inflation.
Les sources de l’inflation
- L’analyse des contributions montre le rôle essentiel de l’énergie pour comprendre l’accélération de l’inflation.
- Le prix du pétrole a franchement augmenté mais aussi celui du gaz et de l’électricité. A l’automne 2021, l’absence de vent, de conditions favorables mais aussi d’une demande beaucoup plus importante (Chine) n’ont pas permis la mise en œuvre efficace des énergies alternatives et ont incité à recourir au gaz et au charbon.
- Les prix du gaz et du charbon ont été poussé à la hausse provoquant une hausse sans précédent du prix de l’électricité.
- Les deux composantes des services et des biens n’ont pas le même comportement aux US et en zone Euro.
- Outre-Atlantique, la hausse reflète principalement l’effet de la relance Biden du printemps.
- En zone Euro, les hausses traduisent les difficultés d’ajustement dans l’industrie compte tenu des rationnement. Elles reflètent aussi des ajustements de prix dans les secteurs les plus pénalisés par la crise sanitaire.
- Les prix alimentaires devraient progresser dans un futur rapproché en raison de la hausse des prix mondiaux.
L’inflation s’inscrira-t-elle dans la durée ?
- Le mouvement haussier sur les prix a principalement été constaté sur le prix des biens hors énergie. Les ménages rassurés par la réduction de l’incertitude et par les primes distribués se sont principalement rués sur les biens car les services étaient davantage contraints.
- Le prix des services est relativement stable en tendance en dépit de la hausse forte et rapide de la composante logement aux US.
- En zone Euro, le comportement lié au rationnement est assez proche de celui des US même s’il est moins marqué.
- Les indicateurs de tensions sont moins marqués.
- Le prix du fret maritime se détend (Baltic Freight Index)
- Les délais de livraisons sont encore longs mais le pic semble passé.
- L’effet “boule de neige” des entreprises qui achètent vite et beaucoup pour répondre à la demande se modère.
- Le ratio nouvelles commandes sur stocks se normalise.
- S’il y a des tensions salariales, rien, pour l’instant, n’indique de dynamique de persistance via un effet d’indexation.
- Tous les secteurs ne s’ajustent pas à la même vitesse mais l’allure générale laisse à penser que le pic d’inflation sera atteint entre le premier trimestre et le début du deuxième.
Quelles réactions des banques centrales ?
- Les politiques monétaires vont tendre à se normaliser afin de prendre en compte le retour d’un rythme d’activité proche de la période d’avant crise et parce que l’inflation a changé d’allure récemment. Les banques centrales doivent intervenir et être actives pour ne pas perdre en crédibilité.
- Cependant, la tâche est complexe puisque les banques centrales ont tendance à considérer que l’inflation ralentirait à partir du printemps.
- Dans un premier temps, la Fed et la BCE vont réduire leurs achats liés aux programmes mis en place avec la pandémie.
- Dans un deuxième temps, la Fed remonterait son taux de référence. La publication récente des minutes de sa réunion de décembre suggère un mouvement dès le mois de mars prochain, concomitant avec la fin du programme d’achat d’actifs.
- La BCE est plus mesurée. Elle continuera d’acheter des actifs mais ne parle pas de modifier ses taux d’intérêt.
- Le graphe reprend les évolutions de taux d’intérêt telles qu’elles ont été évoquées par les banques centrales.
- Ensuite, peut être avant l’été, la Fed commencerait à réduire la taille de son bilan, devenant alors beaucoup plus restrictive.
- La remontée des taux de la Fed est limitée dans son ampleur (cf. 2018).
La Fed vs la PBoC – Le choc de 2022 ?
- Les investisseurs ont été prompts à réagir. Le taux du deux ans dans un an qui est une bonne approximation des anticipations de la politique monétaire sur le marché obligataire est franchement remonté depuis l’automne.
- En revanche, les attentes sur le taux euro sont stables. Il n’y aura pas de changement rapide en zone Euro. La question est celle de la normalisation puisqu’avant la crise sanitaire, le taux de référence de la BCE était à 0% (refi) depuis le printemps 2016. Est ce le new normal ?
- Le vrai défi pour les banques centrales porte sur la désynchronisation du cycle entre les US et la Chine.
- Les premiers veulent durcir le ton alors que pour les seconds l’objectif est de devenir encore plus accommodant afin d’infléchir l’activité à la hausse et de pousser l’inflation vers la cible de 2%.
- Cette désynchronisation pourrait se traduire par une hausse du billet vert (effet du durcissement de la Fed et de l’accommodation de la PBoC) et par un effet incertain sur l’activité globale (relance a priori via la Chine mais ralentissement via les US) et sur le prix des matières premières.
- Cela devrait s’accompagner de tensions politiques importantes entre les deux grands pays. L’Europe est un peu en retrait.
Prévisions
Les hypothèses faites sont les suivantes
1 – La croissance revient progressivement sur une allure proche de celle connue avant la crise sanitaire – Cela est cohérent avec les observations faites pour les crises précédentes.
2 – L’inflation est maximale au cours du premier semestre. Les pénuries et engorgements se résorbent progressivement car l’offre s’adapte et aussi parce que la demande est moins vive, reflet d’une politique budgétaire moins agressive.
3 – Pas d’éléments de persistance de l’inflation via des hausses permanentes des salaires. Pas de facteur d’indexation des salaires sur les prix.
4 – L’inflation revient progressivement voire au-dessous de la cible des banques centrales.
5 – La Fed fait ce qu’elle a annoncé mais la BCE ne revient pas encore sur sa politique de taux 0, faute d’inflation.
6 – Dans ces conditions, les taux longs n’intègrent pas de prime d’inflation et le mouvement haussier en sympathie avec les changements des banques centrales ne s’accentuera pas en raison de la volonté de lutter contre l’inflation, notamment du côte de la Fed.