10 éléments à retenir cette semaine pour comprendre la conjoncture économique globale
Point #1 – L’économie globale continue de ralentir
C’est le message issu des enquêtes Markit à l’échelle mondiale pour le secteur manufacturier. Cela signifie que la dynamique des échanges entre pays reste très limitée réduisant ainsi la probabilité d’une reprise de la croissance. Il n’y a toujours pas de locomotive pour l’économie globale.
L’indice mondial s’est inscrit à 50 en février suggérant ainsi que l’activité manufacturière à l’échelle de la planète a fait du surplace en février par rapport à janvier.
D’une manière générale les indices convergent vers 50 pour les pays industrialisés alors que ceux des pays émergents ont tendance à s’en éloigner pour revenir en-dessous de 49.
La lecture des indicateurs de commandes ne permet pas d’imaginer un rebond rapide de l’activité manufacturière. En février l’indice s’inscrivait à 50.4 soit son niveau le plus bas depuis décembre 2012.
On ne comprend pas très bien dans ces conditions les raisons du rebond du prix du pétrole puisque l’ajustement ne viendra pas spontanément d’une hausse de la demande. L’accord récent, d’un petit nombre de pays, table sur le maintien d’une production élevé (au niveau de janvier 2016). Le gap entre offre et demande ne va pas se résorber ce qui maintiendra la pression à la baisse sur les prix avec dans le même temps une hausse des stocks.
J’ai illustré ce dernier point avec les stocks hebdomadaires aux USA (la production de pétrole a diminué de 4.7% en février 2016 par rapport au point haut de juin et est en recul de -1.1% sur un an). Le marché reste très déséquilibré et le prix devrait revenir vers USD 30.
La dynamique des pays émergents s’étiole à nouveau. L’indice des pays émergents calculé par Markit repasse sous le niveau de 49 à 48.8 et l’indice BRIC est en repli aussi sous ce niveau. Les indices russe, chinois et brésilien replongent alors que l’indice indien est stable à 51.1. Pas de reprise à attendre spontanément de ces pays.
Point #2 – Une croissance chinoise entre 6.5% et 7% en 2016
C’est l’objectif officiel pour l’année qui s’ouvre. A l’horizon 2020, la croissance de référence est à 6.5%. Le gouvernement est prêt à mettre les moyens nécessaires pour satisfaire à ces objectifs car il veut maintenir le développement rapide de la Chine.
La question est pourtant un peu plus complexe. La Chine est en phase de transition pour converger vers une économie de services et cela demande des réformes pour faciliter l’adaptation de l’économie et la réallocation des ressources. Ce mouvement de bascule est inexorable. Pourtant dans le même temps, le gouvernement favorise l’accélération de la dette chinoise dans des proportions excessives qui ressemblent un peu à une fuite en avant.
A la fin 2015 la dette totale représentait 247% du PIB et pourrait tendre vers 260% fin 2016. On voit sur le graphe ci-dessous que depuis 2009 la dynamique de l’endettement a changé radicalement.
Pourquoi est ce préoccupant? Parce que ce sont les entreprises qui portent principalement cette dette et que la transition vers une économie de services va engendrer des changements et des ruptures profondes au sein de l’économie. Il est probable, comme cela s’est vu dans d’autres économies, que durant cette transition des secteurs puissants auparavant deviennent plus fragiles. Le souci est que certains porteront une dette importante fragilisant ainsi le secteur bancaire. La rigidité vient du fait que les entreprises sont majoritairement détenues par l’Etat et que celui ci peut avoir des objectifs différents de ceux résultant de la transition vers l’économie des services.
La réduction des capacités de production dans certains secteurs industriels va provoquer des difficultés nécessitant des réallocations de ressources, d’où la nécessité des réformes. Elles le sont d’autant plus qu’il y a un endettement excessif.
Par ailleurs le taux d’inflation anticipé reste fixé à 3%. En 2015, le taux d’inflation moyen n’était que de 1.4% contre un objectif de 3%.
Point #3 – L’économie américaine continue de progresser lentement
Les enquêtes ISM et Markit pour le mois de février suggèrent une économie en croissance lente. L’indice ISM global, moyenne pondérée des deux enquêtes sectorielles (manufacturier et services) est stable par rapport à janvier. Pour l’enquête Markit, l’indice global chute en février et s’inscrit à 50.
Cela suggère une croissance entre 1 et 2%.
Point #4 – La croissance n’accélère plus en zone Euro
L’estimation définitive de l’enquête Markit confirme que l’activité en zone Euro s’essouffle en février même si le chiffre est un peu moins en repli que lors de la première estimation. Cela se lisait déjà dans les chiffres publiés par l’INSEE sur le climat des affaires et dans l’enquête IFO en Allemagne.
La BCE aura-t-elle les moyens d’inverser cette dynamique?
On constate que le profil de l’activité dans le secteur manufacturier s’infléchit. Tous les pays ralentissent même si tous à l’exception de la Grèce sont au-dessus du seuil de 50. On notera que l’indicateur allemand se replie rapidement, à l’image de l’indice manufacturier dans l’enquête IFO. Cela traduit certainement le ralentissement de la croissance en Asie et l’impact que cela a sur les exportations allemandes.
Il n’y a plus cette dynamique autonome que l’on imaginait pouvoir se mettre en place au cours de l’année 2016 et cela est très ennuyeux car cela signifie que l’économie de la zone Euro n’a pas réussi à mettre en place une croissance plus autonome susceptible de lui permettre d’amortir les chocs externes. C’est peut être cela le plus préoccupant car ce point suggère que même une politique monétaire très très accommodante ne permet pas de résoudre l’équation de la croissance. Le veto récemment évoqué par Schauble pour relance via une politique budgétaire plus expansionniste sonne le glas du retour vers une trajectoire plus solide dans la durée.
Point #5 – La zone Euro et les USA font jeu égal
Ce graphique compare l’indice ISM global pour les Etats-Unis et l’indice Markit pour l’ensemble de l’économie de la zone Euro. Les deux indicateurs restent très proches en février.
Point #6 – L’emploi s’accélère aux USA mais sans engendrer de tensions
Le nombre de créations d’emplois a été, en février, de 242 000 contre 172 000 en janvier. Sur les 2 premiers mois, le nombre moyen d’emplois créés a été de 207 000 contre 243 000 l’an dernier. Dans le secteur privé, les chiffres sont de 206 000 pour les 2 premiers mois de 2016 contre 233 000 en 2015 sur les mêmes mois. L’emploi progresse un peu moins rapidement mais sans montrer de rupture.
On voit aussi sur le graphe que les chiffres de février sont généralement très forts et que 2016 n’échappe pas à cette règle.
Le point négatif est que le travail temporaire continue de reculer en février. C’est le 2ème mois consécutif. C’est souvent un indicateur avancé de l’activité. On note d’ailleurs, dans la même logique que l’indice ISM de l’emploi est en repli rapide depuis 2 mois. Est ce un signal?
Le point positif est que le taux d’emploi augmente que ce soit pour l’ensemble de la population ou simplement pour les 25-55 ans. Il reste encore loin du chiffre d’avant crise mais il progresse désormais de façon significative.
Néanmoins, il n’y a pas de pressions salariales. Le taux de salaire du secteur privé augmente de 2.2% sur un an. C’est le haut du corridor qui avait été enregistré depuis 2010 jusqu’à Octobre 2015.
Les tensions restent limitées au sein de l’économie américaine au regard des statistiques du marché du travail même si le taux de chômage s’inscrit à 4.9% pour le 2ème mois consécutif.
Le risque d’alimenter une hausse rapide des taux d’intérêt de la Fed me parait limité.
Point #7 – L’inflation à nouveau en territoire négatif en février en zone Euro
Le taux d’inflation s’est inscrit à -0.2% en février selon l’estimation avancée. En janvier l’inflation était de 0.3%. Toutes les contributions ont reculé. Certes la contribution de l’énergie est encore plus négative mais les services et les biens manufacturés ont une contribution plus limitée. Le premier traduit certainement l’absence de tensions salariales au sein de la zone Euro alors que le deuxième facteur reflète un euro qui est stabilisé. L’effet à la hausse de l’inflation associé à la dépréciation de la monnaie européenne s’estompe car la monnaie européenne ne se déprécie plus depuis un moment.
Point #8 – Le taux de chômage de la zone Euro au plus bas depuis août 2011
Le taux de chômage s’est établi à 10.3% soit le niveau le plus réduit depuis août 2011 soit juste au moment où les politiques d’austérité ont commencé leur travail de sape sur l’activité et l’emploi.
Pour la plupart des pays le taux de chômage recule. Ce n’est pas le cas notamment de la France et de l’Italie. En France, il semble stabilisé si l’on suit les dernières indications de l’INSEE. Cela veut dire que si la croissance reste lente il faudra trouver d’autres moyens pour réduire le nombre de chômeurs. Mais a priori le blocage qui s’observe pour trouver de nouvelles solutions ne permet pas d’imaginer qu’à l’exception d’une prise en charge collective de l’emploi il n’y aura pas d’amélioration significative de ces données. L’emploi n’est pas qu’une question collective, c’est le statu quo prôné par certains, c’est généralement une affaire d’incitations microéconomiques. C’est ici aussi qu’il faut intervenir. Mais cela est toujours compliqué en France car personne ne se fait confiance.
Point #9 – Les ventes de détail progressent en janvier en Zone Euro
Les ventes de détail ont augmenté de 0.4% en janvier. C’est le 3ème mois consécutif de hausse. Sur un an, elles progressent de 2%. On voit sur le graphe l’inflexion à la hausse de l’indicateur européen
Point #10 – Le Brésil en récession profonde
Le PIB brésilien a reculé de -3.8% en 2015 et l’acquis de croissance pour 2016 à la fin 2015 est de -2.5%. Il faudra que le Brésil rattrape ce retard avant de pouvoir imaginer une croissance positive. Au regard de l’environnement global ce ne sera pas en 2016 que les Auriverde retrouveront un rythme de croissance compatible avec un rééquilibrage de l’économie.
Le risque est de s’enfoncer dans la crise avec une instabilité politique forte. Cela sera vrai de beaucoup de pays émergents et c’est un de mes points d’inquiétude en 2016 mais cela est particulièrement vrai au Brésil après les questions relatives à la corruption. Les Jeux Olympiques de l’été prochain vont franchement être sportifs.
Pour la semaine à venir
L’élément clé sera la réunion de la BCE. Mario Draghi a annoncé d’importantes mesures pour cette réunion. Chacun imagine une baisse du taux des facilités de dépôts de 10 ou 20 centimes. Autant le dire, si n’est que cela ce sera très décevant, traduisant l’impuissance désormais de la banque centrale européenne.
On disposera des chiffres de production industrielle de Janvier en Allemagne (mardi), au RU (mercredi) et en France (jeudi). Il y a aussi les commandes à l’industrie allemande lundi
PIB final du T4 2015 pour le Japon (lundi soir) et la zone Euro (mardi) et PIB du T4 2015 en Irlande
En Chine, publication des chiffres du commerce extérieur (mardi) et de l’inflation (jeudi)
Jeudi, publication de l’emploi au T4 en France (version finale)
Bonne semaine à tous