Neuf points à suivre cette semaine dans la conjoncture globale
Point #1 – Pas d’accord à Doha, le prix du pétrole en repli
L’échec de la réunion de Doha, le dimanche 18 avril, traduit l’impossibilité d’un accord coopératif sur l’offre de pétrole.
A Doha, seize pays producteurs avaient rendez vous avec pour objectif de stabiliser la production de pétrole. Parmi les pays se trouvaient la Russie, l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Venezuela et quelques autres. Il n’y avait pas les Etats-Unis et l’Iran n’était là qu’en observateur.
Le souhait, annoncé depuis la mi février, était de stabiliser la production de pétrole au niveau de janvier 2016 pour les pays signataires. L’objectif premier était d’éviter une baisse supplémentaire du prix de l’or noir alors qu’il était au voisinage de USD 30. La stabilisation de la production pour les 2 principaux producteurs aurait permis de prendre l’avantage lorsque la production américaine se serait réduite. Ce dernier point est attendu par l’Agence Internationale de l’Energie dans la deuxième partie de l’année voir ici). L’écart entre l’offre et la demande se serait alors réduit de façon permanente et les prix seraient alors remontés.
Cet accord aurait pu être relancer lorsque l’Arabie Saoudite avait indiqué (voir ici), le 14 avril, qu’elle pouvait augmenter sa production de 1 million de barils/jour immédiatement à 11.5 millions et à 12.5 millions à un horizon de 6 à 9 mois. Cela suggérait que l’Arabie Saoudite avait la possibilité de produire davantage et de punir celui qui voudrait faire cavalier seul en inondant le marché. Elle ne voulait pas se retrouver comme par le passé à être le seul pays à ajuster sa production et voir ainsi ses revenus pénalisés.
Elle indiquait aussi qu’elle ne restreindrait pas sa production si l’ensemble des pays de l’OPEP n’était pas signataire. elle ne voulait pas se retrouver coincer par un accord alors que d’autres pays adoptaient des comportements différents. C’est ici l’Iran qui était visé. Ce dernier, touché par le long embargo depuis 2008, estime avoir beaucoup de retard et la nécessité de retrouver des revenus plus élevés en maintenant et en accélérant sa production.
L’Iran a fait la sourde oreille et de ce fait l’accord n’a pas eu lieu.
Il est rare de trouver un accord de coopération visant à réduire la production. Et s’il y a accord il est rare qu’il soit maintenu dans la durée. En effet pour qu’un tel accord survienne il faut que le marché soit déséquilibré et que le prix et les revenus des pays producteurs aient chuté fortement. Généralement dans ces situation, il y a toujours un pays qui produit un peu plus, cela ne se verra pas, mais qui in fine fait échouer l’accord.
Le prix du pétrole qui était remonté vers 40 dollars depuis l’annonce de ce possible accord va rechuter. 30 est à nouveau un objectif probable car l’écart entre l’offre et la demande ne va pas se réduire rapidement, en vrai et en anticipations alors que les stocks resteront élevés.
Point #2 – Le FMI reste sur une dynamique limitée
Les perspectives publiées par le FMI sont revues à la baisse pour 2016 et 2017. La croissance mondiale serait de 3.2% en 2016 après 3.1% en 2015 et en attendant 3.5% en 2017.
Les pays industrialisés progresseraient de 1.9% en 2016 comme en 2015 et de 2% en 2017. Pour les pays émergents les chiffres sont de 4% en 2015, 4.1% en 2016 et 4.6% en 2017.
La modeste accélération de la croissance proviendra des pays émergents.
Ce que signale Maury Obstfeld le chef économiste du FMI est que l’économie, notamment dans les pays développés, suit une trajectoire trop basse depuis trop longtemps. Cela affecte les anticipations de tous les acteurs de l’économie et ne les incite pas à adopter des comportements volontaristes.
D’où la nécessité d’une politique budgétaire plus volontariste via l’investissement public (choc positif) pour se caler sur une trajectoire plus élevée.
En outre, une croissance trop faible rend l’économie globale beaucoup plus sensible aux chocs, incapable de les amortir comme elle pourrait le faire si l’expansion était plus robuste. D’où la nécessité d’être proactif sur la politique économique.
Point #3 – Pas d’accélération de l’inflation en vue.
Le probable repli du prix de l’or noir ne va pas arranger les banquiers centraux car la menace d’une inflation réduite demeure les obligeant à être et à rester très accommodants. On se souvient en début d’année de l’inquiétude de Mario Draghi lorsque le prix du baril était proche de 30 dollars. Une telle occurrence reportait dans le temps le moment où l’inflation pourrait effectivement remonter et converger vers l’objectif de 2 % des banques centrales.
Au mois de mars le taux d’inflation est resté réduit et aux USA le taux d’inflation mesuré par le CPI a ralenti passant de 1% à 0.85%. Ce qui est intéressant ici est que le taux d’inflation sous-jacent a lui aussi ralenti passant de 2.3% à 2.2%. La plupart des postes contributeurs à la hausse récente de cet indicateur se replient y compris la composante “logement” et la santé.
Le taux d’inflation en zone Euro a été réévalué à 0% en mars contre une annonce initiale de -0.1% (estimation avancée) et aussi un taux d’inflation à -0.2% en février.
La contribution du pétrole s’est réduite à nouveau (et ne va pas s’accélérer si le pétrole retourne vers 30 dollars) alors que les services ont augmenté sous l’impulsion des services. L’acquis d’inflation est de -0.11% pour 2016 à la fin du mois de mars (inflation moyenne en 2016 si l’indice des prix restait caler tout le reste de l’année sur l’indice de mars). Ce n’est pas une incitation forte à tirer les salaires à la hausse dans les négociations salariales et de ce fait à doper la demande interne
Au sein des pays de la zone Euro on constate que pour plusieurs pays, le taux d’inflation est toujours nettement négatif. Ce sont les pays sur la gauche du graphe.
En revanche, à l’exception de Chypre le taux sous-jacent est systématiquement positif même s’ils sont tous ou presque très éloignés de l’objectif de la BCE.
Point #4 – La production industrielle s’essouffle en mars
La production industrielle a généralement ralenti en février après un mois de janvier très robuste. Le constat est le même sur la production manufacturière. Cela n’empêche pas d’avoir une tendance haussière au sein de la zone Euro et en Allemagne (quand on regarde la moyenne sur 3 mois).
En revanche la situation stagne en Italie et en Espagne et se replie rapidement en France, au Japon et surtout au Royaume Uni. Est ce la crainte du Brexit qui paralyse toutes les énergies? C’est ce que semblait évoqué le CBI (patronat anglais) ce week-end.
Aux USA la production industrielle ralentit franchement depuis le début de 2015 en raison de la dégradation dans le secteur pétrolier. Si l’on ne prend que le secteur manufacturier, il est sur une tendance horizontale depuis la même période. La dynamique de l’activité industrielle est donc réduite aux USA. Ainsi la production industrielle est elle en repli de -2.2% après -3.3% (taux annualisé) au dernier trimestre 2015. Pour la production manufacturière la progression est de 0.7% après un repli de -0.4% sur les trois derniers mois de 2015.
Point #5 – Confirmation de la fragilité de l’activité industrielle aux USA
Le graphe ci-dessous reprend le profil du taux d’utilisation des capacités de production. Elles continuent de reculer en ce début d’année. C’est un signal d’inflexion du cycle américain car l’effet de diffusion du ralentissement dans le reste du secteur manufacturier se ressent. Dans ce secteur le taux d’utilisation est étal depuis le début de l’année 2015 (à partir du moment où l’indice ci-dessous se retourne).
Ce ralentissement de l’activité est compatible avec une baisse du taux de chômage comme le suggère le graphe, notamment depuis le milieu des années 80 lorsque la synchronisation des deux indicateurs est plus limitée, le taux d’utilisation se retournant désormais avant le taux de chômage.
Point #6 – Les ventes de détail sont moins dynamiques aux USA
Les ventes de détail ne suggèrent pas une accélération de la demande du consommateur au cours des trois premiers mois de 2016.
Le graphique ci dessous montre que la progression de l’indicateur issu des ventes de détail et repris par le Bureau of Economic Analysis pour construire l’indicateur de consommation des ménages est modeste sur les 3 premiers mois de l’année. La hausse est d’autant plus limitée que l’inflation sous-jacente a légèrement accélérée au premier trimestre. (+2.7 contre 2.2% en T4 2015 en taux annualisé). Cela implique qu’en données hors inflation la progression est beaucoup plus faible.
La contribution de la consommation au premier trimestre va être plus réduite que celle constatée au dernier trimestre 2015. (Les ventes de détail sont une partie seulement des dépenses de consommation) C’est ce que suggérait déjà les chiffres de consommation publiés pour janvier et février (acquis de 1.4% pour T1 2016 contre une progression de 2.5% en T4 2015)
Point #7 – La Chine continue de ralentir
La croissance chinoise a franchement ralenti au premier trimestre. Le taux de croissance, annualisé, sur le trimestre est de 4.5% contre 6.1% au dernier trimestre 2015. C’est le chiffre le plus bas depuis que la série trimestrielle existe. Sur un an la croissance ressort à 6.7%. On voit sur le graphe que depuis début 2012 la tendance de la croissance ralentit nettement. C’est le processus de transition de l’économie chinoise vers les services.
On avait constaté en Janvier et Février un repli des différents indicateurs habituels sur la consommation, l’investissement, la production industrielle ou les exportations.
Le rebond constaté sur pas mal de données en mars ne doit pas forcément suggérer un retournement de tendance. A la fin du trimestre les autorités ont été plus volontaristes et c’est à mon sens ce qui explique une bonne partie du rebond des indices. Cela est vrai notamment dans l’investissement. On ne sortira pas de cette tendance au ralentissement de la croissance même avec des politiques volontaristes.
En outre, du côté des exportations, il n’y a qu’un phénomène de rattrapage. On observe cette situation tous les ans après les deux premiers mois pollués par les fêtes du nouvel an chinois.
Point #8 – Les exportations de la zone Euro plafonnent
Le solde du commerce extérieur est encore très excédentaire (20.2 milliards en février 2016). Sur un an, le solde cumulé est de 246 Milliards.
Il n’empêche que les profils des exportations et des importations ont changé comme le montre le graphe ci-dessus et que le maintien de l’excédent reflète la baisse des importations, merci le prix du pétrole.
La zone Euro est perturbée par le ralentissement de l’économie globale. On l’observe ici très directement.
Point #9 – La BoE observe que le référendum du 23 juin crée de l’incertitude
Lors de la réunion du comité de politique monétaire du 14 avril, la Banque d’Angleterre a constaté que le référendum sur l’appartenance du royaume Uni à l’Union Européenne (23 juin) engendre de l’incertitude sur l’activité, l’emploi et sur les variables financières. Elle ne s’en inquiète pas mais le constate. Cela va être l’élément clé des prochaines semaines en Europe et pas simplement au Royaume Uni.
Pour la semaine à venir
Le point principal portera sur la réunion de la BCE (jeudi) avec la conférence de presse de Mario Draghi. Il y aura aussi, mardi, l’enquête sur les prêts bancaires (Bank Lending Survey) qui donnera des signaux sur l’efficacité de la politique monétaire.
Du côté des banques centrales on sera attentif au discours de Will Dudley (Fed NY) lundi
Le deuxième point important sera l’ensemble des enquêtes menées pour le mois d’avril. Cela commencera mardi avec le ZEW allemand et vendredi avec les enquêtes Markit (estimation avancée) pour le Japon, la zone euro, la France, l’Allemagne et les Etats-Unis.
Le troisième point est l’emploi (mercredi) et les ventes de détail (jeudi) au Royaume Uni
Des indicateurs immobiliers aux USA avec l’indice NAHB des constructeurs de maison (lundi), les mises en chantier (mardi) et la revente de maisons (mercredi)
Bonne semaine à tous