6 points à retenir cette semaine pour comprendre la conjoncture économique
Point #1 – La Fed préfère agir plus tard que trop tôt
La Fed a nettement revu à la baisse le profil de ses anticipations de taux d’intérêt. En décembre, les anticipations de l’ensemble des membres du comité de politique monétaire suggérait la possibilité de 4 hausses de taux en 2016. Lors de la réunion de mars, il n’y a plus que 2 hausses de comptabilisées. Et le repli est majeur puisque la médiane des anticipations est en recul de 50 points de base à 0.875% contre 1.375% en décembre.
Les attentes pour 2017 et 2018 ont aussi été revue à la baisse.
Cependant, cela ne signifie pas que ce sera le profil des taux d’intérêt de la Fed. Car c’est la décision de Janet Yellen qui compte. Elle l’a d’ailleurs rappelé dans le propos préliminaire à sa conférence de presse.
On observe dans le graphe ci-dessous le changement dans les attentes des membres du comité. Chaque ligne représente la distribution cumulée des anticipations de ceux ci à une date de réunion pour une année précise. Les deux premières courbes sur la gauche représentent les attentes pour 2016. La première courbe traduit les attentes de mars 2016 pour 2016 et la deuxième celle de décembre 2015 pour 2016. J’ai fait aussi figurer la médiane de chacune des distributions.
Les raisons principales de ces changements importants est la perception d’une conjoncture moins robuste qu’en décembre et de l’absence de tensions au sein de l’appareil productif américain. C’est d’ailleurs un point sur lequel Yellen est revenu plusieurs fois: en dépit d’importantes créations d’emplois et d’une réduction des déséquilibres sur le marché du travail il n’y a toujours pas de tensions sur les salaires.
Tant qu’il n’y aura pas de tensions sur l’appareil productif, la Fed aura tendance à reporter son intervention. Au regard des évolutions récentes sur le taux d’utilisation des capacités de production ou encore sur les ventes de détail, il est probable que la Fed prendra son temps dans les prochains mois.Il n’y a toujours pas d’urgence à durcir le ton.
Point #2 – Les tensions sur l’appareil productif sont toujours réduites
Les chiffres de la production industrielle de février ont corrigé la hausse excessive de janvier. L’indice de la production industrielle recule de -0.5% après une progression de 0.8% en janvier. Pour la production manufacturière, la hausse a été de 0.2% contre 0.6% en janvier. De la sorte, l’acquis (pour le premier trimestre à la fin février) est légèrement négatif pour la production industrielle à -0.5% après un recul de -3.1% pour l’ensemble du dernier trimestre 2015 (taux annualisé). Pour le secteur manufacturier, l’acquis est de 1.8% contre une stagnation de l’activité pour les trois derniers mois de 2015.
Le taux d’utilisation des capacités de production se réduit à nouveau pour l’ensemble du secteur industriel alors qu’il est stable pour le secteur manufacturier.
Pour moi le retournement de cet indicateur pour l’ensemble de l’industrie reflète le retournement du cycle américain au premier trimestre 2015. Le ralentissement dans le secteur énergétique pénalise l’ensemble du secteur manufacturier.
On notera cependant le rebond des indicateurs synthétiques des enquêtes menées par la Fed de New York (Empire State Survey) et de la Fed de Philadelphie. Le premier néanmoins reste nettement sous sa moyenne de long terme alors que le second passe enfin au-dessus. C’est un signal plutôt positif pour l’activité manufacturière.
Point #3 – Les ventes de détail manquent de dynamisme en février
En dépit d’une baisse significative des ventes d’essence dans l’ensemble des ventes de détail (en raison de la baisse du prix voir le graphe ici), les dépenses des ménages ont peu évolué en février.
Les ventes avaient reculé de -0.4% en janvier, elles ont baissé de -0.15% en février. De la sorte, l’acquis est de -0.7% pour le premier trimestre à la fin février. Pour l’indicateur servant de référence dans la construction des comptes nationaux (il s’agit des ventes de détail moins les dépenses en auto, essence et matériaux de construction), il est stable en février après avoir progressé de 0.2% en janvier. L’acquis est de 0.8%.
Les signaux relatifs aux dépenses des ménages ne sont pas excessifs et pourraient se traduire par un léger ralentissement de l’ensemble des dépenses au premier trimestre.
Point #4 – L’inflation américaine reste soutenue
Le taux d’inflation en février s’est inscrit à 1% et le taux sous-jacent à 2.3%.
La hausse de l’indice sous-jacent traduit toujours l’impact fort du logement (hors énergie) qui explique les 2/3 de l’évolution. Cependant de façon plus récente, le prix des dépenses de santé ont augmenté beaucoup plus rapidement et ont tiré l’indice à la hausse.
On voit effectivement la hausse de l’indice des prix relatif à la santé. On relèvera aussi qu’il n’y a plus de composante en territoire négatif.
Rappelons que la Fed suit l’indice issu des dépenses effectives des ménages dont la pondérations est différente notamment sur le logement (hors énergie)
Point #5 – L’inflation était à -0.2% en zone Euro en février
Le graphique résume bien les problématiques de l’inflation en zone Euro. Il y a certes une contributions négative de l’énergie, elle traduit la baisse du prix du pétrole. Il y a surtout une inflation sur les services et les biens qui ralentit très nettement à nouveau. Cela suggère à la fois l’absence de pressions sur les salaires dans les services et l’effet de la baisse de l’euro qui s’estompe dans les biens. Au regard de l’évolution récente de la monnaie européenne il n’est pas certain que cette contribution reparte à la hausse, n’alimentant plus ainsi l’inflation.
Point #6 – L’INSEE optimiste pour l’économie française
L’INSEE reste sur l’atteinte d’une croissance au voisinage de 1.5% en 2016.
Cela reflète la reprise de la consommation des ménages après une fin d’année 2015 perturbée par les attentats du 13 novembre et un effet météo moins marqué que d’habitude limitant ainsi les dépenses dans certains secteurs (vêtements). L’investissement devrait bénéficier des mesures de politique économique (CICE, pacte de responsabilité permettant l’amélioration des marges et le suramortissement des investissements) et de conditions financières très accommodantes. Enfin, la livraison de plusieurs grands contrats devrait permettre aux exportations une allure plus robuste et pas forcément en phase avec un commerce mondial un peu mou.
Pour ces raisons l’INSEE table de 0.4% de croissance au premier et au deuxième trimestre.
Je crains que l’institut soit un peu trop optimiste mais je souhaite me tromper.
Divers points
- Le solde du commerce extérieur de la zone Euro s’est établi à 248 Mds d’euros sur 12 mois en janvier 2016. Les importations sont limitées alors que les exportations sont un peu plus robustes.
- L’indice des constructeurs de maisons aux USA est stable en mars par rapport à février en s’inscrivant à 58. Les mises en chantier de maisons individuelles continuent de progresser sur un tendance robuste alors que les mises en chantier d’immeubles ralentit sensiblement.
- La Banque d’Angleterre a maintenu son taux de référence à 0.5% en l’absence de tensions sur l’appareil productif et parce que les salaires continuent de progresser à un rythme modéré.(2.1% sur un an en moyenne sur les trois derniers mois)
Pour la semaine qui s’ouvre on retiendra
On retiendra d’abord les premières indications sur le mois de mars à travers diverses enquêtes: Ainsi on aura mardi l’IFO et le ZEW en Allemagne, jeudi l’indice du cycle des affaires de l’INSEE en France, mardi les estimations avancées des enquêtes Markit en zone Euro, France et Allemagne (mercredi aux USA)
L’indice de confiance des ménages en France pour le mois de mars (vendredi) et les inscrits à Pôle Emploi (jeudi)
Aux USA, les reventes de maisons (lundi) et la vente de maisons neuves (mercredi) donneront un signal sur le marché immobilier en attendant vendredi l’estimation finale du PIB du 4ème trimestre 2015. On aura aussi jeudi les commandes de biens durables (notamment les biens d’équipement)
Au Royaume Uni, l’inflation de février sera publiée mardi et les ventes de détail jeudi. Lundi il y aura l’enquête CBI sur l’activité en mars.
Bonne semaine à tous